[INTERVIEW] Golden Moustache : « YouTube s’impose comme un milieu d’avenir »

A l’occasion du Festival Play Azur, Buzzles a rencontré le Golden Moustache. L’occasion de parler YouTube, humour et télévision avec l’un des collectifs francophones les plus connus d’Internet.

Initié en novembre 2012 par une vidéo du groupe Airnadette, le Golden Moustache est un collectif humoristique qui produit des vidéos et contenus originaux sur différentes plateformes vidéos. C’est grâce à des productions comme l’histoire racontée par les chaussettes de Dedo et Yacine Belhousse, que la chaîne YouTube a vite acquis une grande popularité. Avec aujourd’hui plus de 23 auteurs et comédiens, la chaîne YouTube compte aujourd’hui plus de 2,5 millions d’abonnés et 544 millions de vues.

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Les quatre membres du Golden Moustache interviewés. Adrien Ménielle, Aude Gogny-Goubert, Luciole et Nicolas Berno (de gauche à droite) (Crédits: Play Azur)

Buzzles : Comment se passe l’élaboration d’un sketch ? Est-ce que quelqu’un propose une idée et tout le monde se met à travailler dessus ?

Nicolas Berno : Pour les sketchs show diffusés à la télévision, un pool d’auteurs dédiés se réunit. Ensuite, chacun va écrire des versions de sketchs dont il est responsable. Pour YouTube, une première version est présentée aux autres qui peuvent modifier le texte. Le directeur artistique est là pour guider, et on fait un mix des versions proposées. Cela se construit vraiment ensemble à partir d’une idée personnelle. L’idée est validée par le directeur artistique, la production essaye ensuite de faire rentrer l’ambition du texte dans l’économie de Golden Moustache.

Quelle est la place de la publicité dans vos contenus ?

Nicolas Berno : La publicité est un passage obligé pour continuer à vous proposer des films comme Les Dissociés ou d’autres choses de ce genre qui sont plus intègres artistiquement et qui sont gratuits.

Aude Gogny-Goubert : Le placement de produit est souvent critiqué, bien qu’il soit peu utilisé par Golden Moustache, mais il nous permet d’avoir une journée de tournage en plus, de financer les équipes techniques, d’ajouter des effets spéciaux. Cela équilibre nos budgets. L’argent est récolté par la boîte de production qui ensuite redistribue l’argent. On est toujours sensibles aux commentaires écrits critiquant l’usage de la publicité. Souvent, on a l’impression qu’on retient le négatif, il faut que les gens ayant un avis positif s’expriment car sinon, on obtient que des messages dépréciatifs.

La culture web et la culture télé sont très différentes. Vous avez déjà tenté l’aventure télé deux fois sur W9. Pourquoi avoir choisi la télé ? Allez-vous y retourner ?

Adrien Ménielle : Il y aura une troisième soirée qui sera différente des deux premières. Je n’ai pas pour habitude de regarder la télévision, peu de programmes m’intéressent. Au lieu de vouloir boycotter la télévision pour ses contenus et dire qu’il y a que de la merde sur le petit écran, j’ai voulu proposer des contenus en accord avec ce que j’aime. Je me suis donc beaucoup impliqué dans mon premier sketch show télévisuel. Mais on y perd plus ou moins notre liberté. Ce n’est pas évident de concilier l’intégrité artistique et les exigences des chaînes. Il faut se battre pour arriver à un compromis acceptable. On peut aussi faire des choses à la télévision qu’on ne peut pas faire sur Internet. Faire une parodie sur l’univers télévisuel, c’est plus pertinent de le diffuser à la télévision, autant montrer notre avis sur le petit écran à des gens qui la regardent. C’est l’occasion de faire un contenu différent mais qui nous plaît.

Nicolas Berno : C’est une volonté de la télé de nous commander des sketchs show. Il y a une passerelle qui commence à se créer entre Internet et la télévision. On peut saluer l’effort qui est fait par les différentes chaînes. Le Studio Bagel sur Canal+, le Palmashow sur C8 ont également réalisé des contenus pour le petit écran. La difficulté va être d’insuffler l’esprit Internet à la télé.

Aude Gogny-Goubert : Le problème là-dedans c’est que la moyenne d’âge du spectateur télé est de 54 ans, les chaînes nous imposent des acteurs pour ne pas décontenancer le téléspectateur. Cela nous pose problème car on veut changer le modèle actuel et le dépoussiérer. Le public de télévision est roi, tout est défini par l’audience, par les gens qui vont regarder, donc il ne faut pas trop le bousculer. C’est pour ça que des émissions innovantes s’en vont très vite en télévision car le public a du mal avec le changement.

Luciole : Il y a aussi la question du budget. On va avoir plus de moyens pour faire les choses. J’avais écrit un sketch pour Le Lab et on m’a proposé de le faire à la télévision. On a eu un décor de fou, des effets spéciaux fantastiques, le résultat était incroyable. C’est l’avantage du petit écran, il y a beaucoup d’argent.

Est-ce que vous jugez YouTube comme un milieu d’avenir ?

Adrien Ménielle : YouTube est un support comme un autre, il n’y a aucune raison d’arrêter de produire sur Internet. Ce qui me motive, c’est de faire quelque chose qui me plaît. Si la production audiovisuelle perdure sur Internet, ce sera avec plaisir que je continuerai à en faire. Selon moi, c’est un milieu d’avenir, Youtube Red (service de streaming payant) va arriver l’an prochain en France, YouTube est sur une vraie lancée. Il n’y a pas de raison de penser que cela va se terminer.

Luciole : J’ai toujours connu Internet plus que la télévision, j’ai grandi avec YouTube, c’est ce que je consomme le plus. Je suis incapable de regarder la télévision, au bout de la première publicité, je suis déjà agacée. YouTube évoluera sûrement vers un modèle payant, et on en consommera comme on consomme de la télévision en payant une box internet. YouTube pourrait surfer sur la tendance Netflix.

Aude Gogny-Goubert : Ce n’est pas vraiment une finalité en soi. YouTube est juste un moyen comme un autre, mais ce qui différencie ce média c’est la liberté qu’on peut avoir ! Tout est possible sur YouTube à partir du moment où il n’y a pas de contenus antisémites (NDLR : en référence notamment au youtubeur Pewdiepie accusé d’antisémitisme). Une des autres forces de cette plateforme, c’est sa diversité. Le Play Azur l’illustre vraiment. On voit la diversité des contenus, il y a beaucoup plus de catégories, on est de plus en plus dans une diversité culturelle et sociétale. Mais YouTube n’est pas une fin en soi, c’est très difficile de gagner sa vie en raison de son modèle économique.

Nicolas Berno : J’ai commencé par le théâtre, ma vocation est née sur scène. Internet est arrivé un peu par hasard. Je pense y rester toute ma vie. YouTube c’est fantastique, je continuerai à faire des choses à condition de garder ma liberté, c’est ce qui fait qu’on est très contents de s’exprimer sur Internet à défaut de gagner beaucoup d’argent. On sait qu’on a la permission de faire des choses qu’on mettrait sûrement dix ans à faire à la télé. Quand on a envie de parler à un maximum de gens, le mieux c’est bien évidemment Internet. YouTube s’impose comme un milieu d’avenir.

Marvin Guglielminetti
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Sacha Virga