L’insoutenable attaque à l’arme chimique en Syrie, le déroulé des faits #2/2

Plusieurs dizaines de personnes auraient été tuées par une attaque chimique menée à Khan Cheikhoun, ville tenue par les rebelles. Cette attaque probablement perpétrée par le gouvernement syrien a eu beaucoup de retentissement chez les chefs internationaux. Les réactions démontrent les clivages sur la « question Al-Assad » et la nécessité d’actions déterminées. 

Donald Trump s’apprête à faire une déclaration après le lancement de missiles américains sur la Syrie, le 6 avril. (Crédits : CARLOS BARRIA / REUTERS)

Jeudi 6 avril. Les Etats-Unis ont décidé de mener cette action unilatérale. Donald Trump a annoncé dans la soirée : « J’ai ordonné une frappe militaire sur une base aérienne de Syrie d’où a été menée l’attaque chimique. ». Les missiles ont été tirés depuis des destroyers (contre-torpilleurs) de la marine américaine dans l’est de la Méditerranée. La frappe a été menée avec « 59 missiles », a précisé un responsable de la Maison Blanche, expliquant que les Etats-Unis avaient visé la base aérienne d’Al-Shayrat, qui est « associée au programme » syrien d’armes chimiques. Elle serait « directement liée » aux événements « horribles » de Khan Cheikhoun. Le chef d’Etat ajoute sur un ton solennel :

« J’appelle toutes les nations civilisées à chercher à mettre fin au massacre et au carnage en Syrie. »

Les frappes sont lancées « dans l’intérêt vital de la sécurité nationale ». Neuf civils dont quatre enfants ont été tués.

Les réactions internationales ont été vives face à cette action et démontrent les intentions claires de chacun. La nouvelle relation entre la Russie et le nouveau gouvernement américain semble déjà s’abîmée. Le président russe Vladimir Poutine considère les frappes américaines contre la Syrie comme une « agression contre un Etat souverain », « en violation des normes du droit international, [se fondant] sur des prétextes inventés ». L’Iran, autre allié du régime syrien, a lui aussi condamné fermement l’attaque même s’il reconnaît avoir été la plus grande victime des armes chimiques dans l’histoire contemporaine. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Bahram Ghasemi, a déclaré : « mener des actions unilatérales est dangereux et nuisible. ». Les amis des Etats-Unis ont salués cette action déterminée. Israël a apporté son soutien « total » à la décision de Trump, espérant que ce « message fort » serait « entendu non seulement à Damas, mais aussi à Téhéran, Pyongyang et ailleurs », a déclaré le bureau du Premier ministre, Benyamin Netanyahou. L’Arabie saoudite a également fait savoir qu’elle « soutenait totalement » les frappes, saluant elle aussi la « décision courageuse » du président Trump. Le Premier ministre japonais Shinzo Abe, juge que l’action américaine avait « eu pour but d’éviter une aggravation de la situation ».

Le président syrien Bachar Al-Assad porte « l’entière responsabilité » des frappes américaines, ont estimé vendredi la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande. Ces derniers ont jugé l’attaque « compréhensible ». M. Ayrault a également tweeté :

Jean-Marc Ayrault a réagi par un tweet après l’attaque de Khan Cheikhoun. (Crédits : Twitter)

Changement des rapports de force

Bombardement d’une base syrienne par les Etats-Unis. (Crédits : Source AFP)

Vendredi 7 avril. La Russie a appelé à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) après les frappes américaines en Syrie qui constituent, selon elle, « une menace à la sécurité internationale ». Les relations entre les deux pays se sont tendues. Moscou a d’ailleurs annoncé vendredi la suspension de l’accord avec les Etats-Unis qui visait à empêcher des incidents entre avions des deux pays en Syrie. La Russie et les Etats-Unis avaient signé ce protocole d’accord en octobre 2015 quelques semaines après le début de l’intervention russe en soutien au régime de Damas. Il vise à éviter des incidents entre les aviations russe et américaine qui effectuent notamment des frappes aériennes contre le groupe djihadiste de l’Etat islamique en Syrie. Toutes les attentes sur Donald Trump sont bousculées. Même en France, Marine Le Pen semble déçue de l’interventionnisme de Donald Trump : « Je suis un peu étonnée, parce que Trump avait indiqué à plusieurs reprises qu’il n’entendait plus faire des Etats-Unis le gendarme du monde, et c’est exactement ce qu’il a fait hier. ».

Seul un réveil diplomatique peut mettre fin à la tragédie

Le réveil diplomatique qui est train de s’opérer est la seule solution pour mettre fin à cette barbarie. Sans une action déterminée américano-russe affrontant la « question Al-Assad » et le djihadisme, l’attaque chimique à Khan Cheikhoun ne sera pas le dernier épisode de cette barbarie si personne ne fait face au problème, à l’image de Nikki Haley qui a montré deux photos d’enfants sanglants mercredi au conseil de l’ONU. Le régime de Bachar Al-Assad et son allié russe démentent totalement en affirmant que le missile tiré par l’avion syrien a fait exploser un dépôt d’armes chimiques aux mains des rebelles. Cette version des faits ne passe pas au vu des nombreux évènements et témoignages choquants, et la volonté affichée de s’attaquer aux blessés et aux secouristes. Les positions diplomatiques doivent sortir de l’opacité et de la passivité. Donald Trump mais aussi Vladimir Poutine sont face à une réalité : le régime syrien et les djihadistes s’auto-entretiennent dans une spirale de sauvagerie criminelle qui rend impossible un dialogue intersyrien. L’attaque de mardi n’est pas une exception, elle est la poursuite d’une tragédie sans cesse renouvelée. Il y aura d’autres épisodes tout aussi atroces, sauf en cas de coopération américano-russe s’attaquant clairement à la « question Al-Assad » comme à celle du djihadisme.

Parissa Javanshir