Conflit ukrainien #2 : le soulèvement de l’Ouest

Annoncée depuis quelques mois, la volte-face du président Ianoukovitch a lieu le 21 novembre 2013, à une semaine de la signature du partenariat oriental de l’Union européenne à Vilnius. Les conséquences sont immédiates dans le pays. La capitale Kiev devient alors le théâtre d’importantes manifestations, ayant pour but la démission du chef d’Etat.

La place de l’Indépendance, plus connue sous le nom Maïdan, comble d’opposants pro-européens le 15 décembre 2013. Crédit Photo : AFP Photo / Sergey Gapon

La place de l’Indépendance, plus connue sous le nom Maïdan, comble d’opposants pro-européens le 15 décembre 2013. Crédit Photo : AFP Photo / Sergey Gapon

Au lendemain de l’échec de l’accord, la très charismatique Ioula Timochenko entame une grève de la faim et appelle la population à descendre dans la rue. Cette dernière n’est autre que l’ex-Premier ministre du pays. Un poste qu’elle occupe une première fois de janvier à septembre 2005, et une seconde fois de décembre 2007 à mars 2010. Cette dernière se singularise par sa ferme opposition au président Ianoukovitch, perceptible notamment à travers son implication dans la Révolution Orange de 2004. Une révolution en réponse à la victoire de Ianoukovitch lors de l’élection présidentielle, que beaucoup d’Ukrainiens considéraient comme truquée. Ces manifestations entraîneront l’annulation du résultat et l’organisation d’un nouveau scrutin qui voit cette fois-ci la victoire de Victor Iouchtchenko.

Le portrait de l’opposante Timochenko est exposé sur une barricade de l’avenue Grouchowski, à quelques mètres de la place Maïdan. Crédit Photo : Le Parisien

Le portrait de l’opposante Timochenko est exposé sur une barricade de l’avenue Grouchowski, à quelques mètres de la place Maïdan. Crédit Photo : Le Parisien

Six ans plus tard, Timochenko et Ianoukovitch se retrouvent lors du second tour des élections présidentielles de 2010. L’ex-Premier ministre n’hésite pas à qualifier son adversaire de « candidat de la mafia et de la criminalité ». Hélas, ce même adversaire s’emparera du trône présidentiel quelques semaines plus tard. La vengeance étant un plat qui se mange froid, Ioula Timochenko est condamnée le 11 octobre 2011 à sept ans de prison. Cette dernière est accusée d’abus de pouvoir lors de la signature d’un accord gazier avec la Russie jugé préjudiciable à l’Ukraine. Nul doute que les raisons de cette condamnation sont tout autres. Alors qu’une majorité de la population ainsi que l’Union européenne réclame son transfert en Allemagne, le pouvoir ukrainien fait la sourde oreille.

Lorsque Ianoukovitch officialise son refus de signer le partenariat oriental, la « princesse du Gaz » comme on la surnomme depuis sa condamnation, va alors devenir le symbole de cette opposition gouvernementale. Une opposition qui compte dans ses rangs l’actuel premier ministre Arseni Iatseniouk ainsi que le boxeur Vitali Klitschko. Le champion du monde des super lourds, très apprécié dans le pays, s’érige en véritable porte-parole du mouvement. Ce dernier ne cache pas ses intentions de faire de la scène politique ukrainienne son nouveau ring, et promet de mettre au tapis l’actuel président.

De gauche à droite, Vitali Klitschko, Ioula Timochenko et Arseni Iatseniouk, les trois leaders de l’opposition au gouvernement Ianoukovitch. Montage BFMTV

De gauche à droite, Vitali Klitschko, Ioula Timochenko et Arseni Iatseniouk, les trois leaders de l’opposition au gouvernement Ianoukovitch. Montage BFMTV

Le bouleversement de l’exécutif

De nombreuses manifestations voient le jour en décembre 2013. Des centaines de milliers d’opposants se réunissent sur la place Maïdan de Kiev et réclament la destitution du président. Le 8 décembre, les militants de la Svoboda (parti nationaliste ukrainien) abattent la statue de Lénine installée depuis 1946. L’Ouest de l’Ukraine n’accepte plus cet héritage soviétique.

En cette soirée du mois de décembre 2013, la colère des manifestants se répercute sur les symboles de la domination soviétique passée. En témoigne cette statue de Lénine construite 67 ans plus tôt. Crédit photo : Reuters

En cette soirée du mois de décembre 2013, la colère des manifestants se répercute sur les symboles de la domination soviétique passée. En témoigne cette statue de Lénine construite 67 ans plus tôt. Crédit photo : Reuters

De son côté, le gouvernement bannit les rassemblements publics et adopte des lois anti-manifestations au parlement ukrainien. Ces mesures, censées restreindre les protestations, vont avoir l’effet inverse. Les manifestations s’intensifient et sont de plus en plus violentes. Le 19 février 2014, les manifestations se poursuivent en direction du parlement ukrainien. Les forces de l’ordre répliquent en tentant de reprendre le contrôle de la place Maïdan. Un peu plus à l’Ouest, la situation s’embrase également dans les villes de Lviv et de Ternopil, où des bâtiments administratifs sont attaqués. Policiers, civils, journalistes mais également des enfants de bas âge font partie des 82 morts et des 622 blessés du conflit (indiquer lien). Une situation qui pousse le président Ianoukovitch à fuir la capitale le 22 février. Quelques heures plus tard, la Rada (le parlement ukrainien) destitue officiellement le président et annonce la tenue d’élections présidentielles le 25 mai prochain. L’aboutissement de plusieurs mois de conflit vient d’avoir lieu. Mais la victoire est loin d’être définitive pour les pro-européens.

 Sacha Zylinski