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Les Rohingyas : une minorité martyrisée
Les Rohingyas sont une minorité musulmane de Birmanie. Ce peuple est visé par une répression brutale menée par l’armée birmane et des bouddhistes extrémistes. Arrestations arbitraires, esclavage, tortures sexuelles… C’est le quotidien des Rohingyas, « une des ethnies les plus persécutées du monde », selon l’ONU.

Une Rohingya et sa famille fuient la Birmanie sur une embarcation de fortune (Crédits: Munir Uz Zaman / AFP / Getty)
Dans l’Etat de Rakhine en Birmanie, l’armée persécute sans relâche les Rohingyas. Entre assassinats, disparitions forcées, torture et traitement inhumain, ils subissent les pires des préjudices. Apatride, cette minorité musulmane est privée de tous ses droits fondamentaux. Mariage, travail et études leurs sont interdits. L’ONU parle de « possibles crimes contre l’humanité » dans un rapport publié la semaine dernière.
« Une cruauté dévastatrice et insoutenable »
Jusqu’en 1962, les Rohingyas étaient considérés comme une minorité nationale. Avec l’arrivée du dictateur Ne Win, leur situation a changé. Perçus comme des traîtres après avoir soutenu les Britanniques durant la Seconde Guerre mondiale face aux Birmans, une campagne de « birmanisation » a été lancée par l’Etat contre cette minorité ethnique. Les Rohingyas sont privés de la nationalité birmane et deviennent apatrides. Ils sont victimes de persécutions menées à la fois par l’armée birmane et des bouddhistes extrémistes, voulant « protéger l’identité bouddhiste ». Les musulmans ne représentent que 5% de la population du pays. « Les responsables locaux et les dirigeants communautaires ont participé à un effort concerté pour diaboliser et isoler la population musulmane, en prélude à des attaques meurtrières commises par des bandes organisées » observe Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie de l’ONG Human Rights Watch. L’ONU a mené plusieurs investigations auprès de 200 Rohingyas qui ont fui la Birmanie pour rejoindre le Bangladesh, pays limitrophe. « Près de la moitié a vu un membre de sa famille tué » selon le rapport, et « plus de la moitié des femmes ont été victimes d’abus sexuels ».
Nouar Nahar, musulmane rohingya, décrit au journal Le Monde les attaques subies. « Les soldats sont arrivés tôt le matin dans mon village de Poakhali. Ils ont mis le feu à la maison. Je me suis échappée avec mes deux enfants, mon fils, Mohammed Salim, 4 ans, et ma fille, Nour Kayos, un an et demi. Puis les soldats m’ont attrapée et m’ont emmenée dans la pièce d’une autre maison. Ils étaient quatre. Ils m’ont violée à tour de rôle. Ensuite, ils ont attrapé mes enfants. Je les ai vus les maintenir, leur mettre une main sur la bouche et leur tirer une balle dans la tête. »
Zeid Raal al-Hussein, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, estime que cette « cruauté dévastatrice » est « insoutenable ». Le rapport de l’ONU ajoute que les violences ont franchi un niveau « sans précédent » depuis la nouvelle opération militaire ordonnée par l’Etat birman en octobre dernier. Conséquence, 70 000 musulmans rohingya se sont réfugiés au Bangladesh.
Les Rohingyas victimes de trafic
Depuis 1978, les Rohingyas s’enfuient par vagues successives en direction du Bangladesh où ils sont des centaines de milliers à s’installer dans des camps de réfugiés. Mais ils ne sont pas forcément les bienvenus. Les autorités bangladaises ont plusieurs fois empêché les Rohingyas d’entrer sur le territoire, violant le droit international. L’ONG Human Rights Watch décrit des familles implorant la pitié des autorités du Bangladesh, afin de pouvoir accoster sur leur territoire. D’autres prennent la mer pour rejoindre la Malaisie. Depuis la fin de la guerre du Vietnam, c’est le plus grand exode dans cette région du monde. Au péril de leur vie, certains arrivent à atteindre l’Australie. En 2015, dans un camp clandestin situé en Thaïlande, une vingtaine de corps de Rohingyas avaient été exhumés. Un trafic avait été mis en place dans ce camp, les Rohingyas étant enfermés dans des cages en attendant le versement d’une rançon très élevée de leurs familles. Partout, cette minorité est mal accueillie, y compris dans les pays musulmans.

Groupe de Rohingyas transportés en bateau par des trafiquants en direction de la Malaisie (Crédits: Chaideer Mahyuddin / AFP)
En Birmanie, les musulmans rohingya sont victimes de persécutions, mais lorsqu’ils tentent de fuir le pays, c’est la misère qui remplace la violence. Installés dans des camps au Bangladesh, les Rohingyas vivent dans des conditions déplorables, sans toit ni protection. Le manque d’eau potable et de nourriture affaiblit notamment les enfants, particulièrement sujets aux maladies. Des groupes humanitaires et des organisations non gouvernementales (ONG) tentent d’apporter leur aide, mais les autorités birmanes empêchent l’acheminement de médicaments et de nourriture en interdisant l’accès à ces associations.
Les conditions de vie de cette petite communauté n’ont pas évolué, malgré l’arrivée de Aung San Suu Kyi au pouvoir. Avant d’être élue, elle avait promis d’assurer une protection à tous les habitants, en accord avec les principes des droits de l’Homme.
Hafça El Moussaoui
Marvin Guglielminetti