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Fête du Citron: rire jaune des Mentonnais
Du 14 février au 4 mars, Menton organise sa traditionnelle Fête du Citron. Si les touristes du monde entier se rendent à cet événement, les Mentonnais regardent la manifestation d’un œil plus agacé, d’autant plus qu’elle est marquée cette année par la récente attaque au couteau subie à Nice par des militaires en faction.
Un citron grimé en Chinois, il ne faut y voir aucune blague de mauvais goût, ce n’est que le thème de la 82ème Fête du Citron. La Fête du Citron mobilise 300 personnes, qui transportent et entreposent 140 tonnes d’agrumes dans la ville, dans le but d’écouler les 250 000 places disponibles. Autant de chiffres que la mairie de Menton se plaît à communiquer dans un dossier des plus exhaustifs – la longueur de buis tressés utilisée y est détaillée. Mais le document omet certains aspects, plus dommageables, de l’événement. Par dommages, comprenez non pas les répercussions sur les commerces de la ville, mais sur la vie des locaux. Pendant les 19 jours de fête, c’est presque l’équivalent de l’ensemble de la population mentonnaise qui débarque dans cette commune de 29 000 habitants. Alors forcément lorsqu’il y a une telle affluence, le climat est plus étouffant. Pour cette habitante du quartier du Borigo, la Fête du Citron est synonyme de contraintes dans sa vie de citadine: « Avec les touristes, toutes les places sont prises par les bus, impossible de se garer. Du coup pour aller dans le centre c’est un cauchemar. Quand on veut aller faire ses courses par exemple, c’est suicidaire de prendre sa voiture, aucune chance de trouver une place. » Dans ce quartier excentré des principales animations, ce ne sont pas moins de 80 bus qui réquisitionnent les places de voitures. Bus qui ont acheminé des centaines de touristes de toute l’Europe, repartant pour la plupart en fin de journée. Vers 18h30 les bus s’apprêtent à redémarrer pour leur nouvelle destination, l’Italie pour la plupart, où l’hôtellerie est moins coûteuse qu’en France. Ainsi, le lendemain, les places de stationnement se rempliront de nouveau au détriment des véhicules des habitants de la ville.
Mieux vaut prévenir que guérir
Cette édition 2015 est surtout entachée par l’actualité récente. Après l’attaque au couteau de militaires à Nice, les Alpes-Maritimes ont été placées sous plan vigipirate au niveau attentat, le plus élevé possible. De ce fait, les rues de la ville se remplissent à la fois de touristes et de policiers. Dans la foule, on distingue un gilet bleu, puis un deuxième, puis un troisième… Ils sont nombreux à être mobilisés pour l’événement, qui concentre une grande densité de personnes. Des mesures plus ou moins soutenues par les passants, qui émettent parfois des réserves sur la réelle utilité de la présence des gardiens de la paix: « C’est sûr, avec tout ce qui se passe c’est rassurant de voir des policiers, même si à Menton il y a peu de chances qu’il arrive quelque chose. Mais jouer la carte de la sécurité c’est important. »
La sécurité, c’est ce qui a décidé le maire de la ville, Jean-Claude Guibal, à supprimer le traditionnel carnaval des enfants. L’annulation de ce rassemblement, qui réunit en temps normal près de 1500 écoliers de la ville, a vite été un sujet de débat entre les élus de la commune. Dans Nice-Matin, le conseiller du Front national, Thierry Gaziello, dénonce « l’aveu de faiblesse » de Jean-Claude Guibal. L’élu bleu marine s’interroge sur la logique de cette décision: « Si nos enfants sont vraiment menacés, il conviendrait d’annuler tout l’événement qui constitue à l’évidence une cible beaucoup plus tentante.». Tout en reconnaissant que la dimension économique de la fête qui fait d’elle un événement « intouchable ». Passé les attaques entre politiques, du côté des instituteurs la question ne s’est posée qu’à moitié. « Maintenant que la décision a été prise par la mairie, on la suit, mais on s’était déjà posé la question avec des collègues en en venant à la conclusion qu’il faudrait annuler le défilé » nous explique une directrice d’école. Le carnaval étant basé sur le volontariat de chaque institutrice, plusieurs d’entre elles n’ont pas attendu le communiqué de presse du maire pour décliner l’invitation à défiler. Faut-il encore ajouter la décision des parents d’élèves, précise la directrice : « Même si nous avions accepté de défiler avec les enfants, nous savons, et c’est tout naturel, que beaucoup de parents n’auraient pas laissé leurs enfants aller à l’école ». Ne pas défiler, une évidence pour les instituteurs comme pour les parents, que les discours politiques n’ont fait qu’acter dans un climat empreint d’un certain malaise. Cette 82ème édition aura donc été marquée à la fois par le mécontentement de la population locale, qui n’est toutefois pas chose nouvelle, et par divers événements ajoutant encore un peu de tension.
Pour terminer, rien de tel que quelques photos pour se rendre compte du contraste entre l’exposition des agrumes dorées et l’impact sur la vie mentonnaise. Vous pourrez trouver d’autres photos de la fête, plus enjouées, sur le site de la mairie de Menton.
Skander Farza