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Le doute s’installe sur les marchés internationaux après la nouvelle chute du Dow Jones
Après plusieurs mois d’euphorie boursière à Wall Street, l’indice américain phare, le Dow Jones Industrial Average, a chuté de 4,15% jeudi soir après avoir déjà perdu 4,6% le lundi précédent. Pris dans le sillage des États-Unis, les marchés européens ont ouvert à la baisse vendredi 9 février et ont plongé les places boursières dans le doute.
Tout allait bien sur les marchés internationaux depuis quelques mois. La Bourse de Paris avait culminé à un niveau jamais atteint depuis plus de 10 ans, Wall Street avait franchi la barre record des 26 000 points en janvier 2018 et les marchés asiatiques et allemand suivaient une tendance toujours à la hausse depuis le début de l’année 2017. Pourtant, lundi 5 février à Wall Street, le Dow Jones, pilier du marché américain et indice préférentiel des acteurs boursiers, a chuté en quelques minutes et a laissé place à un désarroi total dans les haut-lieux de la finance mondiale.
Les chiffres sont significatifs : pendant la journée, le Dow Jones a baissé de plus de 10%. Après un rebond en fin de séance, l’indice américain affiche une baisse de 4,60 % à la clôture avec 24 345 points. Après une légère reprise mardi et une clôture à la hausse mercredi, le mouvement de panique semblait s’être dissipé et devait laisser place à une fin de semaine plus tranquille sur les marchés financiers. C’est tout le contraire qui est arrivé : le Dow Jones a encore perdu 4,15% jeudi soir en passant sous la barre des 24 000 points et a plongé les marchés internationaux dans le doute. Les pertes ont alors commencé à toucher les autres indices boursiers. Les indices asiatiques et européens ont été emportés par les pertes à Wall Street et ont chuté respectivement entre 3 et 5%. Même après le rebond de vendredi, le Dow Jones a perdu plus de 5% en une semaine. Ces lourdes pertes font même de cette dernière la pire semaine boursière à Wall Street depuis début 2016. Toutes les bourses mondiales ont souffert de la baisse des indices américains, après la chute spectaculaire du Dow Jones et le doute qu’elle a amené sur les marchés financiers. Mais quelles sont les raisons de cette chute ? Est-ce seulement un effet conjoncturel ou un signe de baisse prolongée ?

Un trader au téléphone après la chute de 4,6% du Dow Jones Industrial Average à la clôture de la bourse de New York lundi. (© AFP)
Une panique financière aux causalités multiples
Paradoxalement, c’est une bonne nouvelle qui a déclenché ce mouvement de panique sur les marchés internationaux : l’annonce vendredi des chiffres de l’emploi aux Etats-Unis, repartis à la hausse en janvier avec plus de 200 000 emplois créés. Le salaire horaire moyen, dynamisé par une forte demande de main d’œuvre, a augmenté de 2,9% en un an selon Challenges. De plus, le taux de chômage est au plus bas depuis le début des années 2000 avec 4,1% de chômeurs. Le président américain, Donald Trump, est satisfait de ces signes de reprise de l’activité économique, liés pour lui à la baisse des taxes et se félicite sur Twitter :
With 3.5 million Americans receiving bonuses or other benefits from their employers as a result of TAX CUTS, 2018 is off to great start!
✅Unemployment rate at 4.1%.
✅Average earnings up 2.9% in the last year.
✅200,000 new American jobs.
✅#MAGA🇺🇸 https://t.co/upqSvBhRqJ— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 2 février 2018
Les conditions semblent réunies pour que tous les acteurs économiques profitent de ces bonnes nouvelles. Mais ces chiffres sont loin de satisfaire tout le monde.
In the “old days,” when good news was reported, the Stock Market would go up. Today, when good news is reported, the Stock Market goes down. Big mistake, and we have so much good (great) news about the economy!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 7 février 2018
Donald Trump se remémore le temps où les bonnes nouvelles faisait grimper les cours d’actions
A Wall Street, on voit derrière ces chiffres un potentiel risque du retour de l’inflation, qui pourrait conduire la Fed, la réserve fédérale des États-Unis, à changer sa politique de taux d’intérêts, qui sont restés à un niveau exceptionnellement bas depuis la crise de 2008 afin d’accompagner la reprise de l’activité économique. Mais avec l’amélioration de la situation sur le marché du travail, la Fed n’a plus aucune raison de maintenir ses taux au plus bas et pourrait donc augmenter ses taux d’intérêts directeurs. Ce qui risque de pénaliser les marchés en les privant d’une facilité de profit lié au rendement élevés des actions. Est-ce pour autant la fin de « l’argent facile » ?
Pas encore selon les experts, car la Réserve fédérale américaine se laisse encore le temps de procéder à trois ou quatre hausses supplémentaires du crédit en 2018, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur les rendements obligataires. Cependant, cette semaine catastrophique sonne comme la fin d’une période de profits exceptionnels pour les acteurs boursiers, et annonce un retour à la normale, seulement 2 semaines après avoir tutoyé des records de gains.
En outre, l’augmentation des taux d’intérêts directeurs de la Fed n’est peut-être pas une mauvaise idée. Dans une économie américaine basée en grande partie sur la dette, des taux d’intérêts trop bas signifient une facilité de crédit accordés aux banques, aux ménages et aux entreprises américaines. On sait alors ce qui peut arriver dans ces cas-là : la création de bulles spéculatives comme celle de 2008, qui risquent de plonger l’économie mondiale dans la crise. Alors, cette chute des indices boursiers peut-elle créer un « krach » ? Ou est-ce le signe d’un simple ajustement par rapport au niveau des marchés ?
Le retour de la « volatilité » boursière
« Volatilité ». C’est le mot que les financiers utilisent pour justifier de grosses pertes en bourse. La volatilité désigne l’ampleur des variations du cours d’un actif financier, elle sert à mesurer la stabilité des marchés. Et depuis lundi dernier, la volatilité est très élevée. L’indice VIX, surnommé « l’indice de la peur », mesure cette volatilité sur les marchés dans l’indice S&P 500. Il a atteint des sommets mardi après la première chute du Dow Jones et révèle le caractère instable de la bourse.
Ce qui inquiète, c’est que la volatilité est restée à un niveau très bas depuis plus d’un an et qu’elle fait son retour en force dans ces dernières séances. Comme si les acteurs de la haute-finance avaient oublié qu’en bourse, on peut gagner gros, mais on peut aussi perdre gros. Si ces pertes font autant réagir, c’est sûrement car depuis la grande crise de 2008, les conditions accommodantes ont placé la finance sur un piédestal dont les acteurs financiers ne veulent plus descendre, comme s’ils avaient perdu l’habitude de finir des séances en négatif.
La situation se rapproche donc d’un ajustement du marché par rapport à des standards beaucoup trop élevés et une conjoncture particulière. L’économie américaine est en bonne santé actuellement, il n’y a donc pas de raison pour une baisse prolongée. Après la nouvelle chute du Dow Jones jeudi soir, Wall Street a relancé la machine et a rassuré les marchés européens en clôturant à la hausse. De plus, même si le Dow Jones a perdu 5% en une semaine, il a gagné 43% depuis un an. Tout porte à croire que ce qui s’est passé la semaine dernière n’est que le révélateur du caractère instable des opérateurs financiers. Le risque de « krach » est donc à écarter pour l’instant selon les experts. Cependant, les expertises économiques sont souvent contradictoires et traduisent le fait que l’économie n’est pas une science exacte et particulièrement difficile à prévoir. Comment faire confiance aux experts, alors que la plupart d’entre eux ne jurent que par la toute-puissance du marché et n’ont même pas vu venir la crise de 2008 ?
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Cependant, les spécialistes s’accordent à dire que ce qui s’est passé la semaine dernière n’est lié qu’à un mouvement de panique venu de Wall Street, dans un milieu où tous les acteurs sont étroitement liés entre eux et où le moindre changement de direction peut entrainer une réaction en chaîne. Ce lundi, les marchés américains ont ouvert à la hausse, et ont rassuré le monde de la finance en gagnant plus de 2% à la clôture. Mais la situation en bourse reste donc à surveiller afin d’éviter de trop grosses pertes pour les marchés internationaux et surtout éviter la création d’une nouvelle bulle spéculative.
Arno Tarrini