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Tunisie : la coalition civile réclame le droit à la parole
Plus de quatre ans après la révolution qui a brisé les chaînes étouffant la liberté d’expression, des actions politiques se multiplient, pour remettre la main sur le secteur de l’information.
Empêcher de contribuer à la réussite du processus de transition démocratique, utiliser, de nouveau, les médias comme outil au service du pouvoir et priver le citoyen de son droit à une information libre, pluraliste et impartiale, cela peut sembler être la volonté du gouvernement.
En effet, ce dernier – via la constitution de 2014 – avait fait un grand pas en avant pour la liberté de la presse, pourtant un an après, de nombreux textes s’opposent encore et certains ne sont tout simplement pas appliqués.

Les parlementaires tunisiens fêtent l’adoption de la nouvelle Constitution, le 26 janvier 2014, à Tunis. (Crédit photo : REUTERS)
Une coalition civile pour préserver la presse
Le refus d’appliquer les textes de loi régissant le secteur de l’information, malgré les promesses réitérées de mettre en œuvre ces législations, surtout depuis la grève générale organisée par le Syndicat National des Journalistes Tunisiens engendre de nombreuses actions, comme la création d’une Coalition Civile pour la défense de la liberté d’expression avec un but précis : « Notre société civile se doit d’exercer une pression et de sensibiliser sur la liberté d’expression et de la presse pour préserver ce qui a été acquis et que à l’avenir » nous explique Bechir Ouarda. Le journaliste est membre de cette coalition qui rassemble des organisations et des associations conscientes des risques majeurs que représentent ce refus d’appliquer ces lois et ayant foi en le droit du citoyen tunisien à une information libre, pluraliste.
Une des actions menées par la coalition est de préserver le décret-loi 115 relatif à liberté de la presse, de l’impression et de l’édition qui pourrait être réformé. « Nous espérons que, grâce à nos actions, lorsque la loi sera révisée, ce sera en faveur d’une progression et non d’une régression. » En effet, l’une des propositions de l’Assemblé est de remplacer le décret par un texte liberticide qui pénalise la liberté d’expression et immunise les responsables politiques contre la critique.
Des lois ignorées, d’autres obsolètes
Le non-respect des directives de l’HAICA (Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle) dont la légitimité est pourtant assurée grâce à un décret-loi de 2011, montre la difficulté du pays a faire respecter des lois promulgués récemment pour assurer le respect de la liberté de la presse. Encore aujourd’hui, de nombreuses chaînes de télévision et des radios diffusent des messages de haine et de violence.
Le Code pénal lui-même comporte encore des articles à caractère répressif prévoyant des peines de prison pour diffamation ou « publications interdites », alors qu’un décret loi ratifié en 2011 avait pour but de limiter les peines privatives de liberté pour ce type d’infractions. La réforme nécessaire du Code pénal et l’application effective du décret-loi 115 permettrait ainsi, pour Reporter sans frontières, « un plein respect de la liberté d’expression ».
L’avenir incertain de la liberté de la presse
Pour la coalition, le gouvernement tente de toutes les manières de mettre la main sur le secteur de l’information et de la communication « à travers des nominations arbitraires à la tête des médias étatiques, arguant d’un vide juridique alors qu’ont étés votés deux grands décrets qui réglementent la profession. » Les organisations professionnelles, ONG et associations ne cessent de demander leur application et le gouvernement s’y refuse, en cause le parlement dominé par des forces conservatrices pour lesquelles « la révision de la législation actuelle peut ne pas répondre aux attentes de la société civile qui doit demeurer vigilante ».
La liberté de la presse dans le pays a vécu une transition positives majeures, néanmoins il semblerait que l’avenir de cette liberté soit toujours incertain : « Le problème du terrorisme qui pèse c’est qu’il offre aux forces conservatrices un alibi pour brimer la liberté d’expression. »
Enfin Benir Ouarba le journaliste de la coalition dénonce également « le manque de professionnalisme et d’intégrité de certains journalistes surtout dans les médias audiovisuels, qui cherchent le buzz et la course à l’audimat »
Autant de problèmes auxquels la Tunisie devra faire face pour entrevoir un avenir plus serein et assurer une liberté de la presse réellement libre.
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Sophie Lafranche