
Étiquettes
RIG Grèce #2- Depuis 2007, la Grèce fait l’économie de la liberté de la presse
Depuis 2007, la Grèce est descendue aux enfers économiquement, mais pas que. Durant cette période de décroissance économique, la liberté de la presse dans le pays n’a cessé de s’affaiblir. Que ce soit les différents gouvernements ou les médias eux-mêmes, peu ont réussi à garantir le droit fondamental d’informer. Chronologie, en 5 dates clefs, de cette dégradation…
Tout commence en 2007 lors de l’explosion de la bulle spéculative financière qui entraîne avec elle l’endettement irrémédiable des États pour sauver leurs banques. Se sont alors enchaînées les restrictions du budget public et les médias grecs, publics ou non, n’ont évidemment pas été épargnés. Le niveau de vie des citoyens baisse, et comme souvent, ce sont en premier lieu la culture et l’information qui en pâtissent.
Décembre 2008 : premières dérives
Le pays est secoué par de nombreuses manifestations contre l’austérité qui touche le pays, non sans un certain autoritarisme. La première chaîne privée du pays, Mega TV, diffuse les sons d’une manifestation tendue et violente des activistes anti-austérité alors que le jeune Alexis Grigoropoulos qui fait partie des manifestants, vient d’être assassiné. Ces sons proviennent en réalité d’une manifestation antérieure. Celle qui a réellement eu lieu ce jour-là était pacifique, selon plusieurs observateurs. Les grecs pensent être manipulés par des médias eux-mêmes manipulés par leurs grands actionnaires. Mais lorsque ces actionnaires se retirent peu à peu du capital des entreprises de presse, à partir de 2008, nombre d’entre elles se retrouvent abandonnées. Les investisseurs ont perdu beaucoup d’argent et ne peuvent garantir des budgets équivalents à ceux de l’avant crise. Les rédactions se retrouvent rapidement dans la précarité.
Un drame annonciateur. Le lundi 19 juillet 2010, Sokratis Giolias, directeur de l’information d’une radio privée grecque, est sauvagement abattu devant chez lui. Au total, 15 balles feront taire ce journaliste d’investigation reconnu de tous. Agé de 37 ans, il avait pour habitude de dénoncer les affaires politiques et enquêtait au moment de son décès sur une affaire de corruption.
Une liberté d’expression que cette bibliothécaire et ce prêtre orthodoxe grecs défendent même s’ils ont conscience des difficultés de leur pays.
5 Avril 2012: les journalistes pris pour cibles
Marios Lolos, photographe, est frappé par les forces de l’ordre alors qu’il souhaite photographier les manifestants après le suicide devant le Parlement de Dimitris Christoulas. Il est aujourd’hui président de l’union des photo-reporters grecs.
Photojourno « Marios Lolos was clearly targeted during a peaceful demo while in a group of clearly identified journalists » @RSF_RWB #Greece
— Asteris Masouras 正义 (@asteris) 7 Avril 2012
« Marios Lolos a clairement été ciblé durant une manifestation pacifique, dans un groupe qui l’identifiait clairement comme journaliste »
Cet acte de violence illustre l’exposition, nouvelle, des journalistes aux violences populaires, policières et des partis extrémistes. Le premier d’une longue série. Les deux plaintes déposées resteront sans suites.
Découvrez ci-dessous une chronologie des actes à l’encontre de la liberté de la presse grecque depuis 2008:
13 Octobre 2012 : la censure gangrène la presse grecque
C’est un mois déplorable pour la liberté de la presse grecque : la censure fait son apparition. Ce jour-là, la télévision publique grecque fait remplacer Costas Arvanitis et Marilena Katsimi, les présentateurs de son émission matinale. Ils projetaient d’enquêter sur une information révélée par le Guardian. Le quotidien britannique écrivait que des membres des forces de l’ordre grecques auraient passé à tabac des anti-fascistes qui luttent contre Aube dorée. Plus tard, un journaliste de la chaîne publique sera coupé lors de son plateau en situation. Il parlait des manifestants contre le Premier ministre. A partir de ce moment, un sentiment de crainte habite les journalistes qui s’auto-censurent et écrivent pour ne pas être licenciés, leurs salaires étant déjà passés de 1 000 à 700€ en 5 ans. L’opinion publique s’en rend compte et consomme moins, s’installe alors un cercle vicieux.
Manolis, jeune Grec de 24 ans qui vit à Nice depuis 6 mois, a vu la crise économique percuter les médias.
11 Juin 2013 : la fin du service public
Une première mondiale. Il est 23 heures ce 11 juin 2013 lorsque le gouvernement d’Antonis Samaras ferme, simultanément et sans préavis, les chaînes du service public. La radio télévision héllenique (l’ERT: Ellinikí Radiofonía Tileórasi ) comptait plus de 2 700 employés qui se retrouvent du jour au lendemain au chômage. Comme un symbole, la coupure de l’antenne est intervenue en plein cœur d’une émission concernant le maintien ou non de la chaîne. L’ERT ne sera remplacée que le 4 mai 2014 par une entreprise ne comprenant que 500 employés: Nerit. En signe de protestation et avec courage, une ancienne radio du groupe continue d’émettre sur d’autres fréquences. Le pays connaît alors une chute vertigineuse dans le classement de Reporters sans frontières. En 2014, la Grèce est le pays européen le plus mal classé, juste devant la Bulgarie. En cette semaine de RIG, Une corrélation entre économie et liberté de la presse est inévitable pour les pays étudiés.
5 Mars 2015: l’espoir d’une réouverture?
Le nouveau gouvernement d’Alexis Tsipras soumettait le 5 mars un projet de loi au Parlement portant sur la réouverture de l’ERT. Deux anciennes chaînes du groupe ont recommencé, il y a peu, à émettre de façon illégale sur internet. NET et ERA sont hébergées par le site The Press Project. Ces signes d’espoirs sont à associer, de manière nuancée, à l’amélioration du taux de croissance. La Grèce occupe quoi qu’il en soit la 91ème place du classement RSF en 2015, à comparer à sa 99ème place l’année précédente.
Elie Julien