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Coup de projecteur sur le métier de critique cinéma
Lors du festival des Rencontres Cinématographiques de Cannes, qui s’est déroulé du 20 au 26 novembre, le Syndicat français de la critique de cinéma a remis un prix au film L’Insulte, après une délibération en public.
Les 30èmes Rencontres Cinématographiques de Cannes ont innové avec un nouveau jury : celui du Syndicat français de la critique de cinéma, composé de trois personnalités influentes dans ce domaine : Isabelle Danel, présidente du syndicat, Anne-Claire Cieutat, rédactrice en chef du magazine en ligne Bande-a-part.fr, et Jean Philippe Guérand, biographe et spécialiste du cinéma. A la fin du festival, le jury a désigné le meilleur des huit films en compétition, et son choix s’est porté sur le film L’Insulte, de Ziad Doueiri, dont voici la bande-annonce.
Procédé inédit : ce nouveau jury a délibéré sous les yeux du public, samedi 25 novembre : « La délibération en public nécessite d’être totalement spontanée pour montrer les mécanismes d’une critique cinéma. C’est un exercice difficile. Je ne suis pas vraiment habituée à l’oral ! », confie Isabelle Danel.
Cette délibération est l’occasion de braquer les projecteurs sur le métier méconnu de critique cinéma, qui « meurt lentement mais sûrement », dénonce Isabelle Danel, et sans doute de casser certains clichés. En fait, qu’est-ce qu’un critique cinéma ? Une figure de pouvoir crainte par tout le gratin du grand écran ? Celui qui va décider du succès d’un film ?
Interrogée sur la subjectivité d’une critique cinéma, la présidente du syndicat détaille les critères sur lesquels elle se base pour travailler : « La mise en scène, l’écriture, le jeu des acteurs, la lumière, les costumes… Est-ce que le but du film est atteint ? Que raconte le film et que souhaite-il raconter ? Comment il le raconte ? Ce sont des critères objectifs ! Même si, bien sûr, les goûts rentrent en ligne de compte… Mais j’aime autant des films d’auteurs que le dernier Spider-Man ! ».
Toujours influentes ?
Isabelle Danel tient à déconstruire certaines idées reçues : « Dans l’idée de la critique il y a quelque chose de négatif. Pourtant lorsque je regarde un film, j’y vais avec toute la bienveillance du monde. On aime le cinéma et on a aucun plaisir à voir un mauvais film. J’ai fait ce métier pour raconter à quel point les films que je voyais étaient super ! Un critique peut permettre à un film géorgien ou iranien d’émerger mais n’a pas d’impact sur le succès d’un film grand public, on sert seulement de pointeur. Et contrairement à ce qu’on peut penser, je n’ai jamais reçu de lettre d’un acteur ou d’un réalisateur en colère après une mauvaise critique. ».
Arthur Dupont, acteur (Grand froid, L’Outsider, Ma famille t’adore déjà…), croit au contraire à leur forte influence : « Les critiques peuvent descendre un film ou l’encenser, donc ils ont beaucoup de pouvoir. Heureusement, je n’ai jamais eu de mauvaise expérience avec eux pour l’instant. Ce que je n’aime pas, c’est quand les mecs parlent au nom de tout le monde, il peut y avoir un truc méchant gratuit. Et je trouve idiot les critiques en deux mots sur les affiches de films comme “Ça déchire !“… Quand ce n’est pas juste quelques étoiles… ».
Pour Bob Swaim, réalisateur et scénariste (La Balance, Escort girl, Nos amis les flics…), les critiques étaient importantes il y a une trentaine d’années mais les temps ont changé : « Les critiques m’ont aidé à me faire connaître à mes débuts, quand j’allais en festival avec mes courts-métrages sous le bras. Elles étaient importantes, mais ça a changé car les gens ne les lisent plus, il y a Internet, Youtube… Donc plein de manières pour que les gens parlent de votre film. Je ne pense pas qu’elles aient encore un impact sur le public. Mon film préféré, The Climb, a été primé dans tous les festivals mais il n’a eu aucun succès ! C’est ça le mystère du cinéma, on ne peut pas prévoir ce qui va marcher. ».
Elisa Montagnat
Parissa Javanshir