Coupe Davis : la France sur le toit du monde

Ce dimanche, la France a remporté pour la 10ème fois de son histoire la Coupe Davis après avoir battu la Belgique 3-2 dans un stade Pierre-Mauroy en folie. Au terme d’un 5ème match sans suspense, c’est Lucas Pouille qui a apporté le point décisif aux Bleus en battant en trois sets Steve Darcis. Retour sur cet exploit majuscule !

La France avait une revanche à prendre après les finales perdues de 2010 face à la Serbie, et de 2014 face à la Suisse… déjà à Lille. Après donc avoir échoué contre Djokovic, Federer ou encore Wawrinka, les Bleus avaient cette fois fort à faire avec David Goffin (récent finaliste du Masters) et consort.

Après une semaine de stage intensif et riche en enseignements, Yannick Noah avait décidé d’aligner Lucas Pouille et Jo-Wilfried Tsonga en simple ainsi que (à la surprise générale) Richard Gasquet pour accompagner Pierre-Hugues Herbet en double, en lieu et place de son habituel compère Nicolas Mahut. Choix osé pour certains, stratégique pour d’autres. Justifié par Noah comme l’assurance d’avoir un homme (Gasquet) capable de tenir un match décisif en cas de pépin physique de Lucas Pouille.

Un Black Friday sans surprise

C’est bien connu, on ne gagne pas une Coupe Davis le vendredi, mais on peut la perdre. Et quand l’on connait la suite du week-end, on comprend pourquoi.

Vendredi, premier jour de cette finale, devait être la possibilité pour les deux équipes de rentrer dans leur finale sans pour autant en sortir. Et au final la logique a été respectée.

Dans un premier temps David Goffin (numéro 1 Belge) défiait Lucas Pouille (numéro 2 Français). Et 10 jeux auront suffi au récent finaliste du Masters pour se détacher et ne plus jamais être inquiété. Malgré la belle résistance du Français dans la première manche jusqu’à 5 partout, Goffin accélérait facilement par la suite en surfant sur la confiance acquise au cours des dernières semaines. 7-5, 6-3, 6-1, une victoire en trois sets, nette et sans bavure, qui voyait les Diables Rouges prendre les devants dans cette finale.

Jo-Wilfried Tsonga avait donc la mission de ramener les Bleus à 1-1 face à Steve Darcis. Lui qui a tant déçu au cours de ces dernières années en Coupe Davis avait à cœur d’entamer au mieux l’un des derniers grands rendez-vous de sa carrière. Et à l’image de David Goffin, il faisait respecter la logique, en disposant facilement de son adversaire en trois sets secs 6-3, 6-2, 6-1 après un match où il a fait parler sa puissance et a débordé à l’aide de son coup droit un Darcis amorphe et sans solutions.

Au terme de la première journée, Français et Belges étaient donc dos-à-dos, où l’enseignement principal aura été un public nullement à la hauteur de l’évènement, mais heureusement pour la première et dernière fois du week-end.

A double risque

Si l’on considère que la France possède avec Nicolas Mahut et Pierre-Hugues Herbert l’une des meilleures paires de double au monde, c’est donc prendre un énorme risque que de se priver de l’un des deux. Et c’est pourtant ce que Noah a décidé de faire.

Alignés au Masters, les deux Français ont rapidement décidé de se retirer après seulement deux matchs, et pour cause Herbert semblait fortement touché au dos. En arrivant donc dimanche dernier à Lille pour débuter le stage de préparation avec le reste de la Team France, la présence du jeune tricolore était compromise à l’inverse de celle de Mahut. Mais après une semaine où les spéculations ont été nombreuses autour de la composition d’équipe, ce sont finalement Gasquet et Herbert qui étaient retenus pour disputer le double si décisif du samedi, laissant sur la touche un Mahut et un Benneteau visiblement très marqués. Décision risquée donc, avec l’éventualité d’une défaite et l’incohérence du choix Gasquet pour le cinquième match.

La paire française avait ainsi la responsabilité, non seulement de permettre à la France de passer devant, mais surtout de faire un grand pas vers le tant convoité Saladier d’argent promis au vainqueur. En face, c’était la paire Bemelmans/ De Loore qui occupait les rangs belges, alors que David Goffin était un temps annoncé pour disputer les trois jours.

Et dans un stade enfin au niveau de l’enjeu, les Bleus ont bien failli passer à côté. Après une première manche dominée de la tête et des épaules (6-1), les Belges sont entrés dans leur partie et ont fait vaciller les Français. Dans une manche accrochée, ils ont finalement arraché ce deuxième set qui a relancé le suspense du match et de cette finale. Dans le doute, Herbert et surtout Gasquet (en-dessous des attentes), sont passés proches de la correctionnelle dans la deuxième manche. En effet, avec un break de retard, on s’est demandé comment ils allaient pouvoir se sortir d’une situation bien mal engagée. Mais relancés par les nombreuses erreurs de leurs adversaires, ils faisaient à nouveau basculer cette rencontre en remportant la troisième manche au terme d’un tie-break sous haute tension, avant de quelques minutes plus tard faire la différence très tôt dans le quatrième acte, pour s’envoler par la suite et ainsi s’imposer dans, sans doute, le match le plus équilibré du week-end. Ce succès permettait d’offrir un deuxième point crucial à l’équipe de France.

Un dimanche de légende

C’est donc à 2-1 que la France se présentait ce dimanche dans l’arène de Pierre-Mauroy prête enfin à porter son équipe et permettre à cette génération de remporter le plus beau titre de sa carrière.

Et cette journée ne pouvait pas mieux commencer qu’avec le choc des numéros 1 entre Tsonga et Goffin. Quand on sait l’amitié qui lie les deux joueurs en dehors des terrains (ils ont passé Noël ensemble avec Herbert et Pouille), on comprenait l’enjeu et la tension qui pouvaient ressortir de cette rencontre, décisive pour les Belges, importante pour les Bleus.

Et dès le début du match, un combat de titan s’est engagé dans la diagonale coup droit (à l’avantage de Tsonga) / revers (pour Goffin). Le Français a même pendant une heure dominé son adversaire, se procurant de nombreuses balles de break. Mais en mal récurrent,  »Jo » n’a pas été en mesure de les convertir et a offert au tie-break la première manche aux Belges. Ce set aura été le tournant du match. Et de sa perte, Jo ne s’en remettra pas. Malgré de nouvelles balles de break à l’entame du second acte, le Français va se montrer incapable de déborder le petit gabarit du Belge qui, solide, s’offre la deuxième puis troisième manche sans grande résistance de la part du Français.

Voilà donc à l’entame du match décisif les Belges revenus à 2-2 dans cette finale. Et à ce moment là on se dit que ça va de nouveau tourner contre les Français. De nombreuses raisons nous y font croire : Steve Darcis alias « Monsieur 5ème match », les démons de la Serbie face à Troicki en 2010 ou encore l’inexpérience de Pouille, puisque c’est ce dernier qui aura finalement les faveurs de Noah pour disputer à 23 ans le plus grand match de sa carrière au profit de Gasquet. Et dès son arrivée dans l’arène, il comprend que ce match n’a rien à voir avec tous les matchs qu’il a déjà pu disputer par le passé. Un public incandescent est prêt à le propulser sur le toit du monde.

Chacun s’attend à une rencontre disputée où Darcis, comme il en a l’habitude, fait abstraction de la pression et se transcende pour son pays. Sauf que Pouille, en ce 26 novembre 2017, en a décidé autrement. Il va en une heure et demie broyer son adversaire belge en trois manches 6-3, 6-1 et même 6-0 dans le dernier set, pour, au bout d’un point pour l’histoire, le voir s’écrouler sur le sol de Pierre-Mauroy en pleurs et ainsi libérer 28 000 personnes en liesse. Les autres joueurs de l’équipe de France et tout le staff se ruent sur le jeune tricolore pour nous offrir des scènes d’une rare intensité qui resteront à coup sûr dans les mémoires du tennis et du sport français.

Raphael Redon