Equipe de France de handball : recette d’une domination historique

Les Experts, comme ils sont surnommés, sont devenus champions du monde pour la cinquième fois. Aujourd’hui références historiques dans leur sport, les raisons de leur succès sont multiples.

Equipe de hand

L’équipe de France est championne du monde pour la cinquième fois en dix éditions. (Crédit photo : AFP).

Qu’est-ce qui peut expliquer un tel succès ? En 8 ans, l’équipe de France a remporté 8 des 12 tournois internationaux et continentaux qu’elle a disputés. Une véritable razzia. Cette domination est en partie le résultat de la culture du handball qui existait dans les années 1970 et 1980. En effet, d’après une étude sur les pratiques sportives scolaires, publiée dans Sciences sociales et sport par Gilles Combaz et Olivier Hoibian, le handball était le second sport le plus pratiqué par les élèves en 1984-1985, derrière l’athlétisme. Ce lien entre éducation et handball a contribué à la démocratisation d’un sport porté par les Barjos dans les années 1990. Pourtant, aujourd’hui, la place du handball n’est plus aussi importante à l’école, bien qu’il reste un des sports collectifs de référence. Alors les équipes de France ont pris le relais dans la promotion de leur sport. Comme nous l’affirme l’ancienne internationale Katty Piejos, « l’équipe masculine est un exemple, ils sont capables de jouer et de gagner des finales ». Elle ne doute pas que le titre mondial obtenu au Qatar va « intégrer ce sport, faciliter sa médiatisation, car ce sport le mérite ».

Des individualités au service du collectif

Les Experts, ce sont aussi des individualités d’exception. Trois joueurs élus « Meilleur handballeur du monde » par l’International Handball Federation (N. Karabatic en 2007, Omeyer en 2008 et Narcisse en 2012), sans oublier Fernandez, Abalo ou Guigou. A chaque poste, l’équipe de France peut aligner un joueur qui fait partie des tout meilleurs. Pourtant, c’est le collectif qui est bluffant. Bien que ces individualités pourraient être tentées de vouloir briller solitairement, les handballeurs tricolores affichent sur le terrain une confiance sans faille. « Omeyer et Karabatic ont été énormes, mais ce qui a fait la gagne, c’est la cohésion et le collectif ». Comme le résume Katty Piejos, « tout le monde apporte sa pierre à l’édifice ». La force de l’équipe de France, c’est aussi la réussite de l’intégration des nouveaux arrivants par les anciens. L’éclosion de Cédric Sorhaindo, chargé de remplacer Bertrand Gille, ou la succession de Fernandez assurée par Barachet en sont des exemples probants. Même si cet esprit d’équipe n’est pas toujours au rendez-vous hors du terrain, cette capacité d’abnégation dans les rencontres importantes est parfaitement illustrée par la relation entre Karabatic et Sorhaindo.

Un groupe responsabilisé

Mais avoir dans ses rangs les meilleurs joueurs du monde ne garantit pas la victoire pour autant. Un homme permet à chacun d’exprimer son talent : Claude Onesta. Le sélectionneur français a effectué un travail remarquable. Interrogé par lenouvelobs.com, l’Albigeois dévoile sa manière de faire. Il a choisi de donner beaucoup de pouvoir aux joueurs, de leur laisser « le sentiment de décider à sa place ». Ces derniers ont maintenant une influence sur le jeu de l’équipe. Onesta voulait ne « plus avoir des joueurs assis, qui se défaussent en cas d’échec sur le staff, mais des joueurs debout, prenant leur responsabilité dans l’aventure collective. » Et le résultat est visible. Tous se sont impliqués à fond. Pendant les temps-morts, Nikola Karabatic a souvent annoncé la tactique à suivre et a fait de nombreux ajustements en défense. Pour Onesta, cette situation risque de créer « une dépendance à sa performance et à sa présence qu’il va falloir prendre en considération ». Mais l’équipe de France a de la marge puisque son maître à jouer n’est pas dans les dix meilleurs buteurs du Mondial. Ce n’est même pas le premier français : Mickael Guigou est 13ème avec 36 buts. Karabatic n’est  »que » 16ème avec 33 buts. Du côté des meilleurs passeurs, on peut faire le même constat. Avec 26 passes décisives, le demi-centre français est loin, très loin du leader Mikkel Hansen et ses 49 passes. Malgré tout, l’apport de « Niko » est supérieur aux statistiques. Sa capacité à fixer la défense adverse, et à l’obliger à se concentrer sur lui, provoque des décalages pour ses coéquipiers.

Une défense de fer

« L’attaque fait lever les foules, la défense fait gagner des titres ». Cette citation, empruntée à Michael Jordan, ne se vérifie pas seulement dans le monde de la balle orange. Avec à peine 24 buts encaissés par match, la France se classe deuxième meilleure défense du Mondial. Le mérite revient en partie à Thierry Omeyer. A 38 ans, l’Alsacien a encore réalisé un mondial de grande qualité, notamment lors des matchs à élimination directe. Avec 105 arrêts à 37 %, il a écœuré les tireurs adverses.

Thierry Omeyer

Thierry Omeyer, le gardien français a été récompensé de son Mondial avec un trophée de meilleur joueur du tournoi. (Crédit photo : AFP)

Mais un grand gardien n’est rien sans une grande défense. Les frères Karabatic, qui composent l’axe central de la défense française, ont pu compter pendant tout le Mondial sur les conseils de Didier Dinart. « Le Roc », comme on le surnomme, est l’ancien défenseur attitré de l’équipe de France. Son palmarès épais comme un dictionnaire montre toute son expérience. Un exemple de la volonté des anciens d’apprendre aux plus jeunes. C’est bien grâce à cela que l’équipe de France domine la planète handball depuis 10 ans.

Médias : le handball sur la bonne voie ?

Dimanche 1er février au soir, l’équipe de France de handball devenait championne du monde de handball sur TF1. La chaîne privée s’était offert les droits de cet événement majeur, grillant France Télévisions, diffuseur traditionnel des finales des Experts. Et TF1 n’a pas été déçu du résultat : 9,1 millions de téléspectateurs ont regardé le match. Mais le handball français est condamné à l’exploit pour exister. Seules les finales sont diffusées par une chaîne gratuite, à condition que la France atteigne la finale. Et si exceptionnellement, TF1 avait aussi obtenu les droits de la demi-finale, la première chaîne de France préférait maintenir « Le Juste Prix » et programmer le match sur sa chaîne secondaire TMC. Malgré le succès des Bleus (3,3 millions de téléspectateurs, record absolu pour la TNT), cela démontre que la médiatisation du handball reste bien précaire.

Wilhem Lelandais-Foyer
Emmanuel Durget