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Jeune et migrant sur la Côte d’Azur, un quotidien semé d’embûches
Sur la Côte d’Azur, les jeunes migrants arrivent nombreux de la frontière italienne. Seuls ou en famille, ils font face à la difficulté de survivre dans un environnement souvent hostile.
Dans les bureaux d’Accompagnement lieux d’accueil carrefour éducatif et social (ALC) à Nice, Ahmad* prend des cours de français. Menacé, car chrétien dans une république islamique, il fuit l’Iran avec sa femme et son fils début 2017. Demandeur d’asile de 26 ans, il est arrivé en France il y a à peine quatre mois. Lui et sa famille font partie des « chanceux », ils sont logés. Après avoir connu la rue, l’hospitalité d’un prêtre niçois, une chambre d’hôtel financée par l’Etat, ils sont finalement pris en charge par l’ALC. Aujourd’hui, c’est dans un appartement que leur fournit l’association, niçoise, qu’ils essaient de reconstruire leur vie. Une vie dans l’attente d’une réponse positive à leur demande d’asile. Ahmad a des projets plein la tête, cet ingénieur civil souhaiterait rester et travailler dans la capitale azuréenne qu’il avoue en riant “aimer pour son soleil”. Chose impossible tant qu’il n’aura pas obtenu le statut de réfugié.
Limitrophe de l’Italie, les Alpes-Maritimes sont un lieu de transit pour ceux qui fuient la guerre, la répression ou une vie misérable. En 2017, le pôle “Accueil Médiation Intégration”(AMI) de l’ALC, accueillait une grande majorité de jeunes parmi les 170 adultes de 35 nationalités différentes. Seuls, en famille ou parent célibataire, ces migrants ont le même objectif : acquérir l’asile en France. Christelle Bouali, directrice du pôle AMI, rappelle que : “En théorie, quand on demande l’asile en France, on a le droit d’être logé. Dans la pratique, ce n’est pas le cas.“ Les places sont insuffisantes et recevoir des migrants devient de plus en plus compliqué pour l’Etat français. Des critères arbitraires sont alors mis en place : les familles avec des enfants de moins d’un an ou les femmes enceintes de plus de 8 mois sont considérés comme prioritaires et ont le droit au logement, pour les autres, l’attente peut être longue. Parmi ces autres, beaucoup de jeunes hommes célibataires, l’ALC va jusqu’à dire qu’ils “n’ont quasiment aucune chance d’être hébergé“.
“Quand j’ai eu 18 ans, ils m’ont jeté dehors”
La situation de ces jeunes est particulièrement précaire. Si l’Etat français a délégué la prise en charge des mineurs aux conseils départementaux, une fois majeur ceux-ci sont laissés à leur sort. Au Secours Catholique de Nice, le Malien Issa Sissoko témoigne : “Quand j’ai eu 18 ans, ils [les foyers d’accueil pour mineurs, ndlr] m’ont jeté dehors, maintenant, je dors chez des amis, je change d’endroit tout le temps.“ Ces jeunes migrants se trouvent dans des situations très compliquées à leur arrivée en France. Houari Choucha, membre de l’ALC, parle de “traumatisés de l’exil”. Souvent atteints de stress ou d’anxiété aiguë, ces demandeurs d’asile ont besoin d’un accompagnement et d’un soutien psychologique dont ils ne bénéficient que très rarement. A peine sortis de l’adolescence, ils abandonnent tout ce qu’ils connaissaient. “Ils ont quittés leur famille, leurs racines, leur langue, leur pays, leur vie. Quand ils sont jeunes, ils partent avec l’espoir, mais aussi avec le désespoir“.

Demander l’asile, une procédure compliquée
Moussa Gomis, originaire du Sénégal, pensait que “la Méditerranée serait le plus grand obstacle que j’aurais à traverser”. Il était loin de se douter que le processus de demande d’asile serait aussi long et compliqué. La première instance à solliciter est l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) devant laquelle les demandeurs d’asile doivent défendre seuls leur dossier. En cas de refus, un recours est possible auprès de la Cour nationale au droit d’asile. Ils ont alors le droit de faire appel à un avocat pour plaider leur cause. Les temps d’attente peuvent donc être très longs, comme l’explique Anne Geoffrey, membre du Secours Catholique de Nice. Elle a hébergé pendant plus de six mois Rodrigue, jeune demandeur d’asile qui attend une réponse depuis plus de trois ans et demi. Au total, après recours, ce ne sont que 30% des demandes qui reçoivent une réponse positive. A partir du moment où la demande est faite, des logements ainsi qu’un forfait de 6€ par jour et par personne sont censés être mis à disposition par l’Etat. Mais selon Anne, qui travaille dans une permanence destinée aux 18-30 ans : “Il n’y a plus de place et les jeunes femmes et familles, qui étaient auparavant prioritaires, sont aujourd’hui à la rue”.

Les associations, des acteurs essentiels
Face à ces situations précaires, les associations d’aide aux migrants sont des acteurs essentiels à leur survie. Plus qu’une simple aide, elles sont parfois leur seule réponse aux besoins vitaux. “Ils arrivent souvent avec une demande d’aide d’urgence : le besoin d’un repas, de vêtements et surtout d’un soutien”, décrit Anne Geoffrey. A Nice, la permanence de l’association Secours Catholique, lors de sessions d’accueils menées deux fois par semaine, offre la possibilité de faire une lessive, de prendre une douche ou bien d’avoir une aide administrative. L’association ne se contente cependant pas uniquement de les aider dans l’urgence. Elle essaie de proposer des activités culturelles et sportives à son public. Des cours de français y sont dispensés, des entraînements de football ou des sorties aux îles de Lérins ont également lieu. Une courte échappée au milieu de ce long périple.
*prénom modifié
Adrian Rémy