Énième virage pour Alcatel-Lucent

Comme annoncé dans un communiqué commun mardi 14 mars et confirmé au cours de la semaine, Alcatel-Lucent et Nokia s’entendent pour former un groupe basé en Finlande sous le nom « Nokia corporation ».

C’est officiel, les groupes français et finlandais fusionnent, de manière effective au premier semestre 2016 précisément, épilogue de multiples tractations économiques pour les deux sociétés. En 2013, Nokia change de cap en sciant la branche qui l’avait mené si haut, celle de la téléphonie mobile, qu’il cède à Microsoft. Il préfère se concentrer sur les technologies de très haut débit, une opération qui réussit et fait rebondir le groupe en bourse, à tel point qu’il atteint aujourd’hui trois fois la valeur d’Alcatel. La société française, elle, ne s’est jamais vraiment relevée de sa fusion avec Lucent, le spécialiste américain historique des télécommunications. Un mariage de raison en 2006 entre des époux trop différents, qui n’ont pas suivi l’évolution des nouvelles technologies, et notamment le tournant des smartphones. À tel point que son PDG lance en 2006 un plan social visant à économiser un milliard d’euros, supprimant 700 postes en France. Entre le passé économique brutal de Nokia et les plans sociaux d’Alcatel-Lucent, on comprend que le rapprochement des deux géants européens fasse grincer des dents.

Un « Airbus des télécoms »

Michel Combes (Alcatel-Lucent) et Rajeev Suri (Nokia). (Crédit photo : Marlene Awaad/ Bloomberg)

Michel Combes (Alcatel-Lucent) et Rajeev Suri (Nokia). (Crédit photo : Marlene Awaad/ Bloomberg)

Le géant qui va naître sera en effet un poids lourd mondial du secteur, capable de rivaliser avec l’ogre Huawei par exemple. De plus, les fiançailles ont cette fois la bénédiction du gouvernement français qui se dit « vigilant sur l’emploi », et s’aventure même à glisser qu’il pourrait s’agir d’une bonne opération pour Alcatel et pour l’Europe.
Nombreux sont ceux qui partagent cet avis, puisque la valeur du groupe français grimperait à 15 milliards d’euros, des moyens qui permettraient à la société de développer ses activités de recherche et développement en France. Le géant finlandais a fait part de son intention de faire de l’Hexagone un « centre névralgique en Europe ».
Pour d’autres, cette fusion est une tâche sur la marinière française chère à M. Montebourg. Les détracteurs de ce rapprochement fustigent la direction de ce futur poids lourd européen des télécoms, aux deux tiers administré par Nokia. Les employés habitués aux plans sociaux se disent, eux, résignés et les actionnaires optimistes. Bref, après l’effet d’annonce, il faudra suivre les actes de ce nouveau groupe.

Alex Gouty