septembre 05

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Chute à l’arrière du peloton !

En cyclisme, depuis le début de saison, les chutes se multiplient. Même si elles avaient déjà marqué les esprits l’année dernière, elles semblent avoir pris une dimension encore plus importante en 2015.

Du coude râpé au visage défiguré, la chute n’a aucun standard de gravité. Pourtant, elle laisse rarement indemne, marquant au moins psychologiquement des coureurs qui, par la suite, réfléchiront par deux fois à leur placement et leur manière de courir. Impossible de dire s’il y a eu davantage de chutes cette année que l’année dernière, mais force est de constater que l’impression est beaucoup plus forte en 2015. Déjà l’année dernière, ces chutes avaient barré la route de trois potentiels vainqueurs de Grand Tour, rejetant Froome sur une étape flandrienne périlleuse, éjectant Contador dans une descente vosgienne détrempée de cette même course, puis, plus tard dans la saison, piégeant Quintana sur un chrono du Tour d’Espagne. Mais en 2015, elles sont allées jusqu’à neutraliser le peloton du Tour de France, ou engendrer le coma artificiel dans lequel Kris Boeckmans est toujours plongé …

Toujours plus nerveux

Toutes les chutes n’ont pas la même incidence. Nombreux d’ailleurs sont les coureurs qui se relèvent et repartent (fort heureusement lorsque l’on sait qu’il s’en produit presque une par jour de course). Pourtant, pour certains, la réalité du bitume est bien plus sévère. Les terribles images du visage en sang de Domenico Pozzovivo, un temps inconscient sur le Giro, ou de William Bonnet sur le Tour de France en témoignent.

Les Grands Tours sont maintenant quasi systématiquement marqués par les chutes. Déjà parce qu’ils couvrent à eux seuls 63 jours de course et accueillent chacun 198 coureurs, produisant des pelotons plus denses. Mais surtout, ces sont les enjeux qui font parfois oublier aux coureurs les risques qu’ils prennent. Les Grands Tours ont cette spécificité d’intéresser tous les coureurs, qu’ils soient sprinteurs, grimpeurs ou baroudeurs, tous veulent gagner, tous peuvent l’espérer. Alors forcément, la nervosité est à son paroxysme.
De plus, la couverture médiatique de ces événements, bien plus importante que pour les autres courses, met une pression supplémentaire sur les épaules des coureurs, harangués par leurs directeurs sportifs  pour aller chercher un résultat.
Cette pression se traduit par une nécessité de rester toujours bien placé, surtout pour les grimpeurs. Seulement, il n’y a pas de place pour tout le monde, et pour faire sa place, il faut souvent prendre des risques, parfois inconsidérés.

Alors viens la dernière fautive toute trouvée : l’oreillette. Défendue bec et ongles par les coureurs, ses détracteurs l’accusent, en plus de tuer le spectacle, de déconcentrer les sportifs et de les mettre sous la pression constante de leur encadrement. D’autres vont même jusqu’à dire qu’elle empêcherait les coureurs d’entendre les véhicules qui les entourent.

L’énorme chute de la troisième étape du dernier Tour de France a retenu tous les médecins présents sur la course, contraignant l’organisation à interrompre la course. (Crédit Photo : Christophe Ena / AP)

L’énorme chute de la troisième étape du dernier Tour de France a retenu tous les médecins présents sur la course, contraignant l’organisation à interrompre la course. (Crédit Photo : Christophe Ena / AP)

Vous n’êtes pas seuls !

Autre facteur : le manque d’attention général qui se développe. Qu’elles proviennent des coureurs, de l’encadrement mécanique ou des spectateurs, les erreurs donnent l’impression que certains oublient qu’ils ne sont pas seuls. A commencer par les coureurs eux-mêmes, faisant parfois preuve de négligence les uns envers les autres. Des écarts, des remontées de peloton à toute allure… Autant de risques de plus en plus démesurés. Le sprint irrégulier d’Anthony Roux sur les derniers Championnats de France, qui avaient envoyé Nacer Bouhanni au tapis, ou bien encore les nombreuses chutes lors du dernier Milan-San Remo en sont de parfaits exemples.
Des coureurs qui n’adaptent pas toujours leur vitesse au tracé ou aux conditions de course, au point de commettre de grosses erreurs, comme celle de Matthew Brammeier, sur le Tour de l’Utah.

Mais parfois, les erreurs viennent d’ailleurs. A deux reprises lors du Tour des Flandres, la voiture Shimano a été impliquée dans des chutes (celles de Sébastien Chavanel et Jesse Sergent). Encore dernièrement, ce sont des véhicules qui ont accroché Peter Sagan, sur la 8ème étape du Tour d’Espagne, puis son équipier Sergio Paulinho quelques jours plus tard. Une réputation déjà bien ancrée pour l’organisation espagnole, déjà en cause sur la Clasica San Sebastian, où une moto avait peut-être privé de victoire Greg Van Avermaet.

Les spectateurs font eux aussi parfois preuve d’imprudence. Bien que les messages de sécurité se multiplient, distillés par les coureurs, par deux fois des spectateurs ont été à l’origine de chutes sur le dernier Tour d’Italie, dont une relève réellement de l’inconscience :

La multiplication des chutes trouve des raisons multiples. Une attention accrue des différents acteurs pourraient déjà probablement sécuriser davantage les courses. En attendant, les coureurs s’accommodent à cette situation, car ni leur vitesse ni leur manière de courir ne semblent sur le point de changer.

Emmanuel Durget