A qui va profiter la fonte des glaces au Groenland ?

La fonte de la calotte glacière laisse place à un sous-sol riche en ressources au Groenland. Très peu exploitées, elles attirent les investisseurs du monde entier. Les 57 000 habitants de l’ancienne colonie danoise peuvent espérer une indépendance économique inédite : revenus et emplois iraient de pair avec les nouvelles mines. Mais le mode de vie de ces habitants pourrait aussi être remis en cause.

Des capitaux en approche

Pendant que la planète s’alarme de la fonte des glaces et de la montée des eaux qui l’accompagne, d’autres sont plus pragmatiques. En effet, les multinationales comptent bien profiter des richesses du grand nord, plus accessible grâce à la fonte des glaces. La fiscalité compétitive que propose le Groenland pour les investisseurs ne fait que prolonger cette dynamique. Les compagnies minières profitent des licences d’exploitation que le parlement groenlandais délivre désormais plus facilement. Si on remarque que les pays riverains de l’Arctique font valoir leurs droits, des entreprises issues de pays beaucoup plus lointains se manifestent aussi. Dès lors, la Norvège investit la mine d’Aapaluttoq via LNS Greenland tandis que les Canadiens avec Crew Gold Corporation à Nalunaq et Hudson Ressources à Naajat sont également présents. Mais on retrouve des investisseurs australiens à Citronen Fjord, dans le nord du Groenland, avec Ironbark Zinc, et les Hongkongais du General Nice Group avec le projet Isua.

Groenland

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Toutefois, en 2017, le Fraser Institute plaçait le Groenland seulement en 55ème position de son classement. Ce dernier reflète l’attractivité des pays en termes d’investissement. Mais pour l’instant, la plupart des mines sont en projet, seules celles de Naajat et Aapaluttoq sont en activité. Respectivement pour l’anorthosite, utilisée notamment dans la construction, et les rubis, principalement présents en joaillerie. Les autres exploitations sont souvent repoussées et peinent parfois à démarrer. Mais ce timide décollage pourrait permettre aux dirigeants du Groenland de trancher un certain nombre de questions quant au futur modèle économique de l’île.

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(Crédits : Infogram)

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(Crédits : Infogram)

Un environnement menacé

Cette attractivité n’est pas vue d’un bon œil par tous. Les autochtones mettent en avant les potentielles conséquences sur leur territoire. Par exemple, l’association « Urani Naamik », littéralement « non à l’uranium », porte le message des habitants. Les emplois créés ne bénéficieraient pas en majorité à la population du Groenland. Seuls les emplois peu qualifiés leur seraient octroyés, à cause du manque d’éducation et de formation. De plus, les profits pourraient être majoritairement captés par les firmes transnationales. Outre cet aspect, c’est le credo écologique qui revient. L’extraction est polluante et rejette des gaz à effet de serre en trop grande quantité. Les mines pourraient dégrader l’environnement local. Autre problème, la gestion des déchets radioactifs dans le cas de l’uranium. Dans une vision sur le long terme, la question est loin d’être réglée.

Et quid du mode de vie inuit ? L’exploitation minière pourrait changer leur quotidien. L’économie locale basée sur la pêche et la chasse notamment peut être menacée. En cause, la pollution qui contaminerait la faune et la flore du Groenland. La peur gagnerait les consommateurs et les produits groenlandais se vendraient difficilement. Ce qui mettrait en péril tout un équilibre.

Le tourisme en direction du Grand Nord

S’il existe déjà, le tourisme au Pôle Nord reste mineur. Mais la fonte des glaces ouvre des voies dans l’Arctique. Résultat : le passage Nord-Ouest entre le Pacifique et l’Atlantique est plus facilement navigable en été. Même pour les plus gros navires. Ainsi en 2016, le Cristal Serenety, paquebot de croisière construit à Saint-Nazaire, a traversé ce passage. Une première car jamais un tel navire ne s’y était aventuré. Dans le cadre d’une croisière ralliant Seward en Alaska à New-York, trois villes groenlandaises ont fait office d’escale : Ilulissat, Sisimuit et la capitale Nuuk. Ce type de croisière pourrait se multiplier mais les dangers d’une forte présence humaine dans cet environnement fragile interrogent. Toujours est-il que les retombées économiques pour le Groenland et les autres pays du Grand Nord pourraient se révéler non négligeables. Même s’il est encore tôt pour parler de tourisme de masse, avec 1,5 millions de visiteurs en Arctique en 2007, les écologistes tentent d’interpeller contre les risques du phénomène.

Il est donc évident que le Groenland aborde une période de transition, dans laquelle il devra faire des choix pour trouver un juste équilibre entre émancipation économique et préservation de son environnement.

 

Guillaume Laclotre