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AdN, quand aider devient un combat
Ils sont des dizaines, hommes, femmes, enfants, Erythréens, Ethiopiens, Syriens. Ils fuient la guerre, la misère ou la dictature. Ils espèrent tous parvenir à gagner la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne. A Vintimille, une église leur a ouvert ses portes.
Vintimille, mercredi 16 novembre. La nuit commence à tomber sur l’église de Sant’Antonio. Depuis plusieurs années déjà, Monseigneur Suetta, Evêque de Vintimille, a décidé d’ouvrir les portes du sanctuaire aux réfugiés. Cette décision a été prise à la suite de la fermeture du centre d’accueil de la Croix Rouge, délaissé par les migrants car ils devaient s’enregistrer en Italie et donc renoncer à demander asile ailleurs. En quelques mois, près d’un millier de réfugiés se sont vus regroupés entre les murs de l’église, dans des conditions plus que difficiles, souffrant parfois du froid et dormant à même le sol. Certains ont même contracté la gale. Mais depuis la réouverture de la Croix Rouge, ils ne sont plus qu’une soixantaine. L’église accueille exclusivement les familles.
« On ne veut pas briser leur rêve, on ne leur dit pas que la France a fermé les frontières. » Teresa Maffeis appartient à AdN, Association pour la démocratie à Nice. Fondée en 1991, elle se décrit comme un « lieu de rassemblement de citoyens désireux, en se démarquant des partis politiques, d’exprimer un nouvel idéal démocratique et de défendre les valeurs de dignité, de fraternité, de solidarité et de citoyenneté. » En partenariat avec l’association RESF Réseau Education Sans Frontières et d’autres associations caritatives italiennes, les membres viennent en aide aux réfugiés dans le besoin. « On leur apporte de la nourriture et des vêtements surtout, des jouets pour les enfants. On donne aussi des cours de français. Le soir, on fait des maraudes pour donner à manger aux gens qui dorment dehors. »

Teresa Maffeis et un autre bénévole jouant avec une enfant érythréenne. (Crédit: Solenne Barlot)
Volontaires sous tensions
Teresa se rend en moyenne deux fois par semaine à Vintimille. Cette Franco-Italienne va au centre de la Croix-Rouge et à l’église pour distribuer vêtements, nourriture et réconfort. « Ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent rester ici. Ils pensent que c’est le gouvernement italien qui les empêche de passer.» La date du mercredi 23 novembre est sur toutes les lèvres. C’est celle, initialement fixée, du procès des « passeurs du cœur . « Ils n’ont rien à voir avec ces gens qui profitent de la détresse des réfugiés. Ils font ça tout à fait bénévolement. Ils passent en procès le 23 novembre et ils risquent jusqu’à 5 ans de prison et 30 000 euros d’amende pour aide à l’immigration. » Cette pression gouvernementale révolte tous les bénévoles présents. « Aucun gouvernement ne soutient nos actions, on est obligés de faire attention tout le temps. »
Pourtant, aucun d’entre eux n’abandonne. « On ne peut pas les laisser sans rien. Ce sont de belles personnes, avec un cœur énorme », sourit Teresa. Malgré le froid, une atmosphère chaleureuse règne au sein du centre. Les enfants jouent, les adultes s’apostrophent, les rires fusent. Tous oublient le danger. Même les maraudes du soir doivent être faites dans la plus grande prudence. « La polizia nous a déjà arrêtés plusieurs fois, pour nous demander nos papiers. Certains d’entre nous ont même déjà été en garde à vue. On pense qu’il y a des taupes parmi nous. » Teresa déplore cette méfiance de tous les instants. « J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie mais me cacher pour donner à manger à des gens qui ont faim, ça, je ne l’avais jamais fait.»
Solenne Barlot
Depuis ce reportage, deux membres du collectif Roya citoyenne, Pierre-Alain Mannoni, 45 ans, enseignant-chercheur à l‘Université Nice Sophia Antipolis, et Cédric Herrou, 37 ans, agriculteur, sont passés devant le tribunal correctionnel de Nice. Le procès a été renvoyé au 4 janvier pour l’agriculteur. Les réquisitions du parquet contre le chercheur sont tombées dans la soirée: l’accusation réclame six mois d’emprisonnement avec sursis à son encontre. Le jugement a été mis en délibéré au 6 janvier.