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Les nouvelles taxes annoncées par Donald Trump accentuent les craintes d’une guerre commerciale
Dans la nuit du 22 mars dernier, le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé vouloir réduire le déficit commercial entre les États-Unis et la Chine en imposant des taxes sur les produits chinois à hauteur de 60 milliards de dollars. Cette annonce a renforcé les craintes d’une guerre commerciale entre les deux pays et a mis les bourses mondiales dans le rouge. Explications.
Fidèle à son slogan « America First », le président américain Donald Trump multiplie les sanctions commerciales envers ses principaux partenaires économiques. Cette fois, c’est au tour de la Chine. Ciblée comme le principal responsable de la situation des travailleurs américains pendant sa campagne électorale, la Chine va subir deux mesures phares de Donald Trump.
La première était déjà annoncée depuis plusieurs semaines : la mise en place de taxes douanières de 25% et 10% sur les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, dans le but de privilégier l’industrie américaine. La seconde, annoncée le jeudi 22 mars, vise à réduire le déséquilibre commercial qui s’est installé entre la Chine et les États-Unis en imposant des taxes sur l’importation de produits chinois jusqu’à 60 milliards de dollars. Ces taxes pourraient toucher aux secteurs stratégiques de l’économie chinoise : la haute technologie, la communication et l’aéronautique et la pénaliser ainsi fortement avec une hausse de 25% des taxes à l’importation.
Depuis, Pekin a répondu aux attaques de Washington en publiant une liste de 128 produits américains qui pourraient être hautement taxés à l’importation, à hauteur de 3 milliards de dollars. Les États-Unis ont depuis surenchéri avec une nouvelle taxe sur l’importation de produits chinois à hauteur de 50 milliards de dollars et continuent de frapper la Chine avec des sanctions commerciales. Les autorités chinoises tentent de négocier en coulisse mais n’ont d’autres choix que de répliquer aux attaques de Washington.
Outre les sanctions commerciales, la Chine compte sur son territoire plus de 60 000 usines américaines et pourrait les sanctionner si la situation s’envenime. C’est toutefois peu probable à court terme, car pénaliser les multinationales américaines et risquer de perdre ses principaux investisseurs n’est pas dans l’intérêt de la Chine. Mais il y a un autre point sur lequel les États-Unis sont très dépendants de la Chine : la dette. En effet, selon CNN, la Chine détient 1,18 billion de dollars de la dette publique des États-Unis. Un outil de dissuasion de plus pour éviter une guerre commerciale.
Une balance commerciale qui penche trop vers l’importation
Ces mesures protectionnistes proposées par le milliardaire américain vont à l’encontre des idées libérales prônant le libre-échange, pourtant omniprésentes aux États-Unis depuis 1945. Les États-Unis sont les principaux instigateurs des traités internationaux, des accords de libre-échange et de la création de l’Organisation Mondiale du Commerce. Le discours de Donald Trump remet en cause l’OMC et s’appuie sur le terme « réciprocité » pour justifier ces taxes : « ils nous taxent, nous les taxons en retour ».
La Chine se contente quant à elle de jouer dans les règles en vigueur dans un monde globalisé, et elle réussit plutôt bien. En témoigne le déficit commercial qui s’est installé entre les deux plus grandes puissances économiques du monde : selon les chiffres donnés par Donald Trump, ce déficit représenterait entre 375 et 500 milliards de dollars. Les chiffres officiels du gouvernement américain, publiés pour l’année 2017, l’estiment à 375 milliards de dollars, soit un important déséquilibre de la balance commerciale. Le total des échanges entre les États-Unis pendant l’année 2017 s’élèverait à plus de 635 milliards de dollars, mais les exportations sont quasiment cinq fois inférieures aux importations. Les États-Unis ont exporté 130 milliards de dollars de biens commerciaux vers la Chine, et en a importé plus de 505 milliards. (Chiffres officiels du gouvernement américain)
On peut donc comprendre pourquoi Donald Trump presse la Chine de réduire le déficit commercial de 100 milliards, mais le président américain se heurte à une réalité : la Chine n’a quasiment aucun intérêt à réduire le déficit commercial des États-Unis. Si chacun des deux géants économiques du monde globalisé campe sur ses positions, les sanctions à répétitions pourraient déclencher une guerre commerciale. On peut alors imaginer l’impact qu’un tel conflit pourrait avoir sur l’économie mondiale. Cette guerre pénaliserait notamment les acteurs boursiers, ultra-dépendants de la conjoncture du commerce international.
Les craintes d’une guerre commerciale se font ressentir sur les marchés
L’annonce des taxes sur l’acier et l’aluminium avait eu l’effet d’une bombe sur les marchés financiers. Cette mesure avait déjà soulevé des craintes de guerre commerciale entre les États-Unis et les pays exportateurs d’acier ou d’aluminium comme l’Allemagne, la Chine, ou le Brésil. Ses premiers effets furent sans surprise la chute des indices boursiers et le désengagement massif des investisseurs. Cependant, après plusieurs jours de négociations tendues, Donald Trump a décidé d’exempter les pays de l’ALENA et de l’Union Européenne d’une hausse des barrières douanières, réduisant les effets de cette mesure à la seule Chine. C’est ce qui explique que les marches européens, représentés par le DAX (l’indice allemand) et le CAC40 (l’indice français), s’en tirent plutôt mieux que les marchés américains et asiatiques.
L’annonce de nouvelles taxes sur les importations chinoises a directement heurté des marchés financiers déjà fébriles. Les investisseurs étaient dans l’attente de l’évolution des négociations entre l’Europe et les États-Unis pour éviter une guerre commerciale à coup de taxes sur les importations, qui sont techniquement interdites par les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Au lendemain de l’annonce du président Trump, les bourses mondiales ont chuté.
À la clôture du vendredi 23 mars, les indices américains, le Dow Jones Industrial Average et le Nasdaq, ont chuté respectivement de 2,93% et 2,43%. Les investisseurs craintifs se sont tournés vers des achats moins volatiles comme l’or ou les bons du trésor, dont les cours ont rapidement grimpé. En Europe, le DAX a perdu 1,93% et le CAC40 1,78%. Le Nikkei, l’indice de la bourse de Tokyo a été la principale victime collatérale de l’annonce de Donald Trump et a perdu plus de 4,5%. (Chiffres officiels de la Bourse de Tokyo)

Les chiffres alarmants de la bourse de Tokyo vendredi dernier avec une baisse de 592,45 points du Nikkei225 (CP : AFP)
Le Nikkei représente en bourse les plus grandes entreprises asiatiques, notamment dans les secteurs de l’aéronautique et de la haute-technologie. Ces secteurs risquent d’être les plus impactés par les taxes américaines. Les investisseurs ont donc abandonné les entreprises du Nikkei, par crainte d’une guerre commerciale pénalisant fortement l’économie des pays asiatiques, basée principalement sur l’exportation de produits manufacturés. Depuis, les marchés demeurent instables, malgré des tentatives de relance des indices à l’ouverture ce lundi. Suite à la réponse du gouvernement chinois, les indices américains ont lourdement chuté cette semaine. Le Dow Jones, victime du bras de fer entre Pékin et Washington, a encore perdu près de 3% ce vendredi.
Il faudra sans doute attendre quelques semaines pour que la situation se délie, mais les conséquences de la mise en place d’une telle mesure pourraient entraîner de pertes encore plus lourdes sur des marchés financiers plongés dans le doute chaque jour, dans l’attente des évolutions du conflit commercial qui s’est installé entre la Chine et les États-Unis, avec comme arme principale les taxes douanières.
Le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a annoncé qu’une guerre commerciale entre les deux pays est désormais une « probabilité« , mais a souligné la volonté de négocier de la part de Washington. Le ministre du commerce chinois Zhong Shan, a lui appelé les États-Unis à annuler l’augmentation des taxes, qui pourrait « entrainer une réaction en chaine » et « déséquilibrer le commerce international ». On imagine alors mal les États-Unis se passer de son premier partenaire économique, qui est prêt à « se battre jusqu’au bout » pour préserver le bon fonctionnement de son économie.
Arno Tarrini