[Interview] « Je ne laisserai pas notre région basculer à l’extrême-droite »

Présent au Festival du Livre de Mouans-Sartoux, Christophe Castaner nous a parlé politique et culture. Tête de liste du Parti socialiste en PACA, le maire de Forcalquier regrette le manque d’unité de sa famille politique et tend la main à son aile gauche.

Bonjour Christophe Castaner. Pourquoi organisez-vous une conférence de presse au Festival du livre de Mouans-Sartoux ?

Parce qu’il s’agit d’un rendez-vous incontournable pour les gens qui aiment la culture et le livre. Mais c’est avant tout un lieu d’échange, de rencontres et de débats et je souhaitais donc y participer. Je souhaite aussi y parler culture car dans un combat que je mène dans le cadre des régionales je pense que le cœur, c’est la culture, notamment vis-à-vis de la jeunesse. J’ai donc choisi de venir ici pour discuter de l’enjeu culturel, de ce qui permet l’émancipation. Moi qui suis issu de l’école républicaine, je sais que mon moteur a été l’école et aussi ma pratique culturelle. La culture est donc pour moi un sujet majeur.

Mouans-Sartoux est l’une des seules villes à gauche dans les Alpes-Maritimes. Votre venue porte une dimension symbolique alors que vous entamez votre campagne…

Non, je ne recherche pas de symbole. Je dois aussi me rendre dans une petite ville de droite, Nice, je crois (rires). Je ne choisis pas mon cheminement en fonction de ces choses-là. Mais c’est vrai que lorsque l’on regarde ce qui se passe à Mouans-Sartoux, on peut être fier de cette gestion de gauche. Une mairie qui a su préserver le foncier alors que la Côte d’Azur est ultra bétonnée, et que l’agriculture a quasiment disparu. On voit qu’André Aschieri, qui fut pendant très longtemps un maire de combat, a empêché l’étalement urbain, la déprise agricole et que son entrée de ville ressemble à une zone commerciale. Je suis aussi maire de Forcalquier, une petite commune dans les Alpes-de-Haute-Provence, et la gestion de Mouans-Sartoux a souvent été un modèle pour moi.

Une ville où la gauche est unie…

Mouans-Sartoux est le bon exemple. Avec des écologistes, des communistes et des socialistes, c’est une gestion de gauche. Et il est vrai qu’à l’approche des élections régionales, je regrette que certains aient une vision plus partisane, de parti contre parti. Ce que nous devons réussir, c’est porter le message de la gauche unie face au danger de l’extrême droite et la droite extrême. Souvent les discours se mélangent. Christian Estrosi soutient Nadine Morano, qui ose parler de « race blanche », si tant est qu’il y ait encore une race, menacée par d’autres races. C’est une faute politique mais aussi une insulte pour notre propre histoire et notre histoire nationale. C’est pour cela que nous devrions continuer à nous rassembler et que je continue à tendre la main. Je ne me résoudrai jamais à la possibilité pour notre région de basculer vers des idées d’extrême droite.

Vous avez donc abandonné l’idée de ratisser sur toute votre gauche ? Il y aujourd’hui plusieurs listes.

Pour être honnête oui, il y a plusieurs listes puisque les écologistes et les communistes ont annoncé faire liste commune, mais je continuerai à tendre la main. Les sondages montreront peut-être que j’ai raison, que c’est une erreur de mener campagne séparément. Ils reviendront alors possiblement à la discussion, je reste entièrement dévoué, et ouvert à ce débat-là. Je pense réellement que c’est une faute. Je ne comprends pas. Leurs électeurs non plus. On voit bien comment les écologistes sont en train d’exploser, des élus s’en vont. Plusieurs cadres d’Europe Ecologie Les Verts se sont rapprochés de moi depuis cette décision de ralliement avec le Front de Gauche. Ils sont en difficulté et ce n’est pas mon objectif. Que ce soit au premier ou au second tour, nous avons besoin d’être ensemble, et si un des partenaires devient faible, on ouvre le chemin à l’extrême-droite.

Le candidat socialiste aux régionales, ici à gauche, faisait étape à Mouans-Sartoux pour rencontrer la presse. (Crédit photo : Grégoire Bosc-Bierne)

Le candidat socialiste aux régionales, ici à gauche, faisait étape à Mouans-Sartoux pour rencontrer la presse. (Crédit photo : Grégoire Bosc-Bierne)

Vous avez déclaré que les différences de programme étaient minimes entre les différents candidats de la gauche. Comment expliquez-vous qu’ils ne vous rejoignent pas ? Tiennent-ils trop à leurs places ?

Je ne pense pas. J’ai fait des propositions exceptionnelles aux écologistes, mais aussi au Front de Gauche avec une possible tête de liste dans les Bouches-du-Rhône. Je les connais assez pour savoir qu’ils ne sont pas aussi cyniques que cela. Je crois qu’ils mélangent le débat national et régional. Je suis le seul candidat qui porte un message pour la région. A l’inverse de mes adversaires comme Marion Maréchal-Le-Pen ou Christian Estrosi qui s’inscrivent dans un débat national, voire international lorsque l’on entend les déclarations d’Estrosi. L’extrême-gauche dénonce l’austérité menée par le gouvernement. Mais l’artifice visant à dire « Castaner et les socialistes acceptent l’austérité » est faux. On vient de voter le budget pour 2016 à l’Assemblée nationale, quand je vois encore un déficit budgétaire de 72 milliards d’euros, je ne peux pas dire qu’il s’agisse d’une politique d’austérité, alors que l’on continue d’endetter la France. Je pense qu’il faut maintenir un haut niveau de budget et de dépenses publiques. Nous avons encore augmenté le nombre de fonctionnaires et renforcé les moyens de la justice, de la police et de l’éducation. Ce n’est pas cela l’austérité. Mais c’est un choix que j’assume, je pense qu’il faut baisser les impôts. Je sais qu’au niveau régional, nous nous retrouvons sur les idées avec la famille de la gauche, c’est donc bien dommage que l’on en arrive là.

Quelles mesures concrètes pour la culture dans votre projet ?

Il faut des politiques plus ciblées pour la culture. Je défends l’innovation, il faut absolument faciliter la création culturelle. Je ne souhaite pas une politique culturelle particulière mais davantage ciblée. Cette culture doit prendre une place prépondérante dans l’éducation, en préparant des générations entières. On peut prendre l’exemple des artistes en résidence qui interviennent dans les lycées, comme aux Eucalyptus à Nice. Dans les lycées, la culture peut prendre la forme d’ateliers comme de spectacles. La culture, ce sont les moyens à court terme, mais aussi l’éducation à long terme. Plus on agit tôt, moins il y aura d’appréhension plus tard à aller dans des musées.

Le livre connaît une période compliquée. Pensez-vous que le livre a encore un avenir ?

Le principal problème du livre, c’est son mode de distribution. Je ne pense pas que le livre soit mort. Prenez l’exemple des tablettes qui n’ont pas pris du tout, alors qu’elles devaient remplacer le livre. Il faut aider les libraires. A Forcalquier, une librairie s’est ouverte sur le modèle des « commerces-relais ». La librairie est installée dans des locaux qui appartiennent à la municipalité avec des loyers avantageux. Cependant, il faut aussi appeler à une démarche citoyenne. Souvent, je vais choisir mon livre sur Amazon, puis je le commande chez mon libraire. Chacun choisit la manière dont il achète un livre.

Est-ce que lorsque l’on est en campagne pour les régionales, on a encore le temps de lire ?

(Il sourit) Oui, car dans mon cas, je dors assez peu, seulement 3 ou 4 heures par nuit. Et comme je n’ai pas envie de tout le temps bosser, parfois j’aime me poser dans mon lit. Cela peut être avec mon ordinateur, ma tablette mais c’est souvent devant un livre.

Est-ce qu’un auteur vous inspire particulièrement ?

Je crois qu’elle est présente au Festival. J’ai lu le dernier livre d’Amélie Nothomb. Alors je ne dirais pas qu’elle m’inspire, car le personnage est particulier, et assez fort. Je dirais plus qu’elle m’intimide plutôt qu’elle ne m’inspire. Mais j’ai clairement aimé son dernier ouvrage Le crime du comte Neville.

Propos recueillis par Loris Bavaro et Emmanuel Durget