Tobias Bütow : « Ce second tour est aussi un référendum sur la sortie de l’UE »

L’Union Européenne a été un enjeu majeur de ces élections présidentielles. Face à la montée de l’euroscepticisme et du populisme, Tobias Bütow, directeur d’étude au Centre européen de formation européenne (CIFE) à Nice, nous donne son point de vue.

Quel constat de la situation actuelle de l’Union européenne pouvez-vous faire ?

L’Union européenne était en crise pendant plusieurs années mais après les élections aux Pays-Bas, pour moi, elle est en train de sortir de cette crise. L’UE a été confrontée à la crise de l’Euro, au Brexit, mais tous les indicateurs montrent que c’est plutôt un défi pour le Royaume-Uni que l’UE. Et troisièmement, l’euroscepticisme était un très gros défi, mais après les élections en Autriche, puis aux Pays-Bas et maintenant avec le premier tour en France, il semble que l’euroscepticisme a de grandes difficultés et n’arrive pas à convaincre une majorité nécessaire d’électeurs.

 

Comprenez-vous les personnes qui sont critiques envers le projet européen tel qu’il est mené aujourd’hui ?

Oui et non. Oui parce que je comprends que c’est extrêmement difficile de comprendre la complexité de notre monde et le dispositif de l’UE. C’est un système politique pas évident. L’UE c’est un cas unique dans l’histoire du monde, il n’y a pas d’autres cas comparables où un nombre si élevé de pays ont décidés de réduire l’anarchie dans les relations internationales et de lancer des coopérations au-delà du niveau national. La période après la Seconde Guerre mondiale a montré que l’UE a vraiment contribué à une période de paix pour ses citoyens. Même des pays autour de l’UE, comme aux Balkans, en Ukraine, au Maghreb, ont des difficultés pour garantir la paix pour leurs citoyens. Mais je comprends l’euroscepticisme, qu’il y ait des questions et un certain niveau de critique.

Selon vous, que faudrait-il changer dans l’Union européenne pour répondre aux critiques ?

L’information sur l’UE est à améliorer. Par exemple et c’est une anecdote, depuis plusieurs Jeux Olympiques c’était toujours les sportifs de l’UE qui ont gagnés les médailles d’or, bien plus que les Américains, les Chinois ou les Russes. Cela montre le grand potentiel rien que dans le sport de l’UE. Ce succès n’est pas assez bien vendu aux Européens. Deuxièmement, il y a une certaine dynamique administrative peu compréhensible, mais comme dans tous les pays, que ce soit l’Espagne, la France ou encore l’Allemagne.

Est-ce que plus de démocratie au sein de l’institution n’est pas nécessaire ?

Oui c’est l’objectif, il faudrait encore plus démocratiser l’UE. Nous sommes déjà arrivés à un certain niveau de démocratisation après le traité de Lisbonne. Le rôle du parlement européen était renforcé. Mais les électeurs vivent une quantité énorme d’élections et ils n’ont pas bien compris l’importance du parlement européen, et cela se voit au niveau du taux d’abstention aux élections européennes.

La question de l’Union Européenne est centrale dans cette élection présidentielle. Que vous inspire les positions des candidats ?

Je suis universitaire et européen, à ce titre je dois constater qu’il y a une certaine différence entre les deux candidats sur la question européenne. Une candidate assez populiste dans les questions européennes et un assez académique sur le sujet, on pourrait dire. La France doit très bien réfléchir sur l’importance du second tour. C’est d’une importance historique pour l’Europe et pour la France Ce second tour est aussi un référendum sur l’UE. A titre personnel, je suis citoyen européen et je veux le rester, j’espère pouvoir continuer à habiter en France.

Quelles seraient les avantages et inconvénients à une sortie de l’Europe ?

Dans les théories des relations internationales, il y a une question très simple qui se pose : pourquoi y a-t-il eu des guerres dans l’histoire de l’humanité ? La réponse que donne le néoréalisme est que c’est à cause de l’anarchie. Dans toutes les régions du monde, s’il y a de l’anarchie au-delà des Etats, il y aura de grands problèmes, de la violence. L’histoire de l’humanité l’a montré. Sortir de l’Union Européenne est une question, peut-être pas pour demain mais pour nos enfants, de choisir la guerre ou la paix. Après on ne choisit pas sa région géographique, la France est déjà dans le cadre de l’UE. Le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne sont à côté de la France. Si vous regardez les chiffres du commerce, la France s’en sort très bien avec l’Allemagne. Plus de 100 milliards d’euros en 2016 proviennent de ces échanges. C’est très important pour l’économie française. Pour les avantages, c’est la question de souveraineté qui est posée. Mais dans un monde mondialisé, il faut rester dans les institutions partagées pour garantir un certain niveau de souveraineté. La souveraineté au 21ème siècle ce n’est pas la même souveraineté qu’au 20ème siècle.

Arsène Chapuis

Roberto Garçon