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1/3 de la production mondiale de nourriture finit dans la poubelle
Du producteur au consommateur, le gaspillage concerne toute la chaîne alimentaire. Pour optimiser nos ressources et préserver notre planète, le recyclage est l’une des pistes à développer. A Lyon, le mouvement les Gars’pilleurs fouille les poubelles pour redistribuer un véritable buffet.
Chaque année, nous jetons un tiers de la production mondiale de nourriture, à l’heure où 800 millions de personnes souffrent de sous-alimentation chronique. Pour lutter contre ce gâchis, le mouvement lyonnais Les Gars’pilleurs fait les poubelles et distribue son butin aux passants. Rencontre avec Léa, 27 ans, l’une des co-fondatrices du mouvement.
Comment est né le mouvement ?
Il y a 4 ans, plusieurs personnes sur Lyon faisaient les poubelles mais seulement dans les boulangeries etc. Un jour, on a décidé de faire les poubelles du supermarché puis on s’est rendus compte qu’il y a énormément de denrées comestibles jetées à la poubelle. On s’est servis puis on a décidé de distribuer le reste aux gens dans la rue sans autorisation, de manière sauvage avec juste un tréteau et une table. Notre collectif, c’est un outil de sensibilisation aux pratiques de la grande distribution, qui questionne le gaspillage alimentaire.
Toi personnellement, comment tu en es venue à faire les poubelles ?
Même avant le collectif je faisais les poubelles grâce aux réseaux militants. Quand j’étais étudiante, je traînais dans des squats ou terrains occupés, sans y vivre pour autant. Dans ce milieu où il y a besoin de nourrir beaucoup de gens sans moyens, fouiller les poubelles c’est la bonne solution. J’ai commencé à faire les poubelles des boulangeries, des supermarchés, puis avec des potes. C’est allé de façon progressive.
Quels sont les projets du collectif ?
On a fait le tour de la France : pendant deux mois, on était sur la route à rencontrer les gens qui voulaient lutter contre le gaspillage. Maintenant, on fait des distributions en public de produits de grande surface. On a un documentaire sur notre association qui va sortir bientôt.
Que faire concrètement pour lutter contre le gaspillage alimentaire ?
Il faut arrêter d’aller acheter de la nourriture dans les grandes surfaces, parce que ce ne sont pas des produits de bonne qualité, parce qu’ils exploitent les producteurs, ils gèrent mal leur stock. Il faut faire un argumentaire contre les supermarchés ; puis, dans un autre temps, montrer qu’il y a d’autres solutions. Faire un potager si on est à la campagne, ou rejoindre une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture) si on est ville, ou simplement acheter des produits chez les petits commerçants.
Vous diriez que c’est un mouvement politique ?
D’un côté on peut dire que c’est politique car on dénonce ce que fait la grande distribution avec la façon de gérer leur stock. Ce que nous voulons, c’est aller sur le terrain et sensibiliser les gens dans la rue. On a initié beaucoup de gens à la récup’. Le but, c’est que ces personnes réalisent tout le gaspillage que produisent les grandes entreprises.
Comment changer la mauvaise représentation du glanage ?
On est parfois mal vus, surtout lorsqu’on est obligés de rentrer dans l’illégalité. Parfois il faut traverser une barrière ou un grillage pour avoir accès à la poubelle. Cela s’appelle une violation de propriété. Mais sinon les gens accueillent bien notre action, surtout lorsqu’ils voient tout ce que nous récupérons.
Peut-on manger équilibré en se nourrissant du contenu des poubelles ?
Un exemple, si j’utilisais mon budget actuel, je mangerais seulement des pâtes ! Mais je me nourris exclusivement de ce que jette le magasin bio à côté de chez moi. Je mange des légumes et fruits frais et même du lait. Je pense que c’est mieux de manger des produits bio issus des poubelles plutôt que des produits non bio de supermarché. Je n’ai jamais eu de problème avec le magasin. Je me sers et je m’en vais.
Est-ce légal de se nourrir dans les poubelles ?
Cela dépend. Ce qu’il y a dans une poubelle n’appartient à personne. Si la poubelle se trouve sur l’espace public, c’est à dire sur le trottoir, tout le monde a le droit de se servir. Mais si la poubelle se trouve sur le terrain du supermarché, dans un local poubelle derrière des murs, c’est une violation. On n’a jamais eu de procès pour avoir fait les poubelles. On discute calmement avec les agents.
Est-ce dangereux de se nourrir avec un produit dépassé selon sa date de péremption ?
On ne va pas prendre tout ce qu’il y a non plus ! Faire les poubelles, c’est apprendre à se servir de ses cinq sens. Dans une poubelle, beaucoup de dates sont dépassées, mais tout n’est pas mauvais pour autant. Il faut penser à d’autres facteurs : la température extérieure, l’odeur, le goût. On fait le tri. On peut garder les yaourts au minimum un mois après leur date de péremption ! Nous on arrive à les manger trois mois après, si l’opercule n’est pas gonflé. Un yaourt produit en France et envoyé dans les DOM-TOM va avoir un mois de plus inscrit sur la date de péremption par rapport au même produit envoyé en France. Les entreprises sont au courant mais c’est un peu une technique de business. Par contre pour le poisson il faut faire plus attention.
Quels choix politiques faudrait-il engager pour lutter contre le gaspillage alimentaire ?
Il faut revoir les dates de péremption surtout sur les produits comme les pâtes, l’huile d’olive et la farine. Ces produits qui peuvent être consommés même dix ans après. Faire de l’éducation autour de ça. Il faut solliciter les dons des supermarchés pour donner leur surplus de stocks. En Allemagne, ils ont déjà des systèmes similaires avec des frigos communs : quand on n’utilise plus un produit on le met dans ce frigo pour que quelqu’un d’autre l’utilise. Il faudrait revenir à une alimentation plus saine et simple et réduire les supermarchés.
Parissa Javanshir
Elisa Montagnat