RIG DANEMARK #3 : le Conseil de la Presse préserve l’éthique de la profession

Au Danemark le Conseil de la presse surveille l’intégralité des médias danois. Sans réel pouvoir de sanction des plaintes du public, cet institut d’état se veut toutefois le garant d’une éthique irréprochable.

Le traitement médiatique des attentats de Paris par la presse française aura fait couler beaucoup d’encre. Si le Conseil supérieur de l’audiovisuel semble avoir répondu présent face aux chaines de télévision, une sempiternelle question a ressurgi. Quid de la presse écrite et des informations en ligne ? Au Danemark le Parlement a tranché. Le Conseil de la presse danoise gendarme la profession dans son intégralité, de la radio jusqu’aux pages Facebook des médias les plus importants.

Un CSA 2.0 ?

A première vue, il faut reconnaître que le Conseil de la presse danoise inspire. Il préfigure peut-être ce que pourrait devenir son homologue français.  Pétri du même bon sens scandinave que certains appellent de leurs vœux régulièrement en France, il a été fondé en 1991 après le vote au Parlement de la loi sur la responsabilité des médias. Le Conseil de la presse se compose de huit membres : le président et le vice-président sont désignés par la Cour suprême, la plus haute juridiction du Danemark. Deux autres membres sont nommés par le Syndicat danois des journalistes, encore deux autres par les directions danoises éditoriales des médias. Enfin deux derniers membres sont nommés par la Danemark Adult Education Association, qui représente les intérêts des publics consommateurs.

Cette composition tend à représenter tous les acteurs de la filière pour garantir un haut degré d’impartialité. A ce jour le Conseil compte dans ses rangs une membre du Parlement, deux anciens rédacteurs en chef, le directeur d’une grande société de production, des représentants d’organismes éducatifs syndicaux, un magasinier et un avocat.

Certes, c’est un institut public, financé par les deniers de l’Etat et placé sous l’autorité du Ministère de la Justice. Et il ne fait guère de doute  qu’un député à la tête de notre CSA ferait sérieusement grincer des dents, alors que ses membres sont déjà nommés par le président de la République, du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Mais pour Jorn

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Jorn Mikkelsen, membre du Conseil de la presse

Mikkelsen, ancien rédacteur en chef du très sérieux quotidien Jyllands-Posten et désormais membre du Conseil de la presse, le gendarme des médias est au-dessus de tout soupçon : «  Nous exerçons nos missions avec un très haut degrè de transparence. Nous ne censurons pas, et le public danois nous fait confiance. » Les intérets politiques ne s’immisceraient d’après lui pas non plus dans les discussions et les débats . Difficile pour nous de vérifier. Mais aucune trace de ce genre de pratiques sur le web. Pour l’ancien journaliste, cela reflète l’importance dans la culture danoise de l’éthique et de la probité dans l’espace public :  » de la même manière, nous n’avons pas de gros problèmes de presse. Les journalistes danois s’auto-régulent et ne franchissent que rarement les lignes éthiques  » , assure-t-il.

Surveiller, sans sanctionner

A ce stade le Conseil de la presse semble encore une fois avoir un petit peu d’avance sur l’autorité de tutelle des médias audiovisuels français. « Comme toujours ! « , diraient certains. Aucune autorité de tutelle n’est exercée spécifiquement sur la presse écrite hexagonale, quand au Danemark le Conseil de la presse réfléchit déjà à étendre ses missions aux contenus diffusés sur l’ensemble des réseaux sociaux, selon Jorn Mikkelsen.

« Finalement les médias sont assez tranquilles ». 

Pourtant le gendarme reste avant tout une simple vigie, attentive certes, mais sans aucun pouvoir de sanction. « Le Conseil n’a finalement qu’un pouvoir informel, extrêmement dilué »,

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Lars Kabel, professeur de journalisme à Compenhague.

explique Lars Kabel, spécialiste des médias danois et professeur à l’école de Journalisme de Copenhague. Et le hic est là. Les décisions de l’institution n’entraînent pas de sanction en temps que telle. Ni amende, ni mise en garde. Tout juste le média doit-il ensuite diffuser la décision du Conseil, mais ce n’est pas une obligation légale. Jorn Mikkeslsen le concède, « c’est aux particuliers de  poursuivre les médias, s’ils le désirent, devant la justice pénale ». 

Le Conseil de la presse reçoit de nombreuses plaintes de la part de particuliers. Après débat, il décide ou non de traiter l’affaire. Il traiterait selon son site, de nombreuses petites plaintes, dont les décisions sont ensuite annoncées via Twitter. Une affirmation à prendre avec des pincettes pour le professeur :  » Les standards du Conseil sont tellement élevés que beaucoup de plaintes sont rejetées, finalement les médias sont assez tranquilles ».

Adrien de Volontat