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[FIPA 2017] À Lampedusa, les « héros du hasard » racontent l’enfer des migrants
Regarder Lampedusa autrement. De l’intérieur. Au travers d’images dramatiques et de témoignages forts, ceux de héros, ces « héros du hasard ». C’est ce que proposent Domenico Iannacone et Luca Cambi dans le reportage « Lontano dagli occhi », en compétition dans la catégorie « Grands reportages et investigations », du Festival international de productions audiovisuelles de Biarritz.
Cinquante minutes durant, nous nous immergeons dans le quotidien des « héros de Lampedusa », ces hommes, ces femmes, qui sauvent des vies parfois, et côtoient trop souvent la mort, surtout. Celle de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, qui risquent leur vie pour traverser la Méditerranée, dans l’espoir de trouver en Europe une vie meilleure. Pour eux, dernière tentative désespérée de se cramponner à la vie : traverser la Méditerranée et gagner les côtes italiennes. Entassés sur des embarcations fragiles, ces « bateaux de la honte », la plupart d’entre eux meurent. Pour les Lampedusiens, depuis 25 ans, le choc reste rude et depuis 2011, les drames n’en finissent plus.
Avec la mise en lumière d’histoires symboliques, le but de ce reportage est d’éveiller les consciences. Pour que chaque Européen comprenne la dure condition de ceux qui sont aujourd’hui emprisonnés sous la mer, et des quelques survivants qui arrivent sur nos terres. Qu’arriverait-il si, comme Vincenzo, ou Costantino, nous étions face à l’insoutenable ? L’un, humble gardien du cimetière sur l’île a donné sépulture aux corps sans nom et continue encore à prendre soin de leurs mémoires, l’autre, un simple matin de pêche, a réussi à sauver douze personnes du naufrage de leur embarcation. Et des témoignages, « Lontano dagli occhi », en regorge, tous plus émouvants les uns que les autres, tant ils sont empreints de sincérité, de sensibilité.
« Loin des yeux », c’est la traduction du titre de ce reportage poignant. Mais de quels yeux sont-ils loin ? De ceux qui voient ce phénomène de migration d’un mauvais œil. De ceux qui ont peur de l’étranger. De ceux qui imaginent que la construction de murs règlera le « problème ». De ceux qui choisissent de ne pas porter attention à des êtres humains qui souffrent. Et de leur refuser l’asile.
À l’heure où en France, dans la Vallée de la Roya, des hommes et des femmes sont poursuivis en justice pour être venus en aide à ces survivants, « Lontano dagli occhi », secoue les consciences, rappelle à l’ordre, et nous met face à nos incohérences.
Sarah Melis