Dopage : le rapport de la dernière chance ?

Le rapport publié le 9 février établit les responsabilités de l’UCI (Union cycliste internationale) lors des dernières affaires de dopage. En pointant les causes de ce phénomène, l’UCI ne pourra plus « ne pas savoir ».

Affaire Festina, affaire Armstrong, affaire Humanplasma, affaire de Mantoue… Et si finalement, toutes ces affaires étaient en fait « l’affaire UCI » ? C’est ce que laisse penser la CIRC (Commission indépendante de réforme du cyclisme) créée pour mettre fin aux scandales incendiaires et améliorer la lutte antidopage, dans un rapport publié lundi 9 février. Sans incriminer l’UCI dans chacune des affaires, le rapport pointe du doigt l’inertie de l’institution en matière de lutte antidopage. Le portrait de l’UCI qui y est dressé est peu flatteur : depuis la fin des années 1990, la fédération internationale est dépeinte comme une instance corrompue, fermant les yeux sur ses propres règles (sur les cas Armstrong et Brochard notamment). L’UCI était prête à tout pour redorer l’image de la petite reine après l’affaire Festina : Armstrong (et son parcours héroïque) en était la parfaite incarnation. Le rapport confirme le don de 100 000 dollars américains d’Armstrong à l’UCI et souligne son imprudence à recevoir des dons d’athlètes. Cependant, il est impossible de clairement établir un fait de corruption, ce dont se réjouit Hein Verbruggen, ancien président de l’UCI et actuel « président d’honneur ».

Dans le peloton, le dopage continue

EufemianoFuentes

Le sulfureux docteur Fuentes jouerait encore, selon le rapport, un rôle important au sein du peloton professionnel. (crédit photo : AFP/Dani Pozo)

Le rapport reconnaît l’évolution positive du dopage dans le peloton : selon la CIRC, le dopage organisé dans les équipes n’existe plus. Mais le dopage continue, individualisé, plus soft et adapté aux nouveaux modes de contrôle tel que le passeport biologique, ce qui pousse à un « dopage souterrain ». Le rapport cite d’ailleurs les pertes de poids suspectes. Quant aux cyclistes interrogés par le rapport, l’un d’eux estime que 90 % du peloton est aujourd’hui dopé, un autre seulement 20%, d’autres ne savent pas, mais tous se rejoignent sur un point : le peloton n’est pas totalement propre.

Plusieurs points qui favoriseraient et encourageraient le dopage aujourd’hui sont abordés. Tout d’abord, la présence (encore et toujours) de médecins sulfureux, pourtant bannis, comme Eufemiano Fuentes ou Michele Ferrari. Le rapport ajoute qu’« au moins 69 docteurs ont assisté les coureurs en matière de dopage entre 1985 et 2014 ». Ensuite, la dimension économique et la structure du cyclisme est en jeu : un sport complètement dépendant de ses sponsors et « financièrement instable », puisque ce sont eux qui prêtent leur nom aux équipes. Cela crée un besoin de résultats très important pour satisfaire et garder le sponsor. Pour cela, les équipes seraient prêtes à fermer les yeux sur les pratiques de leurs coureurs. Brian Cookson, président de l’UCI depuis 2013, a donc du travail, lui qui a fait de la lutte antidopage un de ses principaux projets avec la réforme du World Tour. En tout cas, les pratiques de dopage n’intéressent pas que l’UCI : l’UNESCO a mis en place une mission d’évaluation. Elle aura pour but de contrôler le respect de la Convention internationale contre le dopage dans le sport par les 191 Etats signataires. Peut-être l’occasion d’aller voir un peu plus loin que le cyclisme, et de toucher des sports dont les contrôles sont volontairement opaques, tant les intérêts économiques sont importants. D’ailleurs, le compagnon de cellule d’Eufemiano Fuentes affirmait que ce dernier lui avait confié avoir aidé l’équipe d’Espagne de football à l’occasion de l’Euro 2008.Une information qui ne sera jamais vérifiée suite à la décision de la justice espagnole de détruire les quelques 200 poches de sang confisquées chez Fuentes.

Emmanuel Durget