Les professeurs, piliers de la laïcité

Laïcité. Un mot qui revient beaucoup cette année après les attentats perpétrés à Paris en janvier 2015. Des actes d’horreur qui mettent en cause la religion dans un pays laïque. Pour l’État français, la meilleure façon d’apaiser les tensions, c’est de mieux former des citoyens, à l’école.

Le ministère de l’Éducation nationale a tiré la sonnette d’alarme. Refus de respecter la minute de silence en mémoire des douze morts de Charlie Hebdo, réactions violentes des élèves. On compte 200 incidents signalés dans les écoles en France. Des comportements qui inquiètent. Pour répondre à ces tensions, onze mesures seront mises en place dans les établissements scolaires dès la rentrée 2015. Parmi celles-ci, L’Éducation nationale prévoit de former 1 000 enseignants, documentalistes, directeurs d’école, personnels de santé… sur la laïcité et l’enseignement moral et civique. Ils pourront ainsi accompagner et former leurs collègues. Le but : apprendre à faire face aux problèmes quotidiens de  l’école. Les professeurs se retrouvent face à des situations auxquelles ils ne sont pas toujours bien préparés. Michaël Delafosse, professeur d’histoire et de géographie à Montpellier, confie: « En histoire, on enseigne le fait religieux, l’histoire du christianisme, de l’islam, du judaïsme, et on a des tensions. Les plus violentes, c’est quand les élèves disent “nous”. Quand ils disent “nous les musulmans”. C’est pas toujours facile d’être confrontés à ces problèmes là. Professeur, c’est un métier très solitaire quand vous avez des problèmes avec vos élèves, c’est toujours très difficile de l’avouer, d’arriver en salle des profs et dire “j’ai échoué dans mon cours, il n’y a rien qui est passé”, c’est très dur à avouer”. Et de conclure: Il faut éviter que les professeurs se replient sur eux-mêmes. »

300 heures d'« enseignement moral et civique », un moyen pour débattre des problèmes sociaux à l'école. Dessin Camille Maleysson

300 heures d’« enseignement moral et civique », un moyen pour débattre des problèmes sociaux à l’école. Dessin Camille Maleysson

 

« La laïcité participe à la construction des enfants »

Ces mesures prévoient également 300 heures d’enseignement “moral et civique” réparties sur l’ensemble de la scolarité de l’élève, de l’école élémentaire à la terminale. Un moyen de parler des sujets tabous, de problèmes, ou encore de religion. Débats, jeux, activités… tous les moyens sont bons pour développer l’esprit critique des élèves. « Après les attentats de Charlie Hebdo, j’ai fait un projet sur un monde merveilleux et exceptionnel. On avait dessiné une carte avec des obstacles pour atteindre le monde merveilleux. Pour combattre les obstacles, cinq de mes élèves ont dessiné des armes. J’ai essayé d’en parler en leur demandant si les armes sont vraiment nécessaires. Un autre s’est dessiné en train de se suicider. Là aussi, on en a parlé. C’est pour ça que les réflexions et les débats me paraissent vraiment importants. », explique Valentine, institutrice en classe de CE2 à Chambéry. Si ces enjeux de l’éducation et de la laïcité font surface après les attentats de 2015, des mesures avaient déjà été prises en 2013. En effet, il y a deux ans, alors que  la réforme des rythmes scolaires se mettait en place, la Charte de la laïcité avait été instaurée. Elle doit être affichée dans les couloirs, signée par les élèves, et les parents sont priés d’en prendre connaissance. « La laïcité participe à la construction des enfants comme individus à part entière. L’école doit être un lieu de résilience, dit Boris Cyrulnik psychiatre et psychanaliste français. Ce doit être un lieu neutre, un endroit pour trouver la force de surmonter les choses difficiles de notre société, les parents qui divorcent, les violences… », souligne Clémence, 25 ans, étudiante à l’École supérieure du professorat et de l’enseignement (ESPE) au Puy-en-Velay. Cette année va également changer pour elle, puisque durant le concours de recrutement, les candidats seront évalués sur leur capacité à faire partager les valeurs de la République. « Najat Vallaud-Belkacem, a envoyé une note au jury, précisant que le principe de laïcité est primordial dans la sélection des candidats. On a un oral  »agir en fonctionnaire d’Etat », on peut être mis face à des situations délicates et on est jugé sur notre capacité à réagir. » Elle ajoute cependant : « La parole des professeurs est beaucoup dévaluée de nos jours, c’est donc dur d’avoir un impact ». Il paraît donc essentiel que la famille, la société et l’école avancent main dans la main et renouent avec le “vivre ensemble”.

Camille Maleysson