Quel projet pour le mouvement « Les Patriotes » ?

Le 29 septembre, Florian Philippot transformait son association en parti, à la suite de son départ du parti frontiste présidé par Marine Le Pen, le 21 septembre.

Quel projet pour ce nouveau mouvement ? Saura-t-il exister face au Front National ? En tout cas, c’est bien son ambition et l’ancien bras droit de Marine Le Pen ne compte pas rester à larrière du paysage politique français. M. Philippot s’est exprimé sur 20minutes.fr, peu de temps après la parution de la charte du mouvement le 7 novembre. Il revendique aujourd’hui 5.000 adhérents. Toutefois, il ressort que la formation doit attirer des souverainistes de tous bords (à droite comme à gauche) s’il veut tripolariser la politique française comme il le prétend aux côtés des marcheurs et des insoumis. Pour cela, une union avec Nicolas Dupont-Aignan est dans les tuyaux. Pas sûr que cela suffise.

Défendre les intérêts nationaux

La charte du mouvement expose 26 perspectives pour la France. Le point central du projet est placé en tête de cette dernière : le Frexit, afin que la France puisse retrouver sa souveraineté et mener sa politique comme elle l’entend (au niveau de l’agriculture notamment) avec un retour à une monnaie nationale. Le mouvement veut œuvrer pour les personnes qui sont aujourd’hui décrites comme perdantes de la mondialisation : les travailleurs les plus précaires ou les habitants des territoires abandonnés par la puissance publique. Il utilise le terme de « patriotisme économique » qui révèle en réalité un protectionnisme économique. La charte évoque la volonté de relocaliser la production par exemple. Elle doit permettre des conditions de vie décentes à tous (suppression de la Loi travail, retraite par répartition, politique familiale généreuse, …), sans toutefois énoncer des mesures concrètes concernant les aides sociales.

Cette dimension « nationale » rappelle à de nombreux égards le Front National (on pourrait aussi évoquer l’école, une politique de la culture et du patrimoine…), alors que le mouvement souhaite prendre de la distance avec la formation d’extrême-droite.

Se différencier du Front National

La stratégie du mouvement pour s’opposer au FN semble assez claire : être plus souple sur certains sujets sociétaux (mariage homosexuel assumé par exemple) afin de ne pas faire fuir certains électeurs. Deuxième point, assumer pleinement son euroscepticisme sans ambiguïté à l’inverse de ce qu’a pu montrer le parti de Marine Le Pen durant la présidentielle, alternant les discours sur le débat européen.

Enfin, un atout sur lequel pourra s’appuyer Florian Philippot : il peut désormais se détacher de l’image qui collait à la peau de son ancien parti, qu’il a pourtant essayé de dédiaboliser avec plus ou moins de succès. La charte du mouvement se veut dans cette continuité en exposant une France tolérante sur certains sujets, restant quand même « patriotique » sur d’autres (naturalisation au mérite, transmission de la culture française, etc).

Dépasser le clivage gauche et droite

Le mouvement « Les Patriotes » pourrait facilement être placé à lextrême droite de l’échiquier politique français, cependant, il revendique un dépassement du clivage traditionnel.

Ainsi, il affirme des ambitions aux couleurs politiques plutôt neutres, sur des enjeux contemporains concernant toute la société : les Patriotes accordent une certaine importance à la transition écologique, on trouve également une volonté d’investir dans la recherche, les secteurs d’avenir (le numérique, l’intelligence artificielle, le spatial…) ou dans les fonctions régaliennes (police, porter le budget de la défense à 3% du PIB). Plus singulier, la défense du bien-être des animaux. Cependant, aucune donnée chiffrée concrète pour étayer ces mesures. D’autres perspectives sont évoquées : référendum d’initiative populaire ou égalité hommes/femmes, est-ce une réelle volonté, ou cela relève-t-il juste du discours politique ?

On peut alors s’interroger sur la portée de ce mouvement. Saura-t-il toucher un électorat assez large ou restera-t-il dans l’ombre du Front National ? Rappelons que l’objectif de l’association « Les Patriotes » était à l’origine de refonder le Front National… Qu’adviendra-t-il de ce nouveau parti, qu’on pourrait presque qualifier de « recyclage » de celui présidé par Marine Le Pen ?

Après les succès des formations politiques de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron, les « mouvements » ont le vent en poupe puisque Florian Philippot n’est pas le seul à s’être lancé dans l’aventure : Benoit Hamon a par exemple lancé le « mouvement du 1er juillet ». A voir jusqu’où iront-ils…

Guillaume Laclotre