Arabie Saoudite : le double jeu

Le roi Abdallah est décédé le 23 janvier dernier des suites d’une pneumonie. Derrière le salut de la communauté internationale, le pays cache bien des vices.

C’est dans une tombe anonyme du cimetière de Riyad qu’a été enterrée, vendredi 23 janvier, la dépouille du roi Abdallah. Quelques heures après sa mort, un cortège uniquement composé d’hommes et de responsables nationaux s’est réuni pour une dernière cérémonie. Pourtant, derrière cette modestie apparente, bien des vices se cachent.

François Hollande, en visite officielle, a salué la mémoire du roi : « Un homme d’Etat dont l’action a profondément marqué l’histoire de son pays et dont la vision d’une paix juste et durable au Moyen-Orient reste plus que jamais d’actualité », et d’ajouter : « J’avais avec le roi Abdallah des relations de confiance, y compris pour lutter contre le terrorisme. » Christine Lagarde avait par la suite affirmé que le pays avait fait de grands progrès en ce qui concerne le droit des femmes.

Et pourtant. Si on se tourne vers l’actualité de ces dernières semaines, on est loin du compte. Un blogueur arrêté et condamné à des centaines de coups de fouet, une femme décapitée parce qu’elle conduisait, et la prise de pouvoir de Salmane, épaulé par le prince héritier Moqran, dont le penchant pour la torture était bien connu lorsqu’il était à la tête des services secrets du pays. Cerise sur le gâteau, l’administration américaine a lancé une enquête après les aveux d’un détenu français aux Etats-Unis, Zacarias Moussaoui, confirmant que l’Arabie Saoudite finançait certains groupes terroristes comme Al-Qaeda avant les attentats du 11 septembre.

Raef Badawi Blogueur Arabie saoudite

Raef Badawi, condamné à la flagellation pour avoir tenu un blog. (Crédits photo : tekiano.com)

Un poids inquiétant sur la scène internationale

Un fait troublant. Loin d’être un partenaire de choix dans la lutte contre le terrorisme, l’Arabie saoudite entend bien peser dans les relations internationales. A sa manière. En cause, le financement d’écoles coraniques dirigées par des fondamentalistes religieux, des livraisons d’armes aux djihadistes de l’Etat Islamique, un soutien marqué envers des groupes terroristes

africains. La liste est longue. Dans un tel contexte, les propos de François Hollande relèvent plus d’une démarche commerciale que d’un réel constat diplomatique.

L’Arabie saoudite a toujours été un atout important pour l’Occident. Rien n’aurait pu le prouver mieux que cette citation de M. Hollande. Car, loin des propos laudateurs que le gouvernement cherche à faire passer, le pays entend bien imposer sa vision du monde, tout particulièrement depuis la montée de la puissance chiite au Moyen-Orient. Relativiser de tels discours est essentiel. Car derrière l’arbre se cache un désert. Un désert en matière de droits de l’Homme -et de la femme- et de coopération internationale.

Matthias Somm