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Qatar : sport, business et droits de l’Homme
La Coupe du monde de handball vient de s’achever au Qatar. Sur fond de victoire des Experts, surnom de l’équipe de France, de nombreuses questions restent en suspens quant à l’éthique accordée au sport par le pays hôte. Zoom sur des intérêts économiques et diplomatiques qui dépassent de loin le simple cadre sportif.
L’édition 2015 de la Coupe du monde de handball aura indéniablement été marquée par la performance de l’équipe qatarie, arrivée en finale face à la France, après avoir notamment éliminé l’Espagne, tenante du titre. Aucun pays non-européen n’avait réussi à accomplir l’exploit de se hisser jusqu’à ce niveau de la compétition. Et cet exploit soulève beaucoup de questions, pour un pays qui s’intéresse à ce sport depuis 25 ans seulement.
Naturalisations en séries
Le handball n’étant pas le sport national au Qatar, le pays a profité de la souplesse législative de la Fédération internationale de handball pour monter en quelques années une équipe capable de rivaliser au plus haut niveau. Depuis 2013, le pays pétrolier naturalise des joueurs en vue de la compétition. Naturaliser quelques joueurs avant un événement sportif de cette envergure dans le but d’augmenter la compétitivité de l’équipe, n’est pas une nouveauté dans le sport. L’équipe supportée par le prince Tamim ben Hamad Al Thani est composée à une exception près, de joueurs nés en dehors de l’émirat, comme le révèle metronews.fr. Ainsi, sur les seize joueurs qui composent la sélection, seul un joueur est vraisemblablement né sur le sol qatari. Les autres sont bosniens, iraniens, égyptiens, ou encore monténégrins. La sélection a même pu compter sur un ancien tricolore, Bertrand Roiné, champion du monde avec la France en 2011. L’entraîneur, Valero Rivera, a quant à lui été recruté après avoir remporté la dernière Coupe du monde avec l’Espagne. La Fédération internationale de handball compte rectifier le tir et durcir sa loi en fixant certaines limites.
Des supporters recrutés, d’autres interdits
Mais le pays de la péninsule arabique ne s’est pas contenté de naturaliser des joueurs. D’après Le Monde, une soixantaine de supporters espagnols, sélectionnés parmi les plus bouillants, se sont vus offrir le voyage et les frais, ainsi que des places pour assister aux matches du Qatar. En échange, ils ont fait un maximum de boucan lors des rencontres de l’équipe qatarie, célébrant chacun de leurs buts.
Tandis que le soutien du Qatar avait valeur de petit luxe, d’autres supporters ont vécu certaines mésaventures. En effet, d’après le site spécialisé handnews.fr, une centaine de supporters allemands se sont vus refuser l’entrée pour le quart de finale Allemagne-Qatar. Ils étaient pourtant munis de billets valides, mais les autorités de Doha leur ont stipulé que des supporters qataris avaient pris place dans leur secteur et qu’il serait impossible d’assister au match. Un événement qui écorne un peu plus l’image qu’essaie de véhiculer le pays.

L’équipe du Qatar a pu compter sur le soutien de quelques supporters espagnols. (Crédits photo : D.R)
Et maintenant ?
Depuis quelques années, le Qatar a lancé une politique visant à valoriser son image auprès de la population mondiale, tout ça à travers le sport. Le pays tente ainsi d’organiser le départ du Tour de France, pour l’instant en vain. Les difficultés matérielles prennent encore le pas sur l’enjeu financier. En France, le richissime homme d’affaires Nasser Al-Khelaïfi a déjà racheté le club de football du Paris Saint Germain, mais aussi son club … de handball, devenu le PSG Handball, qui a depuis recruté de grands noms de la discipline comme le Danois Mikkel Hansen. Le pays a également implanté sa chaîne sportive en France : Bein Sport, qui propose le contenu le plus fourni dans le domaine du sport. Après avoir investi massivement dans les banlieues françaises, l’émirat ne compte pas s’arrêter là. En 2010, le Qatar obtenait l’organisation de la Coupe du monde de football 2022, auprès de la FIFA. La Fédération internationale de football semble ne pas avoir tenu compte des nombreux problèmes qu’engendrait l’attribution d’une telle compétition à un pays qui compte un peu plus de 2 millions d’habitants. Depuis quelques années, les fédérations sportives privilégient les moyens financiers proposés par les états, tel un vulgaire appel d’offres, plutôt que de prêter attention à d’autres critères.
Ainsi, par exemple, depuis que la Russie a organisé les jeux d’hiver de Sotchi, la ville ne ressemble plus qu’à un village fantôme, alors que les investissements consentis représentaient le produit annuel brut de la Tunisie. Actuellement, de nombreuses ONG dénoncent le traitement enduré par les travailleurs, pour la plupart illégaux, sur les chantiers des stades en vue de la Coupe du monde de football. Près de 1000 personnes seraient décédées depuis le début des travaux. De plus, de nombreux soupçons de corruption pèsent sur la FIFA quant à l’attribution de la compétition. Sony et Emirates se sont d’ores et déjà retirés du sponsoring en vue de 2022. Des désengagements qui écornent encore un peu plus l’image du Qatar.
Grégoire Bosc Bierne
Loris Bavaro