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Un toit chez l’habitant pour les demandeurs d’asile
Près d’une trentaine de familles azuréennes offre le gîte et le couvert aux demandeurs d’asile vivant dans la rue. Une solidarité vitale sur le chemin de l’intégration et de la tolérance.
Les évêques de France ont lancé un appel incitant les catholiques à « ouvrir leurs portes aux migrants » il y a un an. C’est ainsi que les Grassois Marie-Laeticia et Laurent Motte ont été sensibilisés. « On s’est mis à leur place et on s’est dit que si nos enfants devaient partir dans un autre pays, on aimerait qu’ils soient soutenus de la même manière », raconte Marie-Laeticia.
En janvier 2016 ils ont rejoint le réseau de familles d’accueil Welcome pour venir en aide aux réfugiés. Ils ont d’abord accueilli Assami, un Soudanais musulman de 26 ans, pendant trois semaines. « Nous avons des cultures très différentes », remarque la mère de famille. « Nous avons eu des échanges très intéressants mais on avait beaucoup de difficultés pour se comprendre ».
« Pour communiquer nous utilisions une traduction automatique en arabe et français sur internet », M.-L. Motte
Une impulsion vers l’avenir
Pendant son séjour, le demandeur d’asile a suivi des cours de français et effectué les démarches administratives pour obtenir son visa de séjour. « Le rôle des familles d’accueil n’est pas d’assister les migrants mais de les aider à décoder le mode de vie occidental pour mieux s’intégrer ensuite. C’est une période de transition », note le diacre Claude Seguin, responsable du collectif Welcome de Nice.
« Cela leur permet d’avoir un minimum de confort matériel, de pouvoir faire leur lessive, leur repas, de dormir au chaud, de se laver et de ne pas être seuls », ajoute Marie-Laeticia. « Au départ Hélène, notre fille de 14 ans était plutôt réticente à l’idée d’accueillir un étranger à la maison, mais finalement elle s’est très bien entendue avec Assami et ça n’a pas été perturbant », continue-t-elle. Ce que l’adolescente confirme : « Il était discret, délicat et respectait notre vie de famille. On sentait surtout qu’il souffrait de sa situation et qu’il nous était reconnaissant. J’ai pu réaliser ce qu’était la vie d’exilé dans un pays où on ne se retrouve plus ».
« Cette expérience nous a apporté une meilleure compréhension de leur situation »M.-L. Motte
Le jeune soudanais a été battu et traité en esclave pendant trois ans en Libye pour payer son passage en Europe. « Nous ne lui avons pas trop posé de questions sur son passé. On préférait l’aider à se projeter vers l’avenir », précise Marie-Laeticia.
Une cohabitation pas toujours facile
En revanche leur deuxième expérience s’est moins bien passée. Kashafi, un Pakistanais musulman de 42 ans est resté sept semaines chez la famille Motte. Exilé depuis quatorze ans, il s’est vu refuser son visa dans tous les pays européens où il s’est rendu. « Il était très malheureux, il pleurait tout le temps. Il avait un besoin d’attention et de présence constante, et c’était très lourd à porter », se remémore la Grassoise. Mais c’est surtout Hélène qui a mal vécu la situation: « Je l’ai trouvé un peu dérangeant. Ma famille et moi n’avions jamais de moments d’intimité, il était toujours là, quelle que soit l’occasion. Lorsque je rentrais du collège, il me parlait beaucoup, je le trouvais presque oppressant ».
Bien qu’elle ait peu apprécié la présence de Kashafi, la famille Motte espère à nouveau accueillir des demandeurs d’asile. Les Grassois se sont mis d’accord, la prochaine fois ils ouvriront leurs portes aux femmes et aux familles réfugiées. « Grâce à ces rencontres nous avons une meilleure compréhension de leur situation. Ils ne font pas ça par avidité mais parce qu’ils n’ont pas d’autres choix », s’émeut Marie-Laeticia.
Une meilleure intégration
Arrivé en France il y a deux ans, Rodrigue n’a pas pu avoir de place dans un centre d’hébergement. Il est sorti de la rue grâce au réseau Welcome. Depuis le 19 décembre 2015, cinq familles le logent à tour de rôle pendant cinq semaines. » Elles m’ont toutes accueilli comme leur enfant. Aujourd’hui c’est mon anniversaire et ma famille d’accueil m’a proposé d’inviter des amis ce soir pour faire une petite fête. Ça me touche beaucoup, c’est vraiment gentil « , s’enthousiasme Rodrigue.
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Rodrigue a fêté ses 32 ans le 23 novembre 2016 avec sa famille d’accueil, Michel et Marie-José Lafouasse. Crédit DR
Avant cela, le Centrafricain avait un tout autre ressentit envers les Niçois: « Ici, les migrants pensent que les habitants sont racistes et c’est aussi ce que je croyais au début. Mais tant qu’on a pas vécu avec eux, on ne peut pas comprendre les particularités de chacun. Ça m’a aidé à apprendre la culture française et à m’intégrer à la vie occidentale ».
Une alternative provisoire ouverte à tous
Le réseau Welcome est une des actions du Service Jésuite des Réfugiés de France. Il réunit des familles d’accueil qui offrent un hébergement aux demandeurs d’asile de toutes nationalités et religions. Le collectif souhaite ainsi améliorer la situation de ceux et celles qui n’ont pas encore été reçus dans un centre d’accueil.
« Un réfugié est hébergé par quatre familles », Claude Seguin.
La prise en charge est limitée à huit mois pour « inciter les bénéficiaires à rechercher un hébergement durable », explique le responsable du réseau niçois. « Les familles alternent toutes les six semaines pour que ça ne soit pas trop lourd à porter. Cela permet aussi de donner un aperçu de la diversité des Français au demandeur d’asile et de faciliter son intégration », précise Claude Seguin.
Depuis novembre 2015, les vingt-sept familles d’accueil azuréennes ont hébergé une vingtaine de personnes. C’est peu, mais c’est un début.
Elsa Hellemans