Faculté de Montpellier : une manif ensanglantée

Depuis le 15 février 2018, le Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier au travers des étudiants affiche clairement leur désaccord avec la réforme de l’Université. Une lutte qui a dégénéré jeudi 22 mars dans la nuit.

Une manifestation qui finit dans le sang

Chloé à l’hôpital dans la nuit du 22 au 23 mars. ( Crédit : Chloé Sanchez )

« C’est le combat de toute personne concernée » pour Emma, étudiante en psychologie à l’Université Paul Valéry de Montpellier. Depuis maintenant plus d’un mois, les élèves réalisent de nombreuses actions pour tenter de stopper la réforme de l’Université, qui prévoit selon eux une plus grande sélection à l’entrée de la fac. Après un premier blocus de plus d’une semaine, manifestations et blocages sont devenus le quotidien des étudiants montpelliérains. Antoine, étudiant en information communication à l’Université, nous raconte à quoi ressemble les nombreuses actions organisées par les syndicats : « Les amphis sont bloqués par des chaises, des tables et des grilles, les cours sont donc annulés depuis plus d’un mois ».

« Je n’ai jamais vécu une douleur aussi forte physiquement et moralement »

Les tensions persistent et s’intensifient depuis la diffusion du projet de loi. Le 22 mars, c’est par la force que les étudiants sont stoppés. Chloé, étudiante à la faculté de droit était présente lors de l’événement : « Dans l’après-midi, un vote a déterminé l’occupation de l’amphithéâtre dans la nuit du jeudi au vendredi ». A 20h, ils sont donc une trentaine à rester malgré les insultes émanant d’une part du personnel de la faculté et du doyen. Chloé et ses camarades se considèrent pacifistes : « On avait aucune pensée de violence ou de destruction. ». Ils ne savent pas encore la brutalité qui les attend : « Je n’ai jamais vécu une douleur aussi forte physiquement et moralement ». Elle raconte les faits : « Aux alentours de 23h, des bruits très brusques m’ont surpris, une dizaine d’hommes cagoulés et armés de battes sont entrés dans la salle. » L’étudiante tente de fuir, mais elle est frappée à la tête et tombe violemment au sol : « Ma tête n’arrêtait pas de saigner. Très choquée et blessée, je ne voulais pas me relever, j’avais peur, je croyais vraiment mourir ».

« Les agents de l’école ne m’ont apporté aucune sécurité »

Le calvaire de Chloé ne s’arrête pas là. Les hommes tentent d’évacuer l’amphithéâtre en menaçant, frappant et tasant les étudiants apeurés. « Je n’osais pas me lever tellement j’avais peur, en réalité je ne pouvais même pas, ils m’ont fait sortir à coups de pied en me tirant, ils cognaient ma tête ensanglantée contre les marches ». Les jeunes se tournent alors vers les nombreux agents de sécurité, recherchant leur aide, sans succès. « Ils ne m’ont apporté aucune sécurité, au contraire, ils aidaient les personnes cagoulées à me frapper avant de me jeter devant la porte d’entrée ». Une fois les élèves évacués, les hommes s’empressent de fermer l’école et s’enferment à l’intérieur avec le doyen et certains professeurs : « Ils étaient en train de fermer la grille sur moi, une camarade m’a sauvé la vie en tirant mes jambes, elle était couverte de sang, de mon sang. »

Malgré nos sollicitations, les agents de sécurité de la faculté n’ont pas souhaité répondre à ces accusations.

« J’ai assisté à un meurtre moral et physique »

Au petit matin, Montpellier est en état de choc. Chloé a eu quatre points de suture et doit encore être suivie par différents médecins. Tout comme ses camarades, elle reste profondément traumatisée par les événements du 22 mars : « J’ai assisté à un meurtre moral et physique ». Les réactions sont vives : « C’est hallucinant de voir à quel point les gens peuvent être fous pour battre presque à mort des étudiants pacifistes qui ont le droit de manifester », enrage Antoine. Très vite, le doyen de la Faculté de Droit est soupçonné d’être impliqué dans les violences. Il démissionne le 23 mars au soir, après qu’une enquête menée par l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la recherche ait été ouverte. Les événements de la faculté de droit de Montpellier ne sont pas pris à la légère. Il y a 50 ans, une autre révolution étudiante avait débuté un 22 mars : Mai 1968.

Lou Florentin