RIG DANEMARK #6 : Le constructive journalism, une évidence danoise

Au Danemark, le Constructive Journalism fait résolument partie de l’ADN des médias. Cette manière de penser le journalisme préfère les solutions aux problèmes et accroît une liberté de la presse déjà largement respectée.

« If it bleeds, it leads », comprenez s’il y a du sang, ça fait la une. Cet adage britannique, courant dans les rédactions, ne semble pas guider les médias danois. Entre guerres, faits divers tragiques ou affaires de corruption, la couverture médiatique des événements donne souvent l’impression d’être uniquement négative. Ainsi, nuancer cette morosité de l’actualité par une approche plus positive est devenu un enjeu central au Danemark. Repousser encore davantage les limites de la liberté de la presse et éviter de s’enfermer dans le schéma traditionnel de production de l’information, tels sont les objectifs de cette démarche journalistique. On appelle cela le « constructive journalism », souvent traduit par « journalisme de solution » en France. 

Dans l’élaboration d’un article, il s’agit d’instiller des éléments positifs afin d’offrir un regard différent sur l’actualité. « Les constructive news reposent sur trois piliers : les solutions, le dialogue et la recherche d’un consensus », détaille Malene Bjerre, professeur de journalisme et spécialiste en résolution des conflits. « Ces news ne traitent pas de conflits, mais cherchent des explications sur ce qui est difficile à comprendre. Mais surtout, la nouvelle perspective qu’offre ce type de journalisme apporte d’autres sources, d’autres angles et d’autres questionnements dans la résolution de divers problèmes », poursuit l’universitaire.

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Catherine Gyldensted, pionnière du constructive journalism au Danemark (Crédit : DR)


« Une réflexion nécessaire pour équilibrer un papier »

En 2013, Catherine Gyldensted, journaliste danoise, est la première à dispenser un cours de constructive journalism à la Danish School of Media and Journalism. Etudiants ou journalistes confirmés, tous sont volontaires pour réfléchir, parfois remettre en question, leurs méthodes d’investigation, de rédaction et donc, de transmission de l’information avec pour optique une liberté de la presse toujours plus large. Pour la directrice de la formation « l’objectif est de bâtir des compétences, de sensibiliser la profession et de favoriser un traitement plus solide et constructif de l’information ». Les techniques d’interviews sont également retravaillées. « Il y a un intérêt croissant pour ce que j’appelle « l’interview constructif » dans lequel on se concentre et souligne les solutions d’une problématique autant que l’on met en lumière l’engagement et la collaboration des personnes qui s’emploient à résoudre la situation. Cela change de l’« interview victime » largement répandue ».

A l’inverse, Lars Kapel, également professeur de journalisme à la Danish School of Media and Journalism, est sceptique quant à ces cours de journalisme de solution. « C’est un non-sens de penser le constructive journalism comme un mouvement. C’est plutôt un outil, une réflexion nécessaire pour équilibrer le négatif et le positif dans un papier ». Loin d’être une fin en soi, le journalisme constructif est la base du journalisme d’après l’enseignant. « C’est vraiment un retour vers les origines du journalisme »

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Le constructive journalism, une approche positive des évènements (Crédit : The Media Online)

Au-delà des frontières scandinaves, le journalisme constructif reste encore méconnu. Preuve en est que Niels Brunelli, pourtant journaliste franco-danois, ignorait l’existence de ce concept. Cependant, il s’en réjouit et salue le renouvellement de la presse au Danemark. « Ça ne m’étonne pas du tout ! C’est dans la mentalité danoise de voir les choses positivement, c’est d’ailleurs pour ça que le pays en lui-même, et la liberté de la presse fonctionnent bien ». Une liberté de la presse danoise déjà récompensée par sa quatrième place au classement de Reporter sans frontières en 2016 dans un pays toujours soucieux de s’ouvrir à de nouvelles façons de transmettre l’information pour accroître, toujours plus, la liberté d’expression.

Marion Ptak