La guerre contre les communistes reprend aux Philippines

Ce vendredi 3 février le président philippin, Rodrigo Duterte, a rompu la trêve entre l’armée et les maoïstes de la Nouvelle armée populaire (NAP). Un nouvel avatar dans le conflit opposant l’armée philippine aux rebelles communistes.

C’est un nouvel échec de la paix dans le conflit qui oppose depuis plus de cinquante ans les milices armées communistes aux forces militaires philippines. Vendredi 3 février Rodrigo Duterte, le président philippin, a annoncé la fin du cessez-le-feu entre les deux camps suite aux assassinats de plusieurs militaires.

La New People’s Army (Nouvelle armée populaire) est placée sur la liste officielle des organisations terroristes du Canada, de l’Union européenne ainsi que celle des Etats-Unis. Le mouvement se réclame du maoïsme, il est considéré comme la branche armée du Communist Party of the Philippines-Marxist Leninist, le parti d’opposition.

Cette opposition fait face, depuis le 30 juin 2016, au Président Duterte qui a tenté une approche pacifique en étant à l’initiative d’un premier cessez-le-feu quelques jours avant son investiture officielle.

Les germes d’une guerre interminable

L’histoire des Philippines, après des occupations espagnole, américaine et enfin japonaise, est teintée de sang. C’est en 1946 que le pays composé de plus de 7000 îles obtient son indépendance. C’est alors que le communisme connaît un essor considérable ; c’est dans l’instabilité politico-religieuse de l’Asie du Sud-Est de 1969 que la Nouvelle armée populaire naît, un an après son parti géniteur. Ce dernier restera illégal jusqu’en 1992.

Les inégalités économiques amènent à une première rébellion communiste de 1948 à 1960. Une dizaine d’années plus tard, placée sous le contrôle de la Commission militaire du Communist Party of the Philippines-Marxist Leninist, la NAP reprend les armes face à une démocratie philippine qui laisse de nombreuses frustrations dans la population civile.

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Une jeune militante, membre de la New People’s Army (Crédits: marxistleninist.wordpress.com)

Cette même démocratie est gangrénée par la corruption depuis sa mise en place. L’institution judiciaire philippine est la plus touchée : une impunité largement connue des plus hauts fonctionnaires de l’Etat alimente la révolte populaire et pousse jusqu’à 25 000 le nombre de combattants de la New People’s Army en 1988

Couplés aux Etats-Unis dans une lutte contre le « terrorisme » sur leur territoire, les dirigeants philippins s’attaquent au mouvement communiste et aux civils favorables à celui-ci. Une répression qui aboutit car aujourd’hui les révolutionnaires ne sont plus que quelques milliers (8000 en 1994), le mouvement est qualifié de moribond excepté dans une région : L’île de Mindanao.

Mindanao : dernier bastion d’une révolution mise à mal

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L’île de Mindanao en rouge au sud-est de l’archipel des Philippines (Crédits: commons.wikimedia.org)

L’île de Mindanao, la deuxième plus habitée de l’archipel, se fait dernier point d’ancrage des forces révolutionnaires. C’est là qu’elle trouve le plus fort soutien civil. L’opinion de cette partie des Philippines s’est durcie en faveur d’une insurrection armée du fait du contexte : dans certaines parties de Mindanao, des multinationales comme Dole ou Nestlé épuisent les ressources naturelles tout en polluant fortement les sites où elles s’installent. Une destruction de l’environnement des populations, permise par le gouvernement, alimente la corrélation entre les intérêts des habitants et des milices maoïstes.

Le président Rodrigo Duterte choisit donc la solution armée face à des dynamiques complexes, l’homme connu pour la brutalité de sa politique (comme par exemple dans son engagement contre le trafic de drogue ou la corruption) a déclaré « Je suis triste de devoir vous dire qu’il n’y aura pas de paix avec les communistes avant la prochaine génération ».

C’est donc sur l’île de Midanao que devraient se diriger les militaires philippins dans les prochains jours sous les ordres du président qui leur a ordonné de « se préparer au combat ». Les rebelles ayant anticipé la reprise des hostilités avaient déjà annoncé la fin de la trêve quarante-huit heures plus tôt.

Harold Girard