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« On n’a pas envie de ressembler aux autres festivals »
L’année dernière, il placardait une programmation au croisement de la world music et du reggae, sa vocation. Rencontre avec Bernard Aubert, directeur artistique de la Fiesta des Suds à Marseille.

L’année dernière, le thème de la Fiesta lançait comme défi à son public : « défense de dormir ». (Crédit photo : D.R)
Pour l’édition 2015, qui se déroule du 14 au 17 octobre, la programmation réalisée par Bernard Aubert n’a plus de secret pour personne. En invitant Minuit, dignes héritiers des Rita Mitsouko, le menu est pour le moins certifié éclectique. Le public se régalera avec Vaudou Game, la sensation mystique afro-punk vaudou qui fait le tour des festivals français depuis le début de l’année. Cette découverte affriolante fait suite à leur fringuant succès, l’année dernière, au festival défricheur « Les Trans Musicales » à Rennes.
Le duo électro pop français AaRON, auteur du titre à succès « U-Turn (Lili) » y fera notamment son grand retour avec la sortie d’un troisième album, « We Cut the Night » :
Pour découvrir la suite du repas, la 24e édition du festival dédiée à l’amour propose toute une ribambelle de de couleurs musicales. Nous avons rencontré Bernard Aubert qui est au centre de cette effervescence de sonorités et de noms de scènes. Il est le directeur artistique de la Fiesta des Suds, et se confie sur son succès.

« La Fiesta est née de la réaction citoyenne de dix personnes en organisant un événement à la fois culturel et populaire », Bernard Aubert. (Crédit photo : Angélique Surel, « Le Dauphiné »)
Quel est votre secret pour faire perdurer le festival ?
Bernard Aubert : Il y en a plusieurs je pense. On est toujours dans des lieux atypiques et étonnants donc ça plait aux gens de venir se promener à Marseille. Il y a la Joliette avec le MuCEM, le J4… Bref, une quantité de lieux. Nous, on s’est installé depuis quelques années dans une ancienne réserve de sucres de l’Océan Indien qui s’appelle le Dock des Suds. Cette réserve, elle marque les gens : ils ne viennent pas dans un lieu de concert traditionnel. La deuxième chose, c’est que ça leur parle parce qu’au cœur du sujet, les pays évoqués font le tour des musiques du monde. Et il y a un mélange de public qui se fait depuis le début, avec de la musique traditionnelle ou bien de la musique électronique. Si on regarde toutes nos programmations depuis le début, c’est ça : trouver un aller-retour entre le passé et le futur.
Ici, le public s’approprie la Fiesta
Avez-vous des regrets sur des artistes manqués à la Fiesta des Suds ?
Bernard Aubert : Dans les petits groupes, il y a Balthazar que j’aurais aimé programmer en 2013. Il y a beaucoup de passages manqués que j’aurais aimé saisir. Il y avait David Bowie qui devait faire quelque chose dans la région ; doP qu’on aurait aimé avoir pour une carte blanche au Dock. C’est difficile parfois de tout coordonner parce qu’on a l’avantage que l’événement se déroule en fin d’année. Ça nous permet de faire des bilans sur ce qui a marché dans l’année mais l’inconvénient c’est qu’on n’attrape pas toujours les tournées qui nous permettent d’avoir des artistes. Et comme on n’a pas envie non plus de ressembler aux festivals d’été avec les mêmes programmations, c’est difficile de trouver quelque chose d’original. Pour retrouver ce côté justement, on essaye de mettre à l’affiche un invité d’honneur qui partage la scène avec qui bon lui semble.
Il ne faut pas l’oublier, à la Fiesta, il n’y a pas que de la musique. Vous proposez aussi de nous propulser vers une nouvelle culture artistique?
Bernard Aubert : Cet intérêt pour les arts existe depuis longtemps à la Fiesta parce qu’on a été en collaboration avec plusieurs écoles d’art. On a toujours voulu inviter des artistes. Toute l’année, on invite des artistes où le Dock des Suds peut servir de lieu d’exposition. L’année dernière, il y avait Célio Silva et Ney, des Brésiliens qui ont tout un collectif de peintres à Rio de Janeiro. Ils vendaient leurs peintures, et l’argent récupéré servait à la création de trois écoles dans la capitale brésilienne.

Nés dans les favelas de Rio de Janeiro, les deux peintres ont fondé leur école « Couleurs de l’espérance » après avoir connu leurs premiers succès.
En 2013, Marseille devenait la capitale européenne de la culture. Comment vous la ressentez cette efflorescence culturelle dans la ville ?
Bernard Aubert : J’espère que ça va continuer… « L’élite » marseillaise, politique ou décisionnaire, s’est aperçue que la culture permet, et à moindre coûts, de faire parler d’une ville, d’en donner une image positive. Espérons que les années suivantes, cet élan sera donné. Simplement, il ne faut pas que Marseille imite les autres villes lauréates, comme Berlin au niveau de ses architectures. Il faut trouver de l’originalité. Et une de ses originalités à Marseille, c’est sa scène rap, qu’on a un temps oublié en 2013. Et sa scène électronique qu’on néglige trop souvent. Donc il y a encore du travail à faire en 2015 sur une impulsion culturelle régionale à donner et être capable, effectivement, d’organiser des évènements sur des sites atypiques. Il manque toujours un lieu de concert l’été à Marseille et c’est quelque chose d’incroyable pour une telle ville.
Bernard Aubert, quel est le premier festival que vous avez fréquenté ?
Bernard Aubert : C’était à Aix-en-Provence, une tentative de faire un Woodstock mais qui ne s’était pas bien terminée avec des affrontements à l’extérieur. Quand j’étais petit, j’avais un grand-père qui m’emmenait dans tous les carnavals et ferias, j’en garde encore de super souvenirs. Mais mon premier concert qui m’a marqué c’est quand même Fela Kuti, dans les arènes de Nîmes. On était 15 000 devant un monsieur qui n’était pas très correct envers les femmes, mais musicalement qui était incroyable. Son concert a duré six heures !
Lucile Moy