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Le paradoxe afghan
Après l’annonce officielle de la mort du mollah Omar fin juillet, son successeur, le mollah Akthar Mansour tente de rassembler les insurgés. De cette cohésion dépend le processus de paix engagé avec le gouvernement. Analyse.
On connaît désormais la vérité : le mollah Omar est décédé le 23 avril 2013 de « cause naturelle », après avoir contracté l’hépatite C. A la tête des talibans depuis 1994, l’homme était supposé mort depuis deux ans, mais aucune confirmation n’était parvenue de la part des insurgés. Ce n’est que depuis fin juillet que l’on connaît les détails de son décès, les talibans ayant pris grand soin de cacher la mort de leur chef pendant cette période. Et pour cause : les luttes internes pour la succession du mollah Omar pourraient bien compromettre la cohésion du mouvement.

En « une » d’un journal afghan : à droite, le mollah Omar, l’ancien leader taliban. A gauche, son successeur, le mollah Mansour. (Crédit photo : Rahmat Gul / AP)
Mollah, talibans et Charia
Quelques repères pour bien comprendre les faits.
Mollah : dans la religion musulmane, il s’agit d’une personnalité religieuse, souvent docteur en loi islamique (théologie), généralement présente dans les régions d’influence perse.
Talibans : le mouvement taliban puise ses origines dans l’invasion russe de 1979 en Afghanistan. Ses membres, des insurgés qui s’opposent au gouvernement, souhaitent revenir à un Islam fondamentaliste. Ils cherchent notamment à instaurer la charia dans les zones qu’ils occupent (Afghanistan-Pakistan).
Charia : loi islamique. Elle régit la vie politique, religieuse et les relations sociales dans une société musulmane. Il s’agit donc d’un ensemble de normes doctrinales.
Une montée en puissance mais une majorité instable
En début de semaine, un commando de 6 talibans est parvenu à libérer 400 prisonniers détenus dans une prison de l’est de l’Afghanistan. Selon les informations du quotidien Libération, ces prisonniers ont « été transportés dans des zones sous leur contrôle », ce qui permettra de renforcer leur influence.
Malgré cette montée en puissance, le mollah Akthar Mansour, qui a pris la tête des talibans, devra défendre sa place face au fils du mollah Omar, Yacoub. Mansour, alors intérimaire après la mort du mollah, s’était imposé comme nouveau leader lors des différents conseils. Mais des protestations du camp adverse ont déclenché des affrontements entre factions talibanes.
Paradoxe
Les négociations pour la paix menées avec le gouvernement dépendront largement de la cohésion des groupes insurgés. Le président afghan Ashraf Ghani avait même mis en œuvre en juillet une collaboration avec son voisin pakistanais pour établir des accords de chaque côté de la frontière, dans les dangereuses zones tribales. « L’unité du principal groupe insurgé afghan et la légitimité de son nouveau dirigeant ne sont pas qu’une question d’enjeu personnel. Elles conditionnent la stabilité de la région et les chances de réussite du processus de paix engagé avec les autorités de Kaboul », pouvait-on lire sur le site du Monde il y a bientôt un mois. L’évasion de ce début de semaine, si elle marque un renforcement des talibans, risque de compliquer encore les négociations.
Matthias Somm