Festival d’Avignon : L’Orient en partage

Quatre acteurs de la Comédie-Française se livrent à un exercice de lecture à la fois poétique et pédagogique au Festival d’Avignon. Au cours de trois représentations de L’Orient en partage, dans le magnifique cadre de la Maison Jean Vilar, ils racontent l’évolution et l’influence des contes indo-persans sur les fables de La Fontaine.

Dans la cour de la Maison Jean Vilar, le public est venu en grand nombre le 11 juillet 2016 pour assister à la première lecture de L’Orient en partage, Kalila et Dimna : des contes orientaux aux fables de La Fontaine. Les acteurs de la Comédie-Française Sylvia Bergé, Alexandre Pavloff, Loïc Corbery et Didier Sandre retiennent toute l’attention des spectateurs malgré le bruit assourdissant des cigales et la lourdeur de l’atmosphère. Debouts ou assis sur de hauts tabourets face au public, ils s’échangent la parole pour donner vie aux textes et les replacer dans leur contexte historique.

On apprend ainsi que Jean de La Fontaine a été fortement inspiré par les contes orientaux de Kalila et Dimna. Écrit en sanskrit en l’an 200, ils ont voyagé de l’Inde vers l’Iran avant d’arriver jusqu’en Europe grâce à leur traduction en grec d’abord, puis en hébreux et enfin en latin. Sylvia Bergé explique que « ce livre était une fable, mais sous son histoire apparente, des leçons sous-jacentes visaient à influencer le prince indien de l’époque ». Ce qui n’est pas sans rappeler le recueil de fables français.

Lecture des contes de Kalila et Dimna dans un cadre idyllique

Au Festival d’Avigon, lecture de L’Orient en partage dans le cadre idyllique de la Maison Jean Vilar. (Crédit photo: Elsa Hellemans)

Des fables, une histoire

En parallèle de ces rappels historiques, les comédiens tissent une histoire grâce à un assemblage astucieux des contes indo-perses et français. Le musicien Haroun Teboul apporte une touche de musique classique ottomane « avec une coloration iranienne ». Entre deux lectures, il joue du Oud (luth arabe), du Tanbur à Archet (luth perse) et du Ney (flûte perse). Selon lui : «  ils créent le fil conducteur invisible entre toutes les fables. De plus, le côté musical participe au voyage et à l’imagination car il permet de se relier à au moins une des origines de tout le parcours du livre ».

Aidés par les airs des instruments orientaux et forts de leur talent d’orateur, les comédiens transportent le public dans l’univers des fables. La représentation se clôture par une histoire d’amitié pleine de bon sens entre une gazelle, une tortue, un rat et un corbeau. Sous les rires et les applaudissements, Mme Bergé termine sur ces mots :

« Du sanskrit au français, de l’Orient à l’Europe, c’est bien l’humanité que nous gardons dans le partage et en fables de nous le rappeler ».

 

Le public est séduit par le mélange historique et poétique de L’Orient en partage. (Crédit photo : E.H)

Une lecture ravissante

« C’était très beau car ça va au-delà de la littérature, on apprend les sources des fables de La Fontaine et c’est très intéressant. La qualité de la diction et du jeu des acteurs en font un moment très intense car c’est éphémère, unique. De plus, on aime toujours autant venir à la Maison Jean Vilar, c’est un lieu magique », témoigne un couple breton à la sortie de cette représentation. « C’était très bien structuré, mais l’intérêt de cette lecture est surtout de connaître l’héritage de cette civilisation, ce qui rend le racisme d’autant plus intolérable », ajoute une spectatrice. Une découverte également pour l’acteur et metteur en scène Didier Sandre :

«  Je ne connaissais pas l’histoire de ces fables, tout le savoir, les pays et les villes qu’elles ont traversées, c’est remarquable ! ».

Institut du monde arabe et Comédie-Française main dans la main

Il est peu surprenant d’apprendre que ce projet soit issu d’une coopération entre l’Institut du monde arabe et la Comédie-Française. « Il y avait une exposition sur Kalila et Dimna à l’Institut du monde arabe et le président Jack Lang a proposé à Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, d’en faire quelque chose dans le cadre du Festival d’Avignon », explique Julien Chenivesse, conseiller de Jack Lang.

Les acteurs de la Comédie-Française, Sylvie Bergé, Didier Sandre, Alexandre Pavloff et Loïc Corbery se sont prêtés au jeu de la lecture, accompagnés du musicien Haroun Teboul. (Crédit photo : E.H)

 

Venus présenter Les Damnés au festival de théâtre, les quatre comédiens ont accepté de se prêter au jeu : « Tous les acteurs ne sont pas familiers avec les lectures car c’est un lien direct entre nous et le public, il n’y a plus de costume », raconte Didier Sandre. « Ces fables nous aident à comprendre le monde, on retombe dans l’enfance ». Sa partenaire de scène, Sylvia Bergé partage son enthousiasme. « Moi, j’adore ! J’ai été bercée par les contes et les légendes de la mythologie quand j’étais enfant et c’est très précieux ».

Sylvia Bergé et Didier Sandre

Sylvia Bergé et Didier Sandre replongent en enfance à la lecture des contes de Kalila et Dimna et de La Fontaine. (Crédit photo : E.H)

Elsa Hellemans