Théories du complot : un débat à sens unique

Le débat des Assises du Journalisme de Tours sur les façons de contrer les théories du complot s’est vite transformé en exposé, faute d’interlocuteur dans la partie adverse.

« On est en train de parler entre journalistes et professeurs mais il n’y a pas de complotistes dans la salle, c’est dommage. » C’est vrai. L’unique défenseur des théories du complot a quitté la salle bien avant la fin de la conférence. Probablement exaspéré par le  »débat » à sens unique, le jeune homme a essayé de prendre la parole en parlant plus fort que les conférenciers, sans succès. Quelques secondes après cet échec, la porte claquait derrière lui, sous les rires amusés du public. Le temps pour les conférenciers de capter à nouveau l’attention à l’aide de quelques phrases bien tournées et le débat a pu reprendre son cours. Après cet incident, pas un mot plus haut que l’autre, pas de remous, juste des flots d’applaudissements. Dommage pour un sujet qui, habituellement, déchaîne les passions…

Les complots, l’opium des faibles d’esprit

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De gauche à droite : Daniel Schneidermann, Agathe André, Luc Hermann et Thomas Huchon. (Crédit Wilhem Lelandais-Foyer)

Les quatre conférenciers ont ainsi pu continuer à exprimer leurs idées devant une assemblée entièrement acquise à leur cause. Thomas Huchon, journaliste à Spicee, dépeint les complotistes comme des personnes qui cherchent à « expliquer leurs échecs et leur incapacité à se dresser contre le monde » par des complots. « Leur vision du monde a changé à jamais avec le 11 septembre 2001 ». Probablement égarés dans un environnement qui leur est soudain devenu étranger, les complotistes ont cherché des réponses sur Internet.

Mais le problème avec Google, c’est que ce sont toujours les plus motivés qu’on voit. Et dans ce cas, les plus motivés, ce sont les complotistes. Résultat, les citoyens en quête de réponses sont confrontés à des théories toutes plus improbables les unes que les autres, mais habilement tournées pour faire douter le lecteur. Et ça marche. « On a perdu la guerre des algorithmes » regrette Thomas Huchon. « Ça va être dur d’inverser la tendance ».

Il suffit de taper « marche sur la lune » sur Youtube pour tomber sur cette théorie :

Des responsabilités partagées

Internet a une nouvelle fois été visé. Mais ce n’est pas le seul responsable selon Luc Hermann, journalisteproducteur à Premières Lignes. « C’est l’échec des médias » concède-t-il. « Les lieux d’énonciation institutionnels sont cramés dans les milieux où on trouve les complotistes » continue Daniel Schneidermann, le fondateur d’Arrêt sur Image. « A leur yeux, plus la source est obscure, plus l’information est crédible. » Atteindre les conspirationnistes est donc devenu très difficile, c’est pourtant une nécessité.

Pas de solutions miracles

Pour Gerald Bronner, sociologue reconnu, les théories du complot sont un « danger démocratique». Il faut donc les stopper. Impossible selon certains, mais d’autres se battent, chacun avec sa méthode. Thomas Huchon a choisi de prendre le problème très au sérieux. Il a réalisé un petit film conspirationniste « pour les infiltrer et comprendre leur manière de fonctionner ».

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Le film n’est maintenant disponible que si l’on est abonné à Spicee. « On ne pouvait pas laisser ça à la portée de tout le monde ». (Capture d’écran)

Une initiative originale mais qui pose des problèmes déontologiques. En mettant de côté les théories du complot, les médias ont contribué à leur développement. Ils semblent avoir pris conscience de leur erreur…peut-être un peu tard.

Wilhem Lelandais