Agriculture : une vocation qui se cultive

Entre dépression, solitude et problèmes financiers, les agriculteurs des Alpes-Maritimes vivent des temps difficiles. Pourtant, de nombreux jeunes restent attirés par ce métier.

Cédric Bres a 28 ans, il est producteur de fruits et légumes à Vallauris. Reprendre le maraîchage de son père a toujours été une évidence et c’est en 2007 qu’il reprend l’exploitation. Son petit frère de 22 ans le rejoint en 2010.

Deux fois par semaine, les deux frères vendent leurs produits sur le marché Gambetta à Cannes, mais leur principal revenu provient des ventes qu’ils font directement sur leur domaine. Dans l’abri à l’entrée, les habitués choisissent parmi les fruits et légumes exposés. Une partie provient de leur propre exploitation, mais ils ont également choisi d’élargir ce qu’ils proposent en se fournissant au marché d’intérêt national de Nice. Cédric et Julien y achètent les fruits des producteurs locaux, leur propre marchandise étant surtout composée de légumes. Ce marché « à la maison » attire chaque jour plus de clients : « Aujourd’hui les gens veulent du frais, alors ça marche bien pour nous ». La solitude est un problème récurrent chez les agriculteurs, mais Cédric ne ressent pas cet isolement : « Comme on travaille à trois avec mon frère et mon père, on se relaie, on peut partir en vacances, voyager, et puis l’exploitation est en centre-ville, il n’y a aucun problème pour sortir. »

Cédric Bres a hérité de l'exploitation familiale. (Crédit photo : Nicolas Faure)

Cédric Bres a hérité de l’exploitation familiale. (Crédit photo : Nicolas Faure)

Une passion déconseillée 

Mais la vocation ne réussit pas à tout le monde, en particulier dans la région. « En réalité, beaucoup de nos élèves abandonnent la production et partent en jardinerie » déplore Elodie Charpentier. Et s’ils persistent, les jeunes sont souvent contraints de s’installer en Lozère ou dans le centre de la France. « Si on s’installe en dehors des Alpes-Maritimes, il y a plus de terres agricoles, et c’est moins cher ! », nous confie Frédéric Pastore, professeur d’horticulture. Du fait de l’expansion de l’urbanisme dans les Alpes-Maritimes, la pression foncière est un véritable obstacle pour les jeunes agriculteurs.

Une jeune lycéenne travaille sur le maraîchage de l'école. (Crédit photo : Guillaume Soudat)

Une jeune lycéenne travaille sur le maraîchage de l’école. (Crédit photo : Guillaume Soudat)

Bastien Cavallotto a 29 ans. Il travaillait dans la restauration mais il y a trois ans il a décidé de se consacrer à sa passion et s’est lancé dans le maraîchage. Aujourd’hui, cela fait deux ans qu’il cherche un terrain, les objectifs qu’il s’était fixé sont bien loin : le jeune homme voulait acheter un terrain dans la région, mais maintenant il pense partir louer des terres dans le Var ou ailleurs, où les tarifs sont plus accessibles. Bastien savait à quoi il s’exposait en changeant de vie, mais il ne s’attendait pas à chercher aussi longtemps. « J’attends un ras-le-bol, je me donne encore un an pour chercher » nous avoue-t-il. Audeline Luiggi, 24 ans, est dans la même situation, mais ne cherche que depuis trois mois. Son rêve : un élevage de brebis et d’escargots. Elle nourrit une véritable passion pour le métier grâce à ses parents et son oncle, bergers. Mais son oncle est trop jeune pour qu’elle reprenne l’exploitation, et ses parents ont dû abandonner leurs terres. Audeline monte actuellement son dossier jeunes agriculteurs afin d’avoir accès aux aides.

Cédric Bres n’aurait pas fait ce métier s’il n’avait pas pu hériter de l’exploitation de son père : les terrains sont trop chers. Pourtant, de nombreux jeunes sont toujours aussi passionnés par le milieu agricole.

 « Après l’école, je veux partir au Canada ou en Australie »

Anastasia

Anastasia est en terminale au lycée horticole d’Antibes. (Crédit photo : Nicolas Faure)

A 22 ans, Anastasia est originaire de Mandelieu. Elle est en terminale au lycée horticole d’Antibes. Après des études de cuisine qui lui ont déplu, elle a décidé de suivre le cursus « production horticole ». Fille de pompiers, rien ne la prédestinait au métier d’agricultrice. « J’ai toujours aimé la nature » confie la jeune femme. Fiers de son choix, ses parents l’ont encouragée dans cette voie. Ses professeurs lui ont à plusieurs reprises détaillé les difficultés que rencontraient les agriculteurs dans les Alpes-Maritimes. Mais Anastasia voit plus loin, le travail sous serre, ce n’est de toute façon pas ce qui lui plaît : après les vacances d’été elle travaillera un ou deux ans en botanique pour pouvoir financer son projet de voyage. Enthousiaste, l’étudiante expose son idée : « Je voudrais m’installer au Canada ou en Australie. Je veux voir du pays. » Plusieurs de ses amis sont déjà partis en Australie où ils ont rapidement trouvé un emploi. Anastasia rêve de travailler dans un parc naturel où elle pourra vivre sa passion des grands espaces.

Guillaume Soudat

Nicolas Faure

Emilie Unternehr