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Sortie de crise pour l’Espagne
Le conservateur Mariano Rajoy a été investi Premier ministre dans la soirée du samedi 29 octobre après 10 mois de blocage. L’abstention des socialistes permet enfin à l’Espagne d’avoir un nouveau gouvernement.
Il aura fallu deux élections législatives et dix mois de négociations entre les différents partis espagnols pour que se dessine une majorité parlementaire. L’arrivée de deux nouveaux partis sur la scène politique avait entrainé la fin du système bipartite en place en Espagne depuis la période postfranquiste. La situation était donc inédite avec la montée à gauche de Podemos, parti de Pablo Iglesias qui s’appuie sur le mouvement des Indignés, et son équivalent à droite Ciudadanos. Le Parti Socialiste (PSOE) et le Parti Conservateur (PP) ont vu leur électorat traditionnel se tourner vers ces nouveaux mouvements citoyens. Ajoutez à cela le Parti indépendantiste de Catalogne, le paysage politique était plus morcelé que jamais.
Stratégie et alliances
Le PP est arrivé à chaque fois en tête des législatives mais sans majorité pour gouverner, il lui fallait trouver des alliances. C’est ce qu’il s’est employé à faire auprès du parti de centre droit Ciudadanos mais même avec leurs voix, aucune majorité parlementaire ne se dégageait. Après la deuxième élection, Mariano Rajoy, ancien premier ministre conservateur et candidat à sa propre succession a appelé le PSOE à prendre ses responsabilités pour sortir le pays de sa paralysie. En effet, sans gouvernement, aucun texte de loi n’a pu être voté pendant ce délai. Madrid ne pouvait pas être représentée auprès de l’Union Européenne et seules les affaires courantes étaient gérées par un gouvernement de transition. C’est donc Pedro Sanchez, premier secrétaire du PSOE qui devait trancher. Sa stratégie jusqu’ici avait été de voter contre l’investiture du conservateur, en soulignant les différentes affaires de corruption qui entachent le PP. Sanchez devait également prendre en compte Podemos, arrivé juste derrière le parti socialiste aux législatives. Il craignait ainsi qu’un soutien à Rajoy ne le coupe définitivement avec sa base électorale qui avait déjà opté en partie pour le mouvement d’Iglesias. Finalement, ce sont les caciques du PSOE qui ont décidé en écartant Sanchez de la direction et en s’abstenant au vote d’investiture.
Une majorité fragile
C’est donc avec les voix de 170 députés sur 350 que le conservateur a été élu. Ce faible score va l’obliger à négocier avec ses alliés de Ciudadanos mais aussi avec les socialistes. « Le nouveau gouvernement, qui doit attester d’un profond renouvellement, sera le premier véritable test pour savoir si Rajoy a compris la situation dans laquelle il se trouve ou si cela va continuer comme d’habitude » prévenait samedi soir l’éditorial du quotidien espagnol El Pais. Le nouveau premier ministre n’est en effet pas connu pour sa capacité à négocier et il se retrouve aujourd’hui dans une situation où il va devoir faire ses preuves. Son principal allié Ciudadanos a par ailleurs construit sa rhétorique sur la dénonciation des scandales politico-financiers alors que le PP et Rajoy en particulier sont au centre de ces affaires. Le PSOE quant à lui reste aujourd’hui divisé entre les pro et anti Sanchez et n’a donné aucune garantie de son soutien aux mesures du gouvernement conservateur, tandis que Podemos promet de continuer à se battre contre l’alliance de droite. C’est donc un exercice d’équilibriste qu’entame Mariano Rajoy, qui revient au pouvoir plus fragile que jamais.

De gauche à droite : Pedro Sanchez (PSOE), Pablo Iglesias (Podemos), Albert Rivera ( Ciudadanos)(Crédit photo : Reuters)
Arsène Chapuis