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Conflit ukrainien #3 : un conflit sans solution
Alors que l’ouest de l’Ukraine fêtait, il y a un peu plus d’un an le départ de Ianoukovitch, une contre révolution voyait le jour à l’est du pays.
Victor Ianoukovitch qu’on peut désormais qualifier d’ex-président vient de fuir l’Ukraine et choisi comme terre d’accueil le voisin russe, symbole de tout son pusillanime. De l’autre côté de la frontière, un nouvel exécutif se met en place. Oleksandr Tourtchynov , le président du Parlement prend provisoirement les rennes du pays et Arseni Iatseniouk devient premier ministre. Un poste que ce dernier doit notamment à son implication dans l’opposition Ianoukovitch ainsi qu’à son soutien à Ioula Timochenko « La princesse de gaz » est libérée en ce 22 févier et effectue le soir même un discours sur la place Maïdan où des milliers d’acteurs de la révolution pro-européenne l’acclament. « Vous n’avez pas le droit de quitter le Maïdan tant que votre travail n’est pas terminé » déclare Timochenko.

Le symbole de la révolution de l’Ouest, en fauteil roulant sur la place Maïdan, le soir de sa libération. Crédit : capital.fr
Une déclaration qui résonne autrement 14 mois plus tard. Aujourd’hui, la consécration du 22 février 2014 n’est plus qu’un lointain souvenir…
La réponse de l’Est
Début 2014, de nombreux groupuscules radicalement opposés au mouvement pro-européen voient le jour dans la région du Donbass et sur la presqu’île de Crimée, au sud-est du pays. Dans cette partie de l’Ukraine, l’influence du voisin russe est énorme. Les habitants sont davantage bercés par les sirènes du Kremlin que par celles de la Rada (parlement ukrainien). Des manifestations pro-russes se multiplient dans les villes de Donetsk, Marioupol, Odessa et Kharkiv, mais également Sébastopol. Cette ville, située dans l’île de Crimée, est l’épicentre du mouvement pro-russe et de la contestation à l’euromaïdan. Face à un nouveau gouvernement considéré comme « illégitime », le Parlement de Crimée déclare l’indépendance de la République de Crimée le 11 mars. Cinq jours plus tard, un référendum est organisé dans la presqu’île et fait de cette région le 85ème sujet de la Fédération de Russie.
Vladimir Poutine avalise le processus en signant, le 21 mars, la loi officialisant la nouvelle nationalité de la Crimée. Une première victoire russe qui provoque l’indignation des Etats-Unis et de l’Union européenne, qui l’accusent de violer le droit international et la souveraineté de l’Ukraine. John Kerry, secrétaire d’Etat américain déclare alors que « la Crimée est une partie de l’Ukraine, la Crimée est l’Ukraine ».

dessin du carricateur Ysope, qui se moque de la réaction timide des pays occidentaux face aux actes russes. Crédit : Ysope.over-blog.net
Les manifestations « anti Maïdan » s’accélèrent à l’est du pays. L’armée séparatiste qui s’oppose au gouvernement intérimaire de Kiev progresse. En témoigne la proclamation de la République populaire de Donetsk et de Lougansk le 11 mai qui fusionneront ensuite le 23 mai 2014.
L’ouest ukrainien continue son européanisation
L’élection présidentielle intervient au moment où l’opposition nationaliste au sein du pays est à son paroxysme. A l’Ouest, la population est désireuse de renforcer ses liens avec l’Union européenne, à l’inverse de l’Est, qui cherche à se débarrasser de la tutelle du gouvernement ukrainien.
L’élection présidentielle a lieu dans ce climat tendu. Le 25 mai, les Ukrainiens sont convoqués aux urnes afin d’élire le successeur officiel de Victor Ianoukovitch. Avec 54% des suffrages dès le premier tour, Petro Porochenko est élu dès le 1er tour.

Petro Porochenko au soir de sa victoire. Il devient le 5ème président ukrainien de l’histoire. Crédit : Reuters
« Le roi du chocolat » – surnom qu’il doit à son statue de président du groupe chocolatier Roshen– est un partisan de longue date du rapprochement avec l’Union européenne. Ces élections sont également marquées par un taux d’abstention évalué à 40%, signe d’une partie de la population qui ne se sent plus concernée par les choix exécutifs du pays.
Porochenko s’illustre très rapidement en signant le 2ème volet de l’accord d’association avec l’Union européenne le 27 juin 2014. Les barrières douanières entre l’UE et l’Ukraine sont alors supprimées. Pour rappel, le 1er volet de cet accord a été signé un certain 21 mars 2014, même jour que l’annexion officielle de la Crimée par le voisin russe.
Un conflit qui s’internationalise
L’opposition entre les belligérants russes et ukrainiens prend une toute autre ampleur le 17 juillet 2014. Un avion de la compagnie Malaysia Airlines reliant Amsterdam et Kuala Lumpur s’écrase dans la région de Donetsk. Les 298 passagers périssent dans le crash. Selon l’agence de presse russe Interfax, l’avion aurait été abattu par un missile du fait de la multitude de trous observés sur l’appareil.

Aucune explication officielle ne permet de justifier les circonstances de la tragédie, presque un an après le crash. Crédit : AFP
Seulement, la problématique actuelle réside dans la provenance de ce missile. Washington et Kiev accuse Moscou d’être le commanditaire de cette action. En septembre 2014, l’un des principaux chefs pro-russes déclare que ses troupes ne possèdent pas les armes nécessaires pour détruire un Boeing et accuse de ce fait les autorités ukrainiennes.
En décembre 2014, des enquêteurs russes parviennent à entrer en contact avec un militaire ukrainien qui aurait donné les preuves de l’implication d’un avion de chasse ukrainien dans l’accident. « L’avion de ligne Boeing 777 du vol MH17 pourrait avoir été abattu le 17 juillet par un avion militaire Su-25 des forces armées ukrainiennes, piloté par le capitaine Volochine » déclare le comité d’enquête chargé des investigations en Russie. Une hypothèse que l’équipe d’enquête Joint Investigation Team (JIT) dirigée par les Pays-Bas, réfute , évoquant un tir de missile Sol-Air de type BUK et de fabrication russe. Un an après le crash, il n’y donc aucune certitude sur l’origine exacte de la tragédie.
L’absence de solutions
Le 5 septembre 2014, un 1er accord de paix est signé à Minsk pour faire cesser la guerre dans le Donbass. Le texte prévoit plusieurs mesures comme le retrait des forces gouvernementales à une distance suffisamment lointaine pour empêcher le bombardement des zones civiles et l’échange de prisonniers détenus par les deux camps. De nouvelles frontières sont également établies entre armée loyaliste et séparatiste ne perdurent que quelques semaines. En témoigne la bataille autour de l’aéroport de Donetsk, point stratégique d’accès à l’est du pays, au début du mois d’octobre.
Le deuxième accord de Minsk intervient cinq mois après le premier, à un moment où les combats s’intensifient dans le Donbass.

Les chefs d’état russe, allemand, français et ukrainien réunis à Minsk dans une atmosphère tendue. Crédit : EPA/BGNES
Les chefs d’Etat russe, ukrainien, allemand et français se réunissent le 12 février 2015 dans la capitale biélorusse afin d’établir un plan de paix pour l’Ukraine. Après dix-sept heures de négociations, un accord aboutit. Ce dernier reprend certains points du protocole du 5 septembre auxquelles il faut ajouter un élargissement de la zone tampon où les armes lourdes doivent être retirées. A la sortie de la réunion, les protagonistes de la signature de l’accord sont restés lucides quant à la situation du conflit. « L’accord de cessez-le-feu ne garantit pas une paix durable… Tout peut encore se décider dans un sens ou dans un autre», prévient François Hollande. De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel « attend encore «que les paroles soient suivies par des actes ». Preuve qu’aucunes solutions définitive n’ont pour le moment été trouvée dans ce conflit, deux ans après sa naissance.
Sacha Zylinski