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La jeunesse française, toujours dans le dernier wagon de l’optimisme
Frustrée, sacrifiée, perdue, connectée, mais surtout pessimiste…tels sont les mots les plus employés pour caractériser la jeunesse française. Une jeunesse du 21ème siècle qui fait face à un contexte économique précaire, une insertion difficile sur le marché professionnel où chômage, décroissance et dette publique sont devenus le refrain de l’hymne d’une jeunesse déboussolée.

L’infographie a été réalisée sur la base de travaux de recherche du site http://www.kairosfuture.com en 2014. (Crédit : Sacha Zylinski)
La tendance au pessimisme n’est pas universelle. Sur les onze pays interrogés au cours de cette même enquête, au minimum 70% des jeunes ont confiance en leur avenir personnel dans huit pays. La première place revient aux Indiens qui jugent à 78% leur avenir prometteur. L’Afrique du Sud et le Brésil complètent le podium avec une moyenne respective de 76 et 75%. Arrive en 7ème position, la Chine avec une moyenne non moins honorable de 72%.

À l’image de Sophie, la majorité des jeunes Français s’inquiètent pour leur avenir (Crédit : D.R.)
Les jeunes originaires de pays où la situation économique est prometteuse ont beaucoup plus confiance en l’avenir de leur nation que ceux qui vivent dans des pays en crise. Pour preuve, le classement est dominé par les « BRICS ». Il s’agit d’une alliance composée des grandes puissances émergentes actuelles : le Brésil, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud et la Russie. Des pays d’avenir qui ne cessent d’agrandir leur place dans l’économie mondiale et qui, selon certaines projections, pourraient représenter 40% du PIB mondial en 2025.

Crédit : Sacha Zylinski
Les jeunes ont plus confiance en leur avenir qu’en celui de leur pays
Toujours selon le même sondage, une grande majorité de jeunes (59%) se disent satisfaits de l’époque dans laquelle ils vivent, mais insatisfaits de la situation générale de leur pays (61%).
Seuls deux pays possèdent une majorité de jeunes optimistes pour l’avenir de leur nation : la Chine seule en tête avec 63% devant l’Inde et ses 52%. Pour chaque pays, un écart entre les deux axes de l’infographie est observé. Certains facteurs comme la pollution, la surpopulation et les inégalités sociales sont davantage pris en compte pour analyser l’avenir du pays plutôt que l’avenir personnel.
Une mondialisation, différentes manières de l’analyser
La mondialisation est un point clé de cette étude, tant la perception que les jeunes en ont varie. D’un côté, les pays émergents mais également les nations scandinaves la perçoivent comme un horizon d’espoir et de possible. L’enquête révèle parmi les jeunes une tendance quasi généralisée à accepter la mondialisation. Elle est considérée comme une opportunité par 91% des Chinois, 87% des Indiens et 81% des Brésiliens. Mais du côté français, cet enthousiasme est plus que tempéré. À peine 52% des jeunes la considèrent comme une chance. Et c’est là que le bât blesse. Car la moyenne est de 65% pour l’ensemble des pays européens. « Il y a, d’un côté, la fête de la mondialisation, à laquelle prennent part presque toutes les jeunesses du monde, et de l’autre, un discours anxiogène en France », analyse Dominique Reynié, politologue et directeur de la Fondation pour l’Innovation Politique (Fondapol). « Les jeunes savent que leur vie se déroulera sous cet horizon-là, mais personne ne leur propose de solutions. »
Une jeunesse française en détresse… ou presque

Des jeunes Français réunis dans l’amphithéâtre de leur université. Crédit : Reuters.
Les années passent, mais l’état d’esprit des jeunes Français perdure. Le tableau de l’avenir peint par nos « benjamins » reste en noir et blanc. À l’image d’une génération qui se singularise par un manque d’optimisme presque maladif. La France occupe la dernière place du classement. À peine plus d’un jeune sur deux (53%) a confiance en son futur personnel et seulement 17% d’entre eux ont confiance en l’avenir du pays. Un discours morose qui s’exprime avant tout par « le verrouillage du marché de l’emploi », selon le sociologue Olivier Galland. LesEchos.fr relèvent que presque un quart des jeunes de moins de 25 ans étaient au chômage en avril 2015. Un chiffre à relativiser, puisque la majorité d’entre eux étudient. Néanmoins, en janvier 2005, ce taux était égal à 19.8%, soit 5 points de moins qu’aujourd’hui.
« Il est excessif de parler de génération sacrifiée, au sens où l’immense majorité des jeunes parvient à décrocher un CDI vers 30 ans », précise le sociologue. « En revanche, ils arrivent sur le marché avec du retard par rapport à d’autres pays, comme ceux du Nord, et c’est sur eux que porte une grande partie de la flexibilité. » Le rôle de l’école est également déterminant dans ce discours anxiogène qui symbolise la jeunesse française, précise Olivier Galland. « En France, nous sommes obsédés par la fabrication d’une élite. Le système fonctionne comme une machine à trier les élèves. Ce faisant, il laisse sur le carreau beaucoup de jeunes – 18% sortent du secondaire sans diplôme – et provoque des dégâts psychologiques en engendrant, très tôt, la peur d’être éliminé. »
Le sociologue Vicenzo Ciccheli théorise de son côté le terme de « pessimisme par anticipation ». Dans son rapport sur l’autonomie de la jeunesse pour l’Observatoire de la vie étudiante, publié en 2013, le sociologue met en exergue la responsabilité des parents dans ce malaise de la jeunesse française. « Ce sont les parents qui imaginent un avenir sombre pour leurs enfants. Lorsqu’on consulte les jeunes sur leurs conditions de vie, ici et maintenant, ils sont beaucoup plus optimistes. » Preuves à l’appui. 83% des sondés français se disent satisfaits de leur existence, au lieu de 78% pour la moyenne européenne. Et au niveau professionnel, 61% d’entre eux considèrent leur travail – quand ils en ont un – comme « satisfaisant ». Le tableau peint par notre jeunesse française reprend alors quelques couleurs…
Sacha Zylinski