« Le Bleu est une couleur chaude » interdit en Iran

La poétesse Sepideh Jodeyri est harcelée par des médias conservateurs iraniens après avoir voulu adapter le roman de Julie Maroh « Le Bleu est une couleur chaude », version originale de « La Vie d’Adèle ».

Citoyenne iranienne, Sepideh Jodeyri découvre quelque temps après son succès au cinéma, la version originale en bande-dessinée de « La Vie d’Adèle ». La poétesse s’empresse ensuite de le traduire en persan, une des langues officielles du pays, avec le farsi. En Iran, l’homosexualité est passible de peine de mort.

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La citoyenne Sepideh Jodeyri est menacée dans son pays. (Crédit photo : D.R.)

Du bleu et de la polémique

Si l’adaptation cinématographique de « La Vie d’Adèle » a rencontré le succès en remportant la Palme d’or au Festival International du Film de Cannes en 2013, les polémiques ont accompagné le casting de son réalisateur Abdellatif Kechiche. Notamment quand une des deux actrices principales, Adèle Exarchopoulos, avait critiqué le manque d’ouverture d’esprit de Christine Boutin, ex-ministre du Logement sous Sarkozy, qui s’était déclarée gênée vis-à-vis du film. L’actrice n’a d’ailleurs pas hésité à la traiter de « frustrée de la touffe » en déclarant que « la bêtise peut devenir dangereuse ».

Pour rappel, la bande-annonce de « La Vie d’Adèle » :

Mais la polémique ne s’est pas arrêtée au territoire français. En Iran, l’histoire d’amour entre les deux jeunes personnages lesbiens Clémentine et Emma, n’a pas fait sensation. Quoi de plus évident dans un pays qui réprimande la communauté homosexuelle ? Selon le site Euronews, « depuis la révolution islamique de 1979, les organisations de défense des droits de l’Homme estiment que plusieurs centaines d’homosexuels ont été exécutés ».

A l’origine du scénario, Julie Maroh, qui poste sur son blog un message de colère. Peinée, la dessinatrice qui officie chez Glénat, explique aujourd’hui son désarroi : « les médias se sont littéralement déchaînés quand un éditeur de Téhéran a publié le dernier recueil de poésies de Sepideh et tenté d’en faire la promotion », avant de préciser qu’il est menacé de perdre son autorisation de publication. « Quant au directeur du musée où elle devait faire la promotion de son nouveau recueil de poèmes, ajoute-t-elle, il a tout simplement été renvoyé. » Sa traduction du Bleu et son « soutien à l’homosexualité » empêchent désormais Sepideh Jodeyri de voir ses ouvrages publiés en Iran.

L’auteure Sepideh Jodeyri écrivait sur sa page Facebook : « Je ne suis pas lesbienne, mais je n’aurais pas honte si quelqu’un pense que je le suis simplement parce que j’ai traduit ce livre ou parce que je défends l’homosexualité. Il n’y a rien de mal avec l’homosexualité. » Sepideh Jodeyri a traduit de nombreuses œuvres en persan, dont des poèmes d’Edgar Allan Poe et de Jorge Luis Borges, celui de Julie Maroh étant particulièrement éloigné de son domaine de prédilection.

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« Le bleu est une couleur chaude », version perse.

En Iran, les médias conservateurs religieux considèrent dorénavant Sepideh Jodeyri comme « une criminelle ». N’ayant pu trouver d’éditeur en Iran, la poétesse s’est vue contrainte de le faire éditer à Paris chez Naakojaa, un éditeur malgré tout d’origine iranienne.

Les événements ont lieu un peu plus d’un mois après l’attentat à la liberté d’expression dans les bureaux de Charlie Hebdo. « Il m’est insupportable qu’on laisse passer de tels événements sous silence. C’est une atteinte de plus cette année, cette vie, à notre liberté d’écrire, de lire, de communiquer et par-dessus tout d’aimer », déclarait Julie Maroh à la fin de son billet.

Lucile Moy

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