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Dominique Granier : « On ne prend pas en compte la problématique des agriculteurs dans la politique »
A deux jours de l’élection présidentielle, Dominique Granier, président de la Chambre d’agriculture du Gard et vigneron à Aspères, a confié ses attentes politiques concernant la problématique agricole.

Depuis 29 ans, Dominique Granier est vigneron, producteur de céréales et de tournesol. Il occupe aussi les fonctions de président de la Chambre d’agriculture du Gard et de la SAFER Languedoc-Roussillon. Crédit : Hafça El Moussaoui
« On est en train de faire mourir les gens qui nous font vivre », commente Dominique Granier, président de la Chambre d’agriculture du Gard et syndiqué à la FNSEA. L’indifférence des politiques face à la problématique agricole inquiète sévèrement l’agriculteur. « Tous les trois jours, un agriculteur se suicide, et on ne fait rien pour lutter contre cela » ajoute-t-il. L’importante crise économique agricole mène le vigneron à s’interroger sur le manque d’implication de l’Etat dans la profession : « On ne demande pas le monde, on demande seulement la reconnaissance du métier. ».
Des programmes utopiques
L’agriculture reste l’entreprise la plus sensible aux aléas climatiques et environnementaux. « Aujourd’hui, martèle le président de la Chambre d’agriculture du Gard, la problématique de l’environnement fait que les agriculteurs ont le devoir de faire du développement durable. On n’a plus le droit de produire sans se préoccuper de l’environnement, mais on n’a pas le droit de s’occuper que de l’environnement sans se soucier de la production. ». L’enjeu fondamental aujourd’hui est de privilégier l’agriculture raisonnée. Cet objectif reste encore défaillant dans les programmes politiques français des candidats qualifiés d’« irréalistes » par Dominique Granier.
La concurrence au fil des années s’est fortement accentuée tant au niveau de l’Europe que des pays d’autres continents, elle a baissé le pouvoir d’achat des agriculteurs de 20 à 30%. « Les Chinois produisent à un euro de l’heure, la concurrence est injuste » atteste le vigneron. « On est en train de faire crever l’agriculture méditerranéenne, mais aussi l’agriculture laitière monopolisée par trois grandes maisons » ajoute-t-il. Certes, « le devoir de s’organiser nécessite de passer par un marché mondial, et c’est là la difficulté » affirme Dominique. La campagne agricole de Marine Le Pen souhaite appliquer le patriotisme économique aux produits agricoles français et transformer la PAC en politique agricole française. « Cela reste incompatible avec les enjeux d’une agriculture moderne, soutient Dominique Granier, moi je suis un européen convaincu. ». L’unique moyen de concurrencer le marché mondial serait de passer par l’Europe qui, aujourd’hui, compte plus de 740 millions d’habitants. « Pour cela, il faut harmoniser les charges et les niveler par le haut et pas par le bas » souligne-t-il.
« Il faudrait un plan Marshall pour révolutionner l’agriculture »
Dominique Granier tire la sonnette d’alarme concernant le poids des charges sociales et fiscales qui pèsent lourd sur le dos des agriculteurs. Pour conserver le métier, « il faut favoriser l’exonération des charges ». La baisse de cotisations patronales reste une priorité pour certains candidats tel que François Fillon qui prévoit de réduire de 35 milliards d’euros les charges et les impôts qui pèsent sur les entreprises et « bénéficierait » aux agriculteurs. Mais pour Dominique Granier, « les patrons devraient avoir plus de possibilités d’engager des apprentis rémunérés sans charges plutôt que de les payer au chômage et au RSA, mais les écoles d’apprentissages manquent fortement en France ».
« Je lance un appel aux candidats à défendre le territoire », le métier d’agriculteur est bien trop « dévalorisé » insiste Dominique Granier « demain on ne sait pas qui sera agriculteur », il y a de moins en moins d’agriculteurs et les passionnés de la profession ont du mal à attirer de nouveaux profils. Pour lutter contre cette faiblesse, le vigneron croit en une réforme qui aiderait les jeunes à s’installer avec un foncier qu’un organisme achèterait, « mais il faudrait un plan Marshall pour révolutionner le fonctionnement du métier », ajoute Dominique Granier, tout en gardant une lueur d’espoir.
Hafça El Moussaoui