Confessions d’un ancien gigolo #2/4

Etienne est un petit délinquant des banlieues lyonnaises. Pour une grosse escroquerie il va se faire arrêter après une cavale d’un an en terre corse. Il est de retour sur le continent, à Lyon, mais n’en peut plus d’être tenu en laisse par son bracelet.

Voyage au bout de la côte

Dans le courant de l’année 2004, Etienne parvient à se faire retirer le bracelet pour bonne conduite. Il l’obtient en faisant croire au juge qu’il a une offre d’emploi dans le Sud et qu’il veut s’éloigner de ses anciennes fréquentations pour éviter de replonger. Direction Fréjus avec deux amis avec qui il prend une colocation sur le port. Etienne fait la plonge le soir dans un restaurant de moules sur les quais. Mais là encore, ça dérape. Pour lui, la mentalité des gens du Sud n’y est pas pour rien. « Là-bas, si tu ne connais pas quelqu’un pour te mettre le pied à l’étrier professionnellement, pour t’aider à trouver un logement, si tu connais pas quelqu’un et tu demandes un coup de main a des gens, les gens savent que t’es tributaire d’eux. Quand je faisais la plonge dans ce resto, le patron savait que j’avais besoin de cet argent. Et il me tenait comme ça. Un soir je lui demande :

  • Ce serait bien que tu me payes, Bernard, c’est du black mais j’ai vraiment besoin d’argent en ce moment.
  • Je te paierai quand je veux, si t’es pas content, tu dégages ! »

Etienne ne bronche pas, cet argent il en a besoin. Jusqu’au jour où il finit par craquer. Un soir, en plein service, il abandonne son poste. La vaisselle s’entasse, la cuisine n’est plus approvisionnée, le patron monte voir ce qu’il se passe. Etienne l’attend avec une casserole de moules et le frappe. « Ça m’a coûté qu’il m’a défoncé ma bagnole quelques jours plus tard. »

Ses deux amis partent et lui reste, sans boulot. Le rêve azuréen se transforme en une énième galère. Parmi les gens qu’il rencontre dans les bars et boites de la région, il y a Silvio. Un homme de la nuit, chemise blanche cintrée, jean noir, chaussures à pointe, un mec avec de l’assurance et surtout, avec de l’argent. Un soir Etienne lui demande comment il fait.

« Tu peux pas faire croquer ? » 

Etienne a forcé sur l’alcool. La petite copine de Silvio les rejoint dans un bar du port, c’est une femme d’une cinquantaine d’année. « Ça va mon chéri ? »

L’alcool lui monte à la tête, les langues se délient, Etienne se lâche, profitant du fait que la dame se remaquille aux toilettes :

  • Tu fais quoi avec elle ? J’comprends pas, explique-moi.
  • Elle m’entretient. La voiture c’est elle qui me l’a payée, dès que j’ai besoin d’argent, de n’importe quoi, j’ai qu’à lui demander.
  • T’es sérieux ? Tu peux pas me faire croquer ? 

Un jeudi soir, Etienne, Silvio, sa copine et une amie du couple se rejoignent à Cannes dans une boite échangiste. « En fait, si tu veux, faut que ce soit la vieille qui te choisisses » Etienne passe une sorte de casting. « T’as l’impression d’être un bout de viande, on te dévisage et ça passe ou ça casse. » Bien que gêné et réticent, le courant passe entre lui et cette femme, casting réussi. « Je lui ai plu. Enfin après tu peux que lui plaire quand elles savent que t’es intéressé et prêt à faire ça. » Elle essaye de l’embrasser, dans le cou… Mais il refuse, trop d’appréhension, trop de gêne, trop d’inconnu, « Dans quoi je m’embarque ? ».

La première fois

La relation se met en place, les deux « couples » se rejoignent souvent au restaurant, comme ce soir-là, dans un restaurant huppé de la côte. Etienne le sent, ce qu’il a réussi à éviter jusqu’à aujourd’hui va arriver. « Ce soir-là, j’ai compris tout de suite. Elle me faisait du rentre dedans, me caressait la cuisse mais moi j’étais mal à l’aise, je ne savais pas comment m’y prendre, je savais que j’allais pas bander. » Pour lui c’est trop tôt, il savait que ça devait arriver mais pas maintenant. Il s’était imaginé qu’il se défoncerait pour la première fois. Mais là pas le temps. Etienne se braque et son amie s’énerve. C’est elle qui l’a choisi, il lui appartient maintenant, il ne doit pas lui dire non. Heureusement, Silvio détend l’atmosphère, et invite tout le monde à finir la soirée chez lui, enfin, dans l’appartement de sa copine.

« J’ai pris la pilule de viagra et… Silvio a baisé avec sa vieille sur le canapé et moi dans la chambre. La mienne avait 66 ans. C’est ce jour-là que j’ai pris mon premier viagra et après ça j’ai tourné qu’à ça, viagra, coke, alcool. »

Il a franchi la ligne. Plus aucun retour n’est possible. Ce soir, Etienne s’est prostitué.

Sylvain Poulet

*Les noms des protagonistes ont été modifiés.