
Les théories du complot : « très satisfaisantes pour la plupart de nos cerveaux »
Le sondage Ifop publié lundi 9 janvier met en lumière les croyances des Français aux théories du complot. 8 Français sur 10 croient au moins à une théorie complotiste. Ce phénomène est d’autant plus marqué chez les jeunes. Qu’est-ce qui explique les résultats du sondage ? Le sociologue Gerard Bronner répond.
Qu’est-ce qu’une théorie du complot ?
Une théorie du complot c’est une théorie qui conteste la version officielle des faits, qu’elle soit historique ou par exemple par des politiques. On parle de théorie du complot quand on ne sait pas si les faits sont avérés ou pas ou plutôt si l’interprétation des faits est avérée ou pas car les complots sa existe dans l’histoire. On parle de mythologie du complot lorsqu’il est évident que cet interprétation des faits relève de la fable.
Pourquoi ça fonctionne ?
Elle offre une version simplifiée des faits qui sont en général complexes. Les faits historiques sont multifactoriels. Les théories du complot affirment qu’elles proviennent d’un seul facteur. Elles proposent une lecture très manichéenne du monde. Il y a des bons et des méchants. Ça malheureusement, c’est très satisfaisant pour la plupart de nos cerveaux. Elle donne enfin l’impression pour celui qui endosse ses théories, qu’il est un peu plus intelligent que les autres. C’est basé sur un effet de dévoilement. Une théorie du complot propose de mettre des éléments disparates de l’histoire et de vous expliquer comment et pourquoi ses éléments sont reliés dans l’ombre. Vous croyiez naïvement que ses éléments n’avaient rien à voir les uns avec les autres et bien la théorie du complot montre que si. Devant cet superbe cohérence de l’histoire on se sent un peu plus intelligent, c’est l’occasion de montrer que les autres sont plus idiots.
Pourquoi les théories du complot ont un effet rassurant sur ses adeptes ?
On est tous comme ça. Nous pensons par catégorie et simplification. Nous cherchons tous à nous enfermer dans un certain confort mental. Qu’on soit de droite ou de gauche on va lire tel presse. Internet amplifie en réalité cet enferment, ce qu’on appelle ce biais de confirmation qui nous caractérise tous. Il n’y a pas si longtemps ses théories du complot existaient mais restaient confiné dans des espaces de radicalités, militants. Souvent à l’extrême droite ou à l’extrême gauche par exemple ou dans des espaces des radicalité religieux. C’était des propositions de réinterprétations du monde. Elles ont aussi cet vertu de redistribuer les cartes. Il n’y a rien de plus satisfaisant pour quelqu’un qui a l’interprétation de rater sa vie, qu’on lui explique que son échec n’est pas dû à lui mais dû à des catégories sociales comme par exemple les francs-maçons.
Comment le conspirationniste fait pour avoir réponse à tout ?
Ce n’est pas qu’il a réponse à tout mais il beaucoup plus de temps que celui qui ne s’y intéresse pas beaucoup. Malheureusement, ces théories du complot s’adossent avec un très grand nombre d’argument. Comme pour Charlie Hebdo, le premier jour, le 7 janvier, il y avait déjà 26 arguments en faveur de la théorie du complot et le 11 janvier, quelque jour après les attentats il y en avait 100. Les conspirationnistes ont toujours un petit coup d’avance. C’est vrai que, si on discutait dans un bar avec un conspirationniste, un qui est contre et un qui est neutre, il y aurait des chances que la personne neutre soit plus convaincue par le conspirationniste en raison de ses nombreux arguments.
Comment expliquer que les jeunes ont plus de réserves envers les médias traditionnels ?
Quelque chose d’historique depuis la création TV : une génération s’informe différemment. Avec Internet, le problème c’est qu’ils ont tendance à faire plus confiance aux réseaux sociaux. Par exemple, les plus jeunes sont quatre fois plus nombreux que les autres catégories d’âge à croire que ce que dit les réseaux sociaux est vrai. Autre fait intéressant, plus on a un niveau d’étude important, plus on doute des médias officiels. Ces résultats sont extrêmement contrastés et complexes à comprendre.
Céleste Olivier
Parissa Javanshir
Elisa Montagnat