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À Cannes, un festival porte-voix des handicapés
Le tout premier Festival International du Film sur le Handicap (FIFH) se déroulera en septembre 2016, à Cannes. Le Palais des Festivals accueillera des personnalités influentes et des associations engagées afin de sensibiliser le public sur un fait de société parfois oublié.
Un nouveau festival du film va naître dans la capitale du cinéma. Cannes accueillera la première édition du Festival International du Film sur le Handicap, du 16 au 21 septembre, dans son mythique Palais des Festivals. Cet événement veut mettre en lumière les difficultés du handicap sur grand écran. Pour Denis Taccini, directeur de l’Association des Paralysés de France des Alpes Maritimes (APF06) : « Il y a peu de films sur le handicap, ce sera l’occasion d’en voir plusieurs à la suite ». Environ cent cinquante films seront projetés. Associatifs ou professionnels, ces derniers devront avoir un personnage principal handicapé, que le comédien le soit réellement ou non. Documentaire, publicité, fiction, tant de genres qui devront promouvoir l’intégration et la tolérance. Ce festival sera également le lieu de rencontres entre associations, professionnels du cinéma et spectateurs. Denis Taccini espère « que cela puisse favoriser le dialogue entre les personnes valides et handicapées ». Le festival constitue un véritable enjeu : sensibiliser le monde sur le handicap.

Affiche officielle du Festival International du Film sur le Handicap. (Photo : FIFH)
Place aux associations
De nombreuses associations luttant contre les discriminations désirent rejoindre ce beau projet. Celles qui seront invitées pourront présenter leurs films et organiser un débat. Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir (FDFA) compte diffuser son court-métrage Violences du silence. Huit femmes, huit histoires qui racontent les brutalités subies dans leur quotidien. L’initiatrice, Maudy Piot, compte sur la portée médiatique permise par la ville et son fameux Palais pour « réveiller les gens qui dorment ». Le festival Entr’2 Marches, qui se déroule en parallèle du Festival de Cannes, diffusera sa sélection gagnante du mois de mai. Né en 2010 dans l’idée de s’opposer aux habituelles paillettes de Cannes, Entr’2 Marches valorise les courts-métrages sur le handicap. Pour les personnes handicapées, apparaître sur cette grande scène internationale est une opportunité rare et précieuse. Le Palais sera le lieu d’une manifestation humble et authentique tournée vers l’échange : l’occasion pour les handicapés de sortir de leur « microcosme social » et pour les autres, de s’ouvrir à lui.
« Le cinéma peut changer les mentalités »
Le festival estime que le handicap est une dimension de la vie et de la société insuffisamment considérée. Selon le directeur de l’APF06, « le principal objectif sera de changer le regard de chacun sur cette réalité », mais aussi de lutter contre les préjugés. Le cinéma s’intéresse de plus en plus aux problèmes sociaux, tels que le racisme, l’homophobie et aujourd’hui le handicap. Il est utilisé par les associations pour faire entendre leurs voix : « Le cinéma peut changer les mentalités, nous en avons tous besoin pour évoluer », confie Dominique Véran, présidente d’Entr’2 Marches. Les organisateurs espèrent que leurs films solidaires et engagés attireront l’audience au-delà du simple festival.

Une personne malentendante dans la file d’attente du cinéma des Arcades à Cannes. (Photo : Mariette Guinet)
La ville du cinéma néglige ses spectateurs handicapés
Projeter des films sur le handicap c’est bien, accéder aux cinémas de Cannes en étant handicapé, c’est mieux. « Non, non et non, les cinémas ne sont pas assez adaptés », le constat de Denis Taccini est sans appel. Aux Arcades, les personnes handicapées peuvent accéder aux salles en fauteuil roulant ou accompagnées d’un chien. À l’Olympia, les malvoyants et malentendants bénéficient d’un casque audio spécifique pour les projections. Aujourd’hui seuls deux films sur trois sont en audiodescription et très peu proposent un système de son renforcé. Le nombre de séances spécialisées est faible : trois par semaine, aux heures creuses. Les associations n’hésitent pas à dénoncer cet accès limité. En 2014 l’APF06 clamait devant l’Olympia : « pas de jambes, pas de cinéma » ! Sans suite. Le cinéma dispose d’une dérogation le dispensant de se mettre aux normes en raison de locaux trop anciens. Sa première salle date des années 1920, n’anticipant pas le changement nécessaire aujourd’hui. Les directeurs des deux cinémas cannois, à l’origine du projet du multiplexe à Cannes-la-Bocca, affirment le respect des normes pour les futures salles. Cela consiste notamment à prévoir un emplacement sur cinquante siège pour manœuvrer un fauteuil roulant. « C’est peu mais c’est déjà ça » confie Denis Taccini. L’augmentation du nombre de séances en audiodescription n’est, en revanche, pas au programme.
Maïlys Belliot
Mariette Guinet