A Paris, des étudiants simulent les discussions de l’ONU

Chaque année, à la mi-mai, à Paris, des centaines d’étudiants internationaux se réunissent pour mieux comprendre les relations qu’entretiennent les pays du monde, en simulant des séances de négociation de l’ONU (Organisation des Nations Unies). Des dizaines de pays sont représentés par des étudiants amenés à représenter chacun leur nation et à défendre leurs intérêts. C’est ce qu’on appelle le PIMUN, le Paris International Model United Nations.

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Doit-on désarmer la Corée du Nord ? Ou encore comment établir un plan de lutte local pour lutter contre DAESH en 2020 ? Des amendements ont été discutés. Crédit : Emma Restaino

Pendant quatre jours, du 24 au 28 mai, les murs de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de l’Institut Catholique de Paris ont résonné sous les intonations et parfois les éclats de voix des « faux » diplomates de Palestine, de Russie et des Etats-Unis. La cérémonie d’ouverture du PIMUN, accueillie par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est clôturée après quatre jours de discours et d’accords géostratégiques au Palais d’Iéna. La cérémonie a été, pour la première fois depuis cinq ans d’existence, représentée sous l’égide du Président de la République, François Hollande. S’il n’a toutefois pas été question qu’il se déplace pour y faire une allocution, le général Denis Mercier, représentant de l’OTAN et Fatima Placek, ambassadrice de l’ONU, ont authentifié leur présence par un dernier discours au Palais d’Iéna.

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Pour Dana Jomaa, le PIMUN est l’occasion d’ajouter une nouvelle ligne à son CV. Crédit : Emma Restaino

Dana Jomaa a 20 ans. Elle est étudiante en deuxième année en double licence Histoire et Sciences Politiques à Paris I Sorbonne. Elle a participé pour la deuxième fois au PIMUN. Elle livre le témoignage de son expérience.

Quel pays as-tu incarné lors du PIMUN ?

Dana Jomaa : On connaît notre pays seulement une semaine avant le PIMUN. Donc quand j’ai su que j’étais dans la commission DISEC pour le désarmement et la sécurité internationale au sein de la Jordanie, j’ai commencé à faire des recherches plutôt générales sur la situation du pays qu’on m’a attribué. Histoire de comprendre les enjeux qu’il y a autour. Ensuite, quand on a pris connaissance du pays, l’organisation nous envoie un study guide, une feuille de route avec quelques pages sur le pays et les questions qu’il pose. Après avoir récolté quelques informations sur la Jordanie, j’ai essayé de réfléchir à quelle serait la position et les intérêts de mon pays sur tel ou tel sujet.

Quels sujets as-tu eu à débattre ?

J’ai débattu sur deux sujets. Le premier sujet était sur la Corée du Nord et la question de l’armement nucléaire, alors que le deuxième sujet était sur Daesh – qui a remplacé le thème sur la réinsertion des enfants soldats.

Ça a fait parler, la Corée du Nord ?

Evidemment, ça m’a beaucoup intéressée mais comme on devait coller à la réalité et que la Corée du Nord accepte peu de compromis, je me suis dit que ce serait difficile d’adopter une résolution commune. C’était un peu difficile pour moi en tant que pays arabe de me placer dans le débat. Ce qui était intéressant, c’était d’essayer de trouver des compromis parce qu’on avait d’un côté la déléguée de la Corée du Nord et de l’autre celle des Etats-Unis et il fallait faire en sorte d’adopter une résolution. Il fallait négocier avec les deux et voir ce qui arrangerait tout le monde.

Alors, résolution ou pas ?

Finalement, on a réussi à faire passer une résolution. Il y avait dans cette résolution la mise en place d’une commission composée d’un représentant pour chaque zone dénucléarisée avec un délégué chinois, russe, américain, allemand, saoudien et nord-coréen. Cette commission aurait été chargée, chaque année, de discuter l’avancement des enquêtes sur le programme nucléaire de la Corée du Nord. Ensuite, la résolution demandait l’arrêt immédiat de tous les tests d’arme nucléaire en Corée du Nord. La résolution fixait finalement un rendez-vous pour la signature d’un traité sur la non prolifération nucléaire, parce que ce genre de traité, en réalité il en existe déjà un mais la Corée du Nord a retiré sa signature en 2006 pour pouvoir reprendre les tests et le développement de son programme nucléaire. Il y avait beaucoup de négociations là-dessus parce que le but de la communauté internationale c’était de réintégrer la Corée du Nord dans le traité pour que tout le monde ait les mêmes législations au niveau international.

Quel a été ton vote ?

Personnellement, j’ai voté non à la résolution finale. Avec les quelques pays arabes, on a souhaité faire une coalition de la ligue arabe. En disant officiellement que cette résolution ne réglait rien puisqu’il y avait des pays comme Israël, l’Inde ou le Pakistan qui n’étaient pas signataires de la résolution et qu’ils pourraient faire pareil que la Corée du Nord. La résolution est passée à 26 voix pour, 11 contre et 6 abstentions.

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« Il arrive que certains débats soient surréalistes », explique Dana Jomaa. Crédit : Emma Restaino

Tu as dû te sentir plus impliquée sur le sujet sur Daesh ?

Je m’intéresse beaucoup au Moyen-Orient de manière générale, mes parents sont originaires du Liban. Il y a deux ans quand j’y ai participé, j’ai voulu défendre ce pays mais en fait, je me suis rendue compte que c’est beaucoup plus intéressant de découvrir un pays qu’on ne connaît pas. Je suis tombée sur la Syrie. J’ai appris à le découvrir sous un autre angle. Sur le sujet de Daesh, ça se déroulait dans le cadre d’une « commission futuriste », on nous a mis au défi d’arranger une crise. En 2020, Daesh a envahi toute la Syrie, l’Irak et ils essayent de pénétrer le Liban. Au niveau de la Jordanie, j’étais au cœur du sujet parce que sur la carte, j’étais la prochaine étape. Et là, c’est vraiment parti dans tous les sens. Les pays européens ont voulu faire des coalitions pour pouvoir intervenir sur le territoire libanais sauf que le Liban et moi, nous nous étions mis d’accord pour empêcher toute intervention au sol sur nos territoires pour éviter une deuxième guerre d’Irak. Du coup, les pays d’Europe sont rentrés en guerre entre eux. A un moment, la Pologne avait déclaré avoir tué Poutine et la Russie a envahi l’Union Européenne. A la fin, le Liban était même devenu un protectorat belge ! Ça m’a complètement dépassée. Et ce n’était pas des agissements réalistes donc pour moi c’était une simulation ratée.

Qu’est-ce que ça t’a apporté ?

Ce qui est super utile, ce sont les règles de procédure parce que je pense qu’il y en a beaucoup qui sont reprises dans les instances internationales. Par exemple, si moi j’ai envie de débattre, je dois lever ma pancarte puis je dois attendre d’être interrogée puis je dois me lever pour proposer et je donne un temps de parole à chacun. Puis les personnes doivent voter et, s’il y a une majorité de voix pour, ma motion passe. Ça m’aide vraiment aussi à m’approcher du métier de diplomate. Et puis, on rencontre plein de monde qui viennent de partout. Personnellement, je le prends pour une expérience professionnelle, et je le note sur mon CV. A Sciences-Po, on a tellement peu de possibilité de faire du terrain. Ça développe la personnalité, parce que ce n’est pas toujours facile de parler en 1 minute chrono en anglais et devant 60 personnes. C’est un rythme intense le PIMUN, c’est de 9h30 du matin jusqu’à 18h le soir. Mais c’est une très bonne expérience et je n’exclus pas d’y participer une troisième fois. Et pourquoi pas faire un autre MUN à l’étranger, puisqu’il en existe un peu partout dans le monde.

Propos recueillis par Lucile Moy