La solidarité par les réseaux sociaux

Avec notamment la fermeture du métro, difficile pour les Parisiens de rentrer chez eux vendredi soir. Une chaine de solidarité pour accueillir des personnes étant dans l’incapacité de dormir chez elles s’est organisée sur Twitter. Grâce au hashtag #PorteOuverte, des personnes ont hébergé et ont été hébergées. Témoignages.

La panique a envahi les rues de Paris ce vendredi soir. Quartiers bouclés, transports en communs arrêtés : difficile, voire impossible, de rentrer chez soi pour une partie des Parisiens. « J’étais à Barbès et les gens paniquaient. On ne pouvait aller ni à Châtelet, ni à l’est (République), ni au nord (stade de France). » nous explique cette femme de 23 ans. Face à cette situation, un élan de solidarité s’est mis en place sur Twitter, par le biais du hashtag #PorteOuverte. Des demandes et des propositions d’hébergements gratuits ont rapidement afflué sur le réseau social pour répondre aux besoins de personnes sans solution de repli « J’ai dit à mes amis que je ne savais pas où aller. Comme ils n’étaient pas à proximité, ils m’ont dit de checker (sic) #PorteOuverte. ». Un petit quart d’heure plus tard, la jeune Parisienne se retrouve chez une habitante, en compagnie d’une femme rencontrée à la station de métro.

La réactivité de Twitter

Malgré la précipitation, elle n’a pas choisi son hôte au hasard « J’ai préféré aller chez une inconnue. Je n’y suis pas allée seule. Il y avait avec moi une fille qui était aussi bloquée à cause de la ligne de métro. ». Un accueil qui lui a permis de passer la nuit au chaud et de faire redescendre le stress accumulé tout au long de la soirée. « La rencontre s’est bien passée. On a pu destresser toutes ensembles, contacter nos proches dans un espace plus sûr. On a aussi suivi les news. » L’angoisse retombée, cette Parisienne espère une prise de conscience de la population face à ces actes de terrorisme qui ont touché la capitale « J’espère que cet élan de solidarité permettra aux Français de comprendre pourquoi des personnes sont prêtes à faire des kilomètres à pied et traverser des mers pour fuir eux aussi des fusillades, des explosions et trouver cette même solidarité. ».

Même son de cloche pour Marion, 29 ans, bloquée dans Paris à cause de l’arrêt du métro. Impossible pour elle et ses deux amis de trouver refuge, même dans un bar. « Nous étions au métro Ledru-Rollin. La police a ordonné de rentrer dans les bars. Mais nous nous sommes abrités au marché de l’Aligre parce qu’il y avait trop de monde dans les bars pendant deux heures. ». C’est en étant informés du déroulé des évènements par un ami que tous trois ont trouvé de quoi se mettre au chaud « La copine de l’un des deux amis nous donnait les informations sur ce qu’il se passait et c’est elle qui a trouvé le hashtag et la personne qui nous a hébergés. ». Dans la foulée, les amis contactent un certain Joël qui accepte de les accueillir, chaleureusement « Nous avons été reçus à bras ouvert. Il nous a été proposé boissons, restauration et même de rester dormir si nous voulions. ». Finalement, les trois amis n’ont pas passé la nuit chez l’habitant « Vers 3h/3h30, nous avons appelé un taxi, qui n’était pas gratuit contrairement aux rumeurs, et sommes rentrés. » raconte cette habitante du XVIIème arrondissement de la capitale. Et de conclure sur cet élan de solidarité provoqué grâce au réseau social «Je trouve ça assez sain et surtout rassurant. Les médias veulent absolument nous montrer une société plus divisée qu’elle ne l’est. Quand on voit ce qu’il se passe sur Twitter, quand on lit les témoignages de gens qui ont été sauvés par d’autres au Bataclan, ça permet de garder un peu d’espoir. ».

« Une situation qui nécessitait de grands moyens »

Marina, 17 ans, a pour sa part offert l’hébergement hier soir dans la capitale : « Ma mère était avec des amis, juste à côté du Bataclan. Ces derniers habitent en banlieue ou proche des fusillades. ». Il lui est alors apparu comme évident de leur proposer son logement pour la soirée. « Bien-sûr, cela m’a paru naturel. On ne pouvait pas les laisser retourner chez eux. C’était impossible de réagir autrement que de les accueillir. ». Un acte de solidarité parmi les dizaines qui ont eu lieu dans les rues parisiennes vendredi soir. Cette jeune habitante parle même de « cohésion parisienne. C’est de l’amour et de la solidarité pure. ».

A la colocation Barjot, c’était une soirée ordinaire« On était quelques amis à la maison, réunis pour un apéritif. » raconte Nadia. Et puis, face aux nouvelles et aux demandes d’accueil qui affluaient sur le réseau social à l’oiseau bleu, cette habitante de 22 ans ne s’est pas posé de question avant d’ouvrir sa porte. « J’ai à peine réfléchi mais peu importe. C’était une situation qui nécessitait de grands moyens. Nous ne pouvions pas imaginer autre chose que ce qu’il s’est passé.» Pour autant, ni elle, ni ses colocataires n’étaient inquiets à l’idée d’héberger des inconnus « J’ai à peine vérifié mais ils étaient et avaient tous l’air sympathiques. Nous n’étions pas rassurés à l’idée de laisser qui que ce soit rentrer, même en taxi ou en voiture. » La colocation s’est alors vite remplie « Au fil de la soirée, suite à des appels, des sms et des messages sur Facebook et Twitter des amis, connaissances et quelques inconnus ont commencé à se rassembler ici pour être plus safe (sic). ».

Au final, 17 personnes étaient réunies dans les 173m² de l’ancien logement de Frigide Barjot, où une atmosphère chaleureuse régnait malgré les circonstances « On a fini par boire du vin rouge et essayer de tuer le temps, de prendre des nouvelles de tous. L’ambiance était vraiment sympathique. C’était inattendu et franchement agréable, dans une pareille situation, d’être réunis dans une ambiance bienveillante. ». C’est ensuite un véritable dortoir qui s’est mis en place à cette adresse du XVème arrondissement « C’était pour quelques heures et, en fin de compte, on a fini par gonfler des matelas et installer des tapis de sols pour que les plus fatigués puissent se reposer correctement. On a vaguement fait une chambre homme et une chambre femme pour qu’ils puissent tous se mettre à l’aise et espérer dormir. » Après des heures d’angoisse traumatisantes, un peu de repos n’était pas de refus. Le tout, permis par les réseaux sociaux.

Maxime Gil