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Le Front national peine à chasser ses vieux démons
Le Front national est plus que jamais au cœur de l’actualité. En pleine campagne contre la stigmatisation de leur parti, les cadres s’efforcent de faire valoir leurs candidats aux élections départementales. Entre malaise interne et dérapages médiatiques, le Front national peine à assainir son image.

Marine Le Pen lors d’une conférence de presse à Foix, en février 2015. (crédit photo : Jacques Demarthon / AFP)
Marion Maréchal Le Pen, députée frontiste et nièce de la leader du Front national, a interpellé mardi 10 mars le Premier ministre à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement. Elle accuse Manuel Valls de vouloir écarter le parti d’extrême droite du champ et du débat républicain. Elle a commencé son intervention en attaquant le parti socialiste : « Gardez votre mépris crétin et vos leçons de République pour votre propre parti », accusant la gauche « d’osciller entre phobie administrative et faux diplômes, compte en Suisse et prise illégale d’intérêt », faisant référence aux déboires fiscaux du député socialiste Thomas Thévenoud, et à la suspicion de faux diplômes qui pèse sur plusieurs cadres du parti. Elle rajoute que « ce n’est pas du Front national que sont issus les Cahuzac, les Sylvie Andrieux, les Kader Arif et tant d’autres qui ont volé les Français. Au nom de la République, vous revendiquez la stigmatisation de Marine Le Pen et 30% des électeurs Français (…) quand vous combattez toutes les autres formes de stigmatisation et toutes les autres formes d’amalgame ».
Manuel Valls a fustigé les propos de la députée. Il dénonce le comportement de plusieurs candidats du Rassemblement bleu Marine, qui regroupe plusieurs formations d’extrême droite, dans le cadre des élections départementales : « Je ne veux pas que le 22 mars ce pays, mon pays, ma France, se réveille avec la gueule de bois. Alors oui ! Face à vous, face à vos candidats, ils sont des dizaines à tenir des propos antisémites, racistes, homophobes, sexistes, à s’en prendre à des ministres de la République (…) Vous voulez que je vous donne la liste ? » Le Premier ministre s’insurge de la récurrence avec laquelle les candidats d’extrême droite tiennent des discours polémiques : « Non, ce ne sont pas Madame, des cas isolés, ce sont des cas graves, ce sont des récidivistes. Alors face à cela, madame, oui je mène campagne et je mènerai campagne, toujours ! » Il termine son discours : « Il est temps que dans ce pays on déchire le voile, la mascarade qui est la vôtre ! (…) Alors Madame, jusqu’au bout je mènerai campagne pour vous stigmatiser et pour dire que vous n’êtes ni la République, ni la France. »
« Les ennemis de la République »
Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste, a tenu une conférence de presse le 2 mars pour affirmer sa détermination à lutter contre le FN qui selon lui, « distille dans la société française un poison raciste qui pose un très grave problème. J’en appelle au sens des responsabilités », a insisté Pierre Laurent, dénonçant une « banalisation de propos ignominieux ». « Matin et soir le poison de la haine, du racisme, de la division, de la séparation des Français est distillé sans réaction. Au déni démocratique s’ajoute donc l’irresponsabilité politique », a-t-il poursuivi. Il déplore : « C’est le fond raciste du parti de Marine Le Pen qui remonte à la surface. »
Le Parti communiste a également publié une liste de « déclarations nauséabondes, racistes, et appelant à la violence [qui] se multiplient sur les blogs et les comptes des réseaux sociaux de candidats du FN ». Cette « liste de la honte » recense 27 propos tenus par des candidats d’extrême droite aux élections départementales, en public ou sur les réseaux sociaux. Apologie des actes d’Anders Breivik, proposition de « battues contre les arabes » ou encore « Travail, Famille, Patrie », le Parti communiste déplore « la banalisation et l’ultra-médiatisation du Front national [qui] libèrent totalement une parole répugnante, ordurière et violente » et appelle les électeurs à se mobiliser contre les ennemis de la République.
Laver son linge sale, encore et toujours
Ces dérapages médiatiques rappellent certaines déclarations polémiques de Jean-Marie Le Pen, ex-leader du Front national et actuel président d’honneur du parti, qui ont choqué l’opinion publique et pour lesquelles il a été condamné à plusieurs reprises. Afin d’assainir l’image de son parti, Marine Le Pen s’efforce de faire oublier ces frasques qui ont embarrassé le FN par le passé et qu’elle ne veut pas voir se reproduire. Elle se défend des propos tenus par certains des candidats du Rassemblement bleu Marine (qui rassemble plusieurs mouvements d’extrême droite) en plaidant que tous « ne sont pas des professionnels de la politique ». Elle assure par ailleurs que les déclarations de ses troupes sont « passées au scanner » et « scrutées ».
Afin d’avorter de ce nouvel embarras, le FN s’est rapidement désolidarisé des paroles tenues par ces prétendants politiques encombrants. Plusieurs d’entre eux ont notamment été exclus ou suspendus du parti. Dans le canton de Vitré, Mikaël Pinton va être « suspendu en vue d’une exclusion » pour avoir partagé en 2013, sur son compte Facebook, une photo illustrant Pierre Bergé et Doumia Bouzar avec un viseur d’arme à feu sur le front. Même régime pour le postulant frontiste dans le canton d’Arras-2, Jonathan Vivien pour avoir diffusé des « blagues » à l’encontre des arabes et de la communauté musulmane. Un candidat FN de l’Aveyron a été exclu vendredi 6 mars après la révélation de propos antisémites. Il va être jugé pour «provocation à la haine raciale par la voie » pour avoir notamment souhaité sur Facebook la destruction des juifs «une fois et pour toujours». Selon Ouest-France, l’homme était déjà connu de la police pour usage de stupéfiants, vol et conduite en état d’ivresse.

Le parti politique, le Front National cherche à « moderniser » son contenu, ses connotations et son image (Dessin : Camille Maleysson)
Plus récemment, Arnaud Couture, qui s’est présenté aux élections départementales à Cusset dans l’Allier sous la bannière FN, a été mis en examen début mars 2015 pour « enregistrement, détention et diffusion d’images à caractère pédopornographique », a confirmé mardi 10 mars le parquet de Clermont-Ferrand. Joint par lamontagne.fr, l’homme de 23 ans a annoncé qu’il mettait fin « à l’ensemble de (ses) fonctions » au Front national : « Je ne peux plus faire machine arrière mais, dorénavant, je ne me considère plus comme candidat pour les départementales et à même de porter les couleurs du Front national », a-t-il déclaré. « Arnaud a pris la décision de lui-même, mais s’il ne l’avait pas fait, je le lui aurais demandé », a précisé la responsable départementale du FN, Claudine Lopez.
Malgré les efforts de « dédiabolisation » du Front national consentis par Marine Le Pen et les cadres du parti, la difficulté de le rendre exempt de toute polémique pose un réel problème à l’ensemble de la formation politique. Marine Le Pen déclarait récemment à propos de Chantal Clamer, candidate Siel (micro-parti d’extrême droite investi sous la bannière Rassemblement bleu Marine), ayant tenu des discours racistes et homophobes sur les réseaux sociaux, que malgré des propos « extrêmement maladroits, imprudents », ce n’était pas à elle « d’exclure ou pas » cette candidate. L’autoproclamé « premier parti de France » a décidément bien du mal à chasser ses vieux démons.
Grégoire Bosc-Bierne