[FIPA2017] Ces femmes de maison qui subissent l’esclavagisme moderne

« Corvéables à merci, le scandale des bonnes asiatiques », c’est le titre du reportage de Gratiane de Moustier et Alexandra Jousset, en compétition dans la catégorie « Grand reportage et investigation », de la 30ème édition du FIPA, qui se tient cette semaine à Biarritz.

Elles sont près de 50 millions de domestiques dans le monde, dont plus de 2 000 chaque année à quitter leur pays, les Philippines.  Elles rêvent de nourrir leur famille, se sacrifient pour payer des études à leurs enfants, ou encore leurs frères et s’envolent vers la Chine, le Liban ou l’Arabie Saoudite. Pour y parvenir, quinze jours de formation pendant lesquels elles apprennent à « sourire, obéir et se taire », mais dans ce reportage, leur parole compte.

Alexandra Jousset et Gratiane de Moustier les ont suivis pendant leur entretien d’embauche, face à un recruteur froid, dur, qui n’hésite pas à discriminer les candidates sur leur poids, leur sexualité. Ces femmes sont pour lui des « produits », là pour « satisfaire » le client. Un présage de ce qui les attend après qu’elles aient obtenu le Graal empoisonné, un contrat d’embauche qu’elles se contentent uniquement de signer sans poser de questions.

Dans le silence, la honte, la peur, elles sont victimes de violences, d’abord verbales, mais aussi physiques et sexuelles. Elles sont prisonnières d’un système qui les exploite. Elles s’appellent Maria, Gina, Sri ou Jacqueline, et elles ont été battues, violées, presque tuées par leurs employeurs tyranniques. Certaines d’entre elles ont trouvé de l’aide auprès de Buhai, qui a créé un refuge de fortune, le Bethune House, pour leur apporter son soutien.

« Corvéable à merci » nous plonge dans la vie de ces femmes, qui nous racontent les unes après les autres leur calvaire, dans des pays où elles ne sont pas protégées. A Hong-Kong, le rythme de travail est terrifiant : dix-sept heures par jour. Au Liban, l’Etat donne un pouvoir sans limite aux employeurs grâce à une loi, nommée « Kafala », qui leur interdit de rompre leur contrat de travail, sous peine d’expulsion, et ce même en cas d’abus. On y compte un suicide par semaine. En Arabie Saoudite, c’est sur les réseaux sociaux que les appels à l’aide n’en finissent plus.

Mais qui se soucie d’elles, vraiment ? Mohanna, une avocate se bat pour défendre leurs droits au Liban, Buhai, tente de leur redonner leur dignité à Hong-Kong, et Karl Anderson, depuis San Francisco, a déjà sauvé près de cent cinquante victimes en Arabie Saoudite. Tous les trois, ont un rôle capital dans ce reportage poignant : donner un peu d’espoir.

 

 

Sarah Melis