Les centres de répit, et après ? #1

Dans le cadre du démantèlement de la « jungle » de Calais, les migrants doivent être répartis dans des centres de répit. Le fonctionnement de ces structures reste encore opaque et peu connu.

Le démantèlement de la « jungle » de Calais bat son plein et l’atmosphère politique est particulièrement tendue. Les critiques, dénonciations et déclarations n’en finissent plus.

Au cœur de la polémique : l’ouverture prochaine des centres d’accueil et d’orientation (CAO) sur l’ensemble du territoire métropolitain. Plus communément appelées « centres de répit », ces structures ont été mises en place par l’Etat il y a près d’un an dans le but d’y reloger les habitants de la « jungle » de Calais qui vivent dans des conditions extrêmement précaires.

Le gouvernement a établi un nouveau « plan de répartition » des migrants par région révélé par Le Figaro le 12 septembre 2016. D’ici 2017, les préfets de France devront créer 12 000 places d’hébergement dans des CAO pour accueillir les migrants. Seules les régions Ile-de-France et Corse ne sont pas concernées par le projet en raison du risque de saturation et de tensions.

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur devra céder 1 175 places. Cet objectif est encore loin d’être atteint, car elle ne dispose actuellement que de 226 places. Suite à l’annonce de cette mesure, les élus locaux n’ont pas tardé à réagir. Éric Ciotti, député Les Républicains et président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, et Christian Estrosi, président Les Républicains de la région PACA et ancien maire de Nice, n’ont pas manqué de manifester leur totale opposition au projet.

Leur accord n’étant pas une condition préalable à la mise en place du dispositif, l’accueil de nouveaux migrants dans la région ne devrait pas tarder. Ils seront pris en charge dans le CAO d’Istres (Bouches-du-Rhône) et également dans un CAO récemment ouvert à Marseille et géré par l’association du Service d’accueil et de reclassement des adultes (SARA).

Cependant un flou règne autour de ces structures d’accueil dites « transitoires ». Difficile d’en comprendre le fonctionnement. Comment les migrants sont-ils accueillis et accompagnés ? Vers où sont-ils ensuite reconduits ? Sur quels critères ?

artjungle

« Il faudra que sur les territoires de France chacun accepte de prendre un peu de sa part pour que le drame de Calais s’arrête », avait indiqué le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, lors de son déplacement à Calais. (Crédit photo : Art in the jungle (http://artinthejungle.weebly.com/)

Centre de répit : qui, quoi, comment ? 

Sylvain Rastoin, directeur général de l’association SARA, a été sollicité par les représentants de l’Etat il y a quelques mois pour créer un nouveau CAO à Marseille. Il a accepté de nous en dire plus au sujet des dispositifs que renferment les centres de répit.

L’association SARA est chargée « d’amener du soutien et de l’accompagnement aux publics en situation de grande précarité : personnes isolées, familles, … quelle que soit leur origine ou leur situation. » Depuis le début des années 2000 l’association accueille également des migrants et les accompagne. « On connait bien ce public », poursuit Sylvain Rastoin. « C’est pour cela qu’on a répondu favorablement à la demande de l’Etat d’ouvrir un centre d’accueil et d’orientation. On avait déjà en interne, des compétences et des connaissances pour les [migrants de Calais ndlr] accueillir convenablement et les accompagner. La demande de CAO est récente. C’est au mois de mars que les représentants de l’Etat nous ont expliqué qu’ils recherchaient des places. On leur a proposé, début avril, des possibilités de gérer un CAO et il a ouvert très vite, le 15 avril. » Aussitôt vingt places ont été mises à disposition.

Pour un accompagnement adéquat les CAO travaillent en étroite collaboration avec le Ministère des affaires sociales ainsi que le Ministère de l’Intérieur. Et plus particulièrement avec la préfecture et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Ils sont également tenus d’établir un planning. Celui-ci fait partie du cahier des charges auquel ils doivent répondre. A Marseille, le planning du CAO est « relativement complet ». Il comprend d’abord les démarches administratives dans lesquelles les migrants sont accompagnés : « visite à la préfecture, à l’OFII, le travail avec les référents sociaux… ».  Afin d’occuper et de divertir les résidents, des activités internes ou externes au CAO sont également organisées : « Des ateliers de cuisine, des cours de français, des rencontres sportives ou autre, avec d’autres structures. »

Ces centres sont censés donner au migrants « un temps de répit dans des conditions stables et rassurantes » et leur permettre de « reconsidérer leur projet d’immigration au Royaume-Uni », avait considéré Bernard Cazeneuve. Cependant, il ne s’agit pas de s’y installer de façon durable. Alors, combien de temps les migrants ont-ils le droit de vivre dans un CAO ? Il n’y a pas de limite prédéfinie. A Marseille, la durée moyenne de séjour est de deux à trois mois. Les migrants y sont accueillis, accompagnés puis réorientés vers d’autres structures selon leurs souhaits et surtout selon leur situation administrative. Plusieurs cas de figure sont possibles.

Les demandeurs d’asile, qui représentent la majorité des résidents, finissent par être redirigés vers les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) également présents sur l’ensemble du pays. Une demande est d’abord émise à l’OFII. Au bout d’une durée d’attente pouvant aller de « quelques semaines à quelques mois », mais qui, en général, « n’excède pas trois mois », c’est elle qui prend le relais et gère les admissions en CADA.

En ce qui concerne les personnes dont la situation relève des accords de Dublin, le CAO organise le départ vers le pays dans lequel le migrant est entré en premier dans l’espace Schengen et où ses empreintes ont été laissées. Après avoir contacté le pays en question, il faut attendre. Parfois plusieurs semaines avant que le pays donne son accord…ou non. Dans le cas d’un refus la personne est autorisée à demander un droit d’asile en France et est accompagnée dans cette démarche.

Autre possibilité, certaines personnes demandent l’aide au retour dans leur pays d’origine. « J’ai en tête l’exemple d’une personne qui a pris des années pour arriver en France et quand elle a intégré notre CAO elle a repris contact avec sa famille et a appris que la région d’Afghanistan qu’elle avait quitté était pacifiée. Cet homme a fait le choix de demander l’aide au retour », explique Sylvain Rastoin.  D’autres font également le choix de poursuivre leur migration seul, de « repartir vers Calais ou vers d’autres territoires ».

Quelles que soient les décisions finales des résidents ou les procédures annexes auxquelles ils sont contraints de se plier, les CAO se doivent de les accompagner au mieux. Malgré cela, un sentiment  de méfiance vis-à-vis des centres de répit règne. En effet, depuis leur création, peu de migrants ont accepté de quitter la « jungle » pour rejoindre un de ces établissements.

Djenaba Diame