Ni homme ni femme, mais non-binaire

La non-binarité désigne les êtres humains qui ne sentent ni exclusivement homme ni exclusivement femme. Buzzles a rencontré ces personnes, qui dépassent la société hétéronormée. Témoignages.

Genderfluid, agenre, demi-boy, demi-girl… autant de termes pour définir des variations de multiples genres. Les cases « masculin » et « féminin » ne suffisent pas. Certaines personnes se revendiquent dès lors « non-binaires ». Elles ne sont ni exclusivement femme ni exclusivement homme mais appartiennent à un spectre bien plus large. Il existe donc deux sexes biologiques mais notre véritable genre dépendrait de notre ressenti et ne se limiterait pas à de simples attributs physiques. Etre non-binaire revient à ne s’identifier à aucun des genres masculin et féminin. « Je suis un être humain, ni garçon, ni fille. Je suis une personne comme les autres qui n’a simplement pas choisi à la naissance » explique Mae, 18 ans et étudiante en sociologie. Pour d’autres, la société a bâti des diktats qui n’ont plus lieu d’être. « C’est le fait de se sentir différent de ce que la société impose, c’est-à-dire ne pas être dans la binarité homme/femme, tout en y étant en même temps » selon Sasha, 18 ans.

« Je me sens autant fille que garçon »

Et pour les non-binaires, difficile parfois de se constituer une identité dans une société où les genres « homme » et « femme » prédominent. « J’ai été assigné de sexe féminin à la naissance. Je suis pour ma part de genre fluide (genderfluid). C’est-à-dire que mon genre varie beaucoup, selon les jours, ou les situations. Je peux me sentir complètement femme un jour, complètement homme le lendemain, parfois les 2 à la fois, et parfois même, je ne peux pas mettre un nom dessus, comme si j’étais à ce moment totalement en dehors » confie Sasha. Jay, 18 ans et étudiant.e en sciences humaines, n’est pas « genderfluid » mais «bigenre ». « Je me sens autant fille que garçon, même si physiquement je suis de sexe biologique féminin » décrit-elle. Mais pour arriver à se trouver, il faut parfois patienter de longues années. C’est le cas d’Aurélien, 19 ans, en prépa littéraire. « Depuis quelques années je me suis rendu compte que le sexe qui m’a été assigné à la naissance était le mauvais. Néanmoins je continue de me chercher, d’essayer de comprendre mon genre et c’est là que j’ai vu qu’il n’y avait pas que 2 genres mais une infinité de genres » raconte-t-il. Et c’est il y a 3 ans, en regardant un reportage sur la transsexualité, qu’Aurélien s’est découvert transsexuel. « J’ai remarqué que les témoignages ressemblaient à ce que je ressentais intérieurement ! C’est à ce moment que j’ai vraiment pris conscience de qui j’étais réellement ».

« Les non-binaires restent invisibles »

Pas toujours facile, donc, de se repérer dans la société pour les non-binaires. Et au quotidien, ils doivent affronter de nombreuses difficultés. Clichés, regard des autres, aller aux toilettes… autant de barrières que doivent franchir les non-binaires. « Dans les toilettes publiques par exemple, on ne sait pas trop où aller, parce que soit on va chez les hommes et on se sent mal parce qu’on est biologiquement une femme, on se ferait regarder bizarrement, soit on va chez les femmes, et on a l’impression de rejeter qui on est » indique Alex, étudiant en LLCE.  Mais c’est surtout les mentalités qui posent encore problème pour certains non-binaires. « Il y a encore trop de gens fermés d’esprit et de personnes qui ne cherchent pas à comprendre ni à respecter le choix des pronoms, le changement de prénom ou autre. Il faut qu’ils comprennent que ce n’est pas grands choses, pour eux ça ne changera rien du tout à leur vie, et que ça peut rendre une personne heureuse » critique Sasha. Une étroitesse d’esprit qui mène souvent à l’exclusion comme en témoigne Maé, étudiante en sociologie. « Je me suis fait jeter de chez moi avant ma rentrée en fac. J’ai eu des amis qui sont partis ne voulant pas m’accepter ». Et quand ça n’est pas les mots qui blessent… ce sont les coups. « Les non-binaires restent invisibles car aucun ou peu d’aménagements sont fait pour eux. Et ils sont mal vus, souvent ils se font insulter pour le meilleur des cas voire tabasser à mort pour le pire » explique Aurélien.

« J’aimerais des toilettes publiques neutres »

Si les non-binaires ont du mal à trouver leur place dans la société, ils sont pourtant nombreux à avoir des solutions pour faciliter leur intégration. « J’aimerais qu’il y ait des toilettes publiques neutres » souhaite Alex. Une proposition qui divise au sein des non-binaires. « Pour les lieux genrés comme les toilettes ou les vestiaires, je pense que cela a plus attrait à une réalité biologique qu’au genre ressenti » défend Jay, bigenre. Mais elle veut cependant réformer la langue française. « Il faudrait que l’écriture inclusive soit apprise à l’école de façon systématique ». Les pronoms « il » et « elle » deviendraient alors « iel » par exemple. La question du genre serait avant tout une affaire d’éducation. « Il faut faire davantage de démarches de sensibilisation à propos du genre notamment dans les collèges et lycées » soutient Alex. Une idée partagée par Jay, favorable à une « révolution dans l’enseignement sexuel à l’école ». « C’est gentil d’expliquer aux enfants comment se reproduire mais ça serait sympa de les sensibiliser aux autres formes de sexualité et notamment à la sexualité avec ou entre personnes non-binaires » imagine-t-elle.

Et s’il y a une question qui taraude les non-binaires, c’est bien la question du sexe inscrit sur les papiers administratifs. Homme ? Femme ? Difficile souvent de faire un choix. « Il faudrait une mention « autre » ou « non-binaire » pour les papiers officiels » propose Léa, genderfluid. Quoi qu’il en soit le message est clair, les non-binaires souhaitent simplement s’intégrer dans la société. « On ne demande à personne de nous comprendre ou de créer une nouvelle case spéciale pour nous ranger dans la société, mais on demande l’acceptation, le respect et toute la dignité qu’on nous doit, et d’être entendus et considérés comme des êtres uniques et merveilleux à l’égal de tous les autres êtres humains » conclut Jay.

Roberto Garçon

Marvin Guglielminetti